Arabie saoudite. Un avocat ne doit pas être sanctionné pour avoir défendu une victime d’un viol collectif

Les mesures disciplinaires contre l’avocat saoudien Abdul Rahman al Lahem doivent être abandonnées immédiatement si elles semblent n’avoir eu pour raison que ses activités légitimes de défense d’une victime d’un viol collectif, à qui a été infligée une peine d’emprisonnement et de 200 coups de fouet, a déclaré Amnesty International ce mardi 4 décembre. Abdul Rahman al Lahem a été convoqué devant une commission disciplinaire ce 5 décembre, pour avoir publiquement critiqué le traitement inéquitable de sa cliente par le système judiciaire. Après la première condamnation de celle-ci, en novembre 2006, Abdul Rahman al Lahem avait critiqué la décision du tribunal de la traiter comme une coupable plutôt qu’une victime, et aurait déclaré : «cette affaire résume tous les grands problèmes du système judiciaire en Arabie saoudite». «Il est totalement inacceptable qu’Abdul Rahman al Lahem risque une suspension ou une radiation du Barreau simplement parce qu’il a défendu une jeune femme victime d’un viol collectif», a déclaré Malcolm Smart, directeur du programme Moyen orient et Afrique du nord d’Amnesty International. «Abdul Rahman al Lahem doit pouvoir s’acquitter de tous les devoirs de sa profession sans intimidation, gêne, harcèlement ou intervention indue.» Selon une déclaration du ministère de la Justice, le 21 novembre 2007, Abdul Rahman al Lahem a été accusé d’«insulte au Conseil judiciaire suprême» et de «désobéissance aux règles et règlements» du système judiciaire, ce qui pourrait entraîner sa suspension ou sa radiation du Barreau. Un tel châtiment constituerait une violation flagrante des normes internationales protégeant l’intégrité de la profession juridique. La cliente d’Abdul Rahman al Lahem, connue sous le nom de Fille al Qatif, a été jugée en novembre 2006 avec un ami qui l’accompagnait au moment où elle avait été agressée et violée collectivement par sept hommes. La jeune femme et son ami ont été tous deux condamnés à 90 coups de fouet pour une infraction relative au khilwa, se trouvant seuls en compagnie d’un membre du sexe opposé n’étant pas un parent proche ; les responsables du viol ont été condamnés à la flagellation et à des peines de prison allant d’un à cinq ans. Toutes les peines ont été alourdies en appel. La peine de la victime du viol et celle de son ami ont été portées à 200 coups de fouet et six mois de prison, et ceux qui l’avaient violée ont vu leurs peines d’emprisonnement alourdies de deux à neuf ans, en plus de la flagellation. Amnesty International estime que la pénalisation du khilwa est en contradiction avec les normes internationales relatives aux droits humains, en particulier le droit à la vie privée, et que la procédure à l’encontre de la jeune femme et de son ami doit être frappée de nullité. L’approche du ministère de la Justice semble indiquer qu’il considère que la jeune femme s’était, de fait, attiré ce viol en rencontrant son ami. Le premier tribunal à avoir examiné l’affaire aurait demandé la radiation d’Abdul Rahman al Lahem, après ses critiques du traitement infligé à sa cliente, mais nous ne savons pas avec certitude si c’est cette demande qui a déclenché le processus disciplinaire qui vise actuellement l’avocat. «Ces nouvelles mesures prouvent une fois de plus l’absence d’indépendance du système judiciaire saoudien, préoccupation régulièrement exprimée par Amnesty International», a déclaré Malcolm Smart. «Toute cette affaire démontre les incohérence du système judiciaire, en particulier ses préjugés inhérents contre les femmes, et pourrait dissuader d’autres avocats de défendre des femmes victimes de viol ou d’autres formes de violence sexuelle.» Contexte Les inquiétudes d’Amnesty International, concernant la sanction d’Abdul Rahman al Lahem pour avoir accompli son travail d’avocat, sont accrues par la nature du processus disciplinaire. Ce dernier est contrôlé par le ministère de la Justice, assisté du parquet, qui dépend actuellement du ministère de l’Intérieur, ce qui remet en cause son indépendance est son impartialité. Aux termes du Code du 15 octobre 2001régissant les professions juridiques (CLP), le ministère de la Justice contrôle celles-ci en tant qu’autorité statutaire chargée de délivrer les autorisations et de sanctionner les avocats. Abdul Rahman al Lahem aurait été inculpé par le parquet et comparaîtrait devant une commission de trois membres, établie par le ministre de la Justice, pour examiner son affaire. Abdul Rahman al Lahem a le droit d’être assisté d’un avocat. En vertu du CLP, la décision de la commission disciplinaire peut faire l’objet d’un appel devant la Commission des plaintes (Board of Grievances), la plus haute juridiction d’appel administrative du système judiciaire saoudien.