Présentation générale
La sexualité est un aspect important de la vie humaine. Elle a de multiples facettes et est liée non seulement à nos corps, mais également à notre identité de genre, notre orientation sexuelle, notre expérience de l’érotisme et de l’intimité, ainsi qu’à la procréation.
Pouvoir prendre des décisions sur la manière d’exprimer notre sexualité, notamment notre orientation sexuelle et notre identité de genre, ainsi que sur nos corps, nos relations personnelles, la structure de notre famille et l’orientation de notre vie, entre autres, est essentiel à notre autonomie corporelle et à notre dignité.
Pourtant, des millions de personnes à travers le monde, en particulier les membres des communautés marginalisées et stigmatisées et celles qui vivent dans la pauvreté, sont privées de la possibilité de prendre des décisions libres et éclairées au sujet de leur corps. Dans de nombreux pays, cela s’explique par le fait que les gouvernements tentent de dicter la manière dont les personnes doivent former des relations intimes ou exprimer leur désir, et si une personne peut avoir des enfants ou non et quand. Cette situation affecte particulièrement les femmes, les filles et les personnes LGBTI, mais, au-delà des individus, des communautés entières sont touchées.
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Face à une tentative historique de faire reculer nos droits en matière de sexualité et de procréation, nous avons besoin de votre aide pour poursuivre la lutte.
Qu’est-ce que la santé en matière de sexualité et de procréation ?
La santé en matière de sexualité et de procréation implique un état de bien-être général sur le plan physique, mental et social. Elle nécessite d’accéder à l’information, à l’éducation et à certains services, afin de prendre des décisions éclairées sur notre sexualité, sur notre plaisir et sur la procréation tout au long de nos vies.
Exercer ses droits relatifs à la santé en matière de sexualité et de procréation signifie :
- Choisir si l’on souhaite avoir des relations sexuelles, quand et avec qui, et vivre à l’abri de toute violence sexuelle, notamment du viol.
- Décider si l’on souhaite avoir des enfants ou se marier, quand et avec qui ; avoir la possibilité de fonder une famille de différentes manières, notamment grâce aux méthodes de procréation assistée ; accoucher et s’occuper de ses enfants en toute sécurité, y compris en période de conflit et de crise humanitaire.
- Avoir accès à des informations et des services de santé en matière de sexualité et de procréation, notamment à la contraception, à l’avortement et aux traitements contre les infections sexuellement transmissibles (IST), aux soins d’affirmation de genre et à des produits d’hygiène menstruelle adaptés, sans discrimination ni contrainte.
- Avoir la possibilité de vivre des expériences sexuelles agréables et sûres, au-delà des tabous et des stéréotypes, sans contrainte, discrimination, ni violence, et recevoir des informations à ce sujet.
Quelles sont les obligations des États au regard du droit international pour protéger nos droits en matière de sexualité et de procréation ?
Notre santé en matière de sexualité et de procréation dépend de l’interdiction de la discrimination et de notre accès à de nombreux droits interreliés, tels que le droit de disposer de son corps et le droit à la vie, le droit de ne pas subir de torture, le droit à la santé, à la vie privée et à l’éducation.
Cela signifie que les États ont l’obligation de respecter, protéger et mettre en œuvre des droits liés à la santé sexuelle et reproductive, notamment le droit pour toute personne de contrôler et de prendre des décisions libres et responsables concernant sa sexualité, sans subir ni contrainte, ni discrimination, ni violence. Afin de respecter ces obligations, les États doivent abroger ou éliminer les lois, les politiques et les pratiques qui criminalisent, entravent ou compromettent l’accès des individus ou de certains groupes aux établissements, aux services, aux biens et à l’information en matière de santé sexuelle et procréative, et leur en garantir l’accès.
Les États sont tenus de faire en sorte que les services, les biens et l’information en matière de santé sexuelle et procréative soient :
- Disponibles en quantité suffisante et équitablement répartis au sein de la population.
- Accessibles d’un point de vue géographique, physique et social, ainsi qu’à un coût abordable.
- Adaptés à la culture et fournis sans discrimination, dans le respect des droits humains, de la dignité, de la vie privée et de la confidentialité.
- De bonne qualité.
La justice reproductive
Au cours de l’histoire et partout dans le monde, les gouvernements ont tenté de contrôler et d’exploiter le corps des femmes, en particulier celles issues de communautés marginalisées, afin de servir leurs propres intérêts politiques au détriment des droits sexuels et reproductifs des femmes, restreignant ainsi gravement leur exercice. Ces efforts s’inscrivent dans un contexte d’oppressions multiples, fondées notamment sur l’origine, la classe sociale, le handicap, l’âge et le statut migratoire.
Aux États-Unis, un groupe de femmes noires ayant constaté les limites du cadre de protection des droits en matière de procréation, a consacré le terme « justice reproductive ». Ce concept vise à reconnaître que la santé de la procréation est étroitement liée à toutes les facettes de notre vie et qu’elle est également une question de justice sociale. Comme l’explique Loretta J. Ross, l’une des voix les plus importantes du mouvement : « La justice reproductive couvre des questions liées au contrôle de la population, à l’autodétermination concernant son propre corps, aux droits des personnes immigrées, à la justice économique et environnementale, à la souveraineté, au militarisme et aux injustices pénales qui limitent les droits humains en raison d’oppressions infligées à un groupe ou une population. »
La progression des fondamentalismes, les politiques de plus en plus militaristes et sécuritaires, l’affaiblissement de l’état de droit, les inégalités, la réduction de l’espace accordé à la société civile et les pratiques autoritaires ont des conséquences désastreuses sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation des femmes, des filles et des personnes LGBTI.
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La criminalisation de la sexualité et de la procréation
La sexualité et la procréation sont criminalisées lorsque les gouvernements tentent de contrôler nos actions et les décisions que nous prenons en lien avec notre corps, par le biais de lois et de politiques punitives. Dans certains cas, cela prend la forme de lois et de politiques telles que des interdictions pénales de l’avortement, des relations sexuelles en dehors du mariage ou entre personnes du même sexe. Dans d’autres, tout un arsenal de lois et politiques pénales, civiles et religieuses ayant trait à l’ordre public ou à la « moralité » sont utilisées pour réglementer indirectement, contrôler et punir certains choix sexuels et procréatifs ou certaines formes d’expression de genre.
Ces violations des droits humains se multiplient partout dans le monde et ont tendance à affecter les communautés pauvres et marginalisées de manière disproportionnée.
Dans une grande partie des Amériques, par exemple, les personnes enceintes, les professionnel·les de la santé et quiconque leur vient en aide risquent d’être sanctionnés pour avoir demandé, obtenu, pratiqué ou aidé à pratiquer un avortement. Dans certains États africains, des dirigeant·e·s politiques opportunistes ont redonné vie à des textes archaïques ou ont fait adopter de nouvelles lois prévoyant de lourdes peines en cas de relations sexuelles entre personnes de même sexe. Ces dernières années, le nombre de femmes emprisonnées aux États-Unis pour des actes autrement licites au cours de la grossesse a augmenté, tandis que dans plusieurs pays du monde, des personnes peuvent être poursuivies en raison de leur séropositivité au VIH.
La criminalisation de la grossesse
Dans plusieurs pays, tels que le Salvador, la Norvège, la Russie, l’Ukraine et les États-Unis, les personnes enceintes peuvent être la cible de politiques et de pratiques punitives du fait de leurs comportements réels ou supposés. Aux États-Unis, par exemple, des lois sur l’« agression contre le fœtus », qui permettent de définir légalement un fœtus comme « victime » d’agression, ont été utilisées pour poursuivre des femmes qui ont subi une fausse couche ou sont soupçonnées d’avoir porté atteinte à leur fœtus.
Aux États-Unis toujours, des centaines de femmes ont été arrêtées, interrogées, poursuivies et placées en détention après avoir révélé à un·e professionnel·le de santé ce qu’elles pensaient être des informations confidentielles, ou simplement après s’être présentées pour recevoir des soins médicaux de routine ou d’urgence. En ce sens, de nombreux États des États-Unis ont intégré à leur code pénal une définition de la « personne humaine » qui permet de considérer les ovules fécondés, les embryons et les fœtus comme des victimes de crimes violents le cas échéant. Ces réglementations punitives constituent une violation des droits fondamentaux des femmes, notamment leur droit de disposer de leur corps.
La criminalisation des relations sexuelles en dehors du mariage
Dans plusieurs pays tels que l’Arabie saoudite, le Cameroun, les Émirats arabes unis, certaines régions des États-Unis, l’Iran, la Jordanie, le Maroc, les Philippines et Taiwan, les relations sexuelles entre des personnes qui ne sont pas mariées sont considérées comme une infraction et sont passibles dans certains cas de lourdes peines. Il peut s’agir de longues peines d’emprisonnement comme de flagellation ou, dans quelques États, de mort par lapidation.
La criminalisation des relations sexuelles entre personnes de même sexe
Les relations sexuelles consenties entre personnes du même sexe sont considérées comme des infractions dans environ 60 pays du monde, selon les données de l’Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes (ILGA).
En Hongrie, une loi anti-LGBTI+ interdit les enseignements et les publicités dont il est considéré qu’ils « popularisent », voire représentent des relations consenties entre personnes du même sexe ou l’affirmation du genre auprès de mineur·e·s.
En Chine, les personnes qui souhaitent bénéficier d’un traitement d’affirmation de genre et de soins médicaux liés ou modifier leurs caractéristiques sexuelles pour qu’elles soient en adéquation avec leur identité de genre, se heurtent à de nombreux obstacles.
La criminalisation du travail du sexe
De nombreux pays dans le monde interdisent totalement le travail du sexe, en appliquant des lois qui érigent en infractions l’échange de services sexuels contre de l’argent ou des biens et l’ensemble des activités liées à la vente ou à l’achat de tels services, telles que le racolage et le fait de louer un local pour y vendre des services sexuels, entre autres. D’autres pays, comme la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, le Danemark et certains États d’Australie, ont dépénalisé ou légalisé le travail du sexe, le réglementant par des autorisations d’exercer ou des restrictions géographiques.
Les lois et les politiques qui érigent le travail du sexe en infraction, directement ou indirectement, violent différents droits humains. En considérant les travailleuses et travailleurs du sexe soit comme des criminels qui ne méritent que le mépris, soit comme des victimes qui ne peuvent pas vendre des services sexuels de leur plein gré, ces dispositions punitives les privent souvent de leur dignité et de leur droit de disposer librement de leur corps et de leur vie.
La criminalisation des personnes vivant avec le VIH
La non-révélation de la séropositivité au VIH, l’exposition au virus et sa transmission sont considérées comme des infractions dans 92 pays, d’après des données recueillies en 2020 par ONUSIDA. Ces lois, qui ont tendance à affecter les populations marginalisées de manière disproportionnée, sont contreproductives puisqu’elles sapent les efforts destinés à empêcher de nouvelles infections par le VIH et violent le droit à l’égalité et à la non-discrimination.
Étude de cas : L’avortement en Pologne
Joanna, 32 ans, a dénoncé en juillet 2023 dans les médias le traitement éprouvant et humiliant reçu quelques mois plus tôt dans un hôpital de Cracovie, en Pologne. D’après son témoignage, après avoir pris des pilules abortives en avril, elle a consulté son psychiatre à cause de troubles anxieux persistants.
Peu après, la police s’est présentée à l’appartement de Joanna. Elle a confisqué son ordinateur et son téléphone portables et l’a escortée jusqu’à l’hôpital, où des policières l’ont fait se déshabiller, s’accroupir et tousser alors qu’elle saignait encore.
Gérer soi-même sa propre interruption de grossesse n’est pas un crime en Pologne, mais aider quelqu’un à avorter en dehors des rares circonstances autorisées au regard de la loi en est un. La police cherchait des éléments de preuve qui lui auraient permis de déterminer qui avait aidé Joanna à avorter. Joanna a déposé plainte pour dénoncer le traitement reçu et une juridiction a jugé ce traitement illégal.
Que peuvent faire les États pour permettre aux personnes d’exercer leurs droits en matière de sexualité et de procréation ?
Les États ont l’obligation de respecter les droits de tous et toutes en matière de sexualité et de procréation, de les protéger et de rendre leur exercice possible. Ils ont également le devoir de combattre les facteurs sociaux, économiques et politiques qui empêchent de nombreuses personnes d’avoir accès à ces droits et de les exercer. Pour ce faire, les États peuvent agir de diverses manières :
- Donner aux gens les moyens d’exercer leurs droits et soutenir les mouvements sociaux qui promeuvent les droits en matière de sexualité et de procréation.
- Garantir l’accès à une éducation complète à la sexualité dès le plus jeune âge, afin que chaque personne dispose de tous les outils nécessaires à l’exercice de son autonomie corporelle.
- Mener des campagnes publiques de sensibilisation sur les normes sociales nocives, les stéréotypes, les pratiques et les comportements qui ont un effet négatif sur l’exercice des droits en matière de sexualité et de procréation.
- Lutter contre les problèmes et les obstacles structurels et systémiques qui affectent l’exercice des droits sexuels et reproductifs, particulièrement pour les groupes marginalisés, notamment ceux qui font face à des discriminations fondées, entre autres, sur la « race », l’origine ethnique, la classe sociale, la caste, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’expression de genre et les caractéristiques sexuelles, le statut migratoire, le handicap, l’appartenance à la population urbaine ou rurale.
- Abolir les lois et les pratiques qui punissent les personnes qui exercent leurs droits sexuels et reproductifs dans leur pays et à l’étranger, et ne pas adopter de lois en ce sens.
Que fait Amnesty pour promouvoir les droits en matière de sexualité et de procréation ?
Face à une tentative historique de faire reculer nos droits en matière de sexualité et de procréation, Amnesty International fait campagne aux côtés de militant·e·s des quatre coins du monde afin de garantir la protection de nos droits humains les plus fondamentaux.
Pour cela, nous menons des recherches, des campagnes et des actions de plaidoyer en collaboration avec des organisations féministes, afin de lutter contre le recul des droits humains.
Vous souhaitez en savoir plus sur ces sujets ? Consultez notre rapport « Politique sur les problématiques liées au corps humain : Introduction à la criminalisation de la sexualité et de la procréation »
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