Mozambique 2023
Le groupe armé Al Shabaab a tué 17 civil·e·s. Les forces armées et leurs alliés ont commis des violences contre la population civile. Le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique a été réprimé. La police a tiré à balles réelles sur des membres et des sympathisant·e·s de l’opposition pendant la période électorale, tuant plusieurs manifestant·e·s et passant·e·s. Des centaines de personnes ont été arrêtées arbitrairement. Un homme est décédé en garde à vue dans des circonstances suspectes. La police n’a pas fait le nécessaire pour protéger certaines personnes contre des enlèvements commis par des criminels.
Contexte
Le Mozambique, élu pour un mandat de deux ans au Conseil de sécurité de l’ONU, a commencé à siéger en janvier.
Le gouvernement a créé la Commission interministérielle des droits humains et du droit international humanitaire, mais les graves atteintes aux droits humains ont perduré, exacerbées par le conflit dans la province de Cabo Delgado et par d’autres facteurs structurels.
Alors que le Mozambique n’était responsable que de 0,02 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, il était l’un des pays les plus touchés par le changement climatique.
Des inondations survenues en février dans la province de Maputo ont touché 40 000 personnes et fait 12 morts. En mars, cinq enfants ont été tués et 20 maisons détruites par de fortes pluies dans la ville de Pemba.
Entre février et mars, plus de 1,3 million de personnes ont été frappées par le cyclone Freddy dans les provinces d’Inhambane, de Sofala, de Manica, de Tete, de Zambézia et du Niassa ; les inondations ont provoqué le déplacement de 250 000 personnes et ont fait 453 morts et 630 blessés. Environ 51 % des personnes touchées étaient des femmes et des enfants. Les autorités n’ont pas apporté en temps voulu une aide humanitaire aux victimes.
Les élections municipales se sont tenues le 11 octobre dans 65 municipalités.
Violations du droit international humanitaire
Dans le cadre du conflit armé en cours, le groupe armé Al Shabaab, les Forces de défense et de sécurité mozambicaines (FDS) et la Mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe au Mozambique (SAMIM) ont commis des crimes de guerre à l’encontre des populations civiles dans la province de Cabo Delgado, dans le nord du pays.
Entre juin et septembre, Al Shabaab a mené des attaques dans le district de Mocímboa da Praia. Ses membres ont tué un homme et incendié 10 maisons à Limala, et tué une femme à Kalugo et 13 autres personnes à Naquitengue. En juillet, ils ont décapité deux hommes chrétiens à Litamanda, dans le district de Macomia.
Le 24 juillet, un soldat des FDS a violé une jeune fille de 17 ans dans le district de Nangade. Toujours en juillet, un membre de la SAMIM a blessé un homme par balle à Ingoane, dans le district de Mucojo. Les autorités n’ont ouvert aucune enquête sur ces deux affaires.
Liberté d’expression, d’association et de réunion
Les forces de sécurité ont réprimé des manifestations. En janvier, une forte présence policière, notamment constituée de membres de la Force d’intervention rapide (FIR) et de brigades canines, a empêché 130 membres du personnel de la municipalité de Namaacha, dans la province de Maputo, de manifester pour dénoncer un retard de cinq mois dans le paiement de leurs salaires. Une des personnes participantes a affirmé que tous les manifestant·e·s avaient battu en retraite par peur.
Le 8 août, la Police de la République du Mozambique (PRM) a empêché des médecins en grève d’offrir des soins gratuits dans le quartier de Zimpeto, à Maputo, la capitale. Le 21 août, un porte-parole du gouvernement a menacé de licenciement les médecins non encore titularisés s’ils poursuivaient leur grève.
Recours excessif à la force
Le 18 mars, à Maputo et à Beira, la PRM a tiré des balles réelles, des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène sur des centaines de personnes qui s’étaient rassemblées pacifiquement en hommage au rappeur décédé Edson da Luz, connu pour son franc-parler. Une femme prénommée Belarmina, dont le nom de famille n’a pas été révélé, a été touchée par un tir mortel, et des dizaines de personnes ont été blessées, dont Inocêncio Manhique, qui a perdu un œil ; 22 autres personnes ont été arrêtées dans ces deux villes.
Dans la période précédant et suivant les élections municipales, les forces de sécurité ont tiré à balles réelles pour empêcher des manifestations et des rassemblements de membres et de sympathisant·e·s de la Résistance nationale mozambicaine (RENAMO), parti d’opposition. Le 12 octobre, la PRM a ainsi tiré sur trois hommes dans le district de Chiúre (province de Cabo Delgado) ; l’un d’eux est décédé. Elle a également tiré sur des sympathisant·e·s à Nampula, blessant un enfant, et a poursuivi son attaque entre 1 heure et 4 heures du matin le lendemain. Plus tard le même jour, une autre personne a été blessée par des tirs à balles réelles destinés à disperser des sympathisant·e·s de la RENAMO dans la municipalité de Gurué (province de Zambézia).
Le 26 octobre, l’annonce de la victoire électorale du parti au pouvoir dans les municipalités où la RENAMO se présentait a été suivie de deux jours de manifestations des membres et des sympathisant·e·s de ce parti. La PRM a de nouveau eu recours à une force excessive pour disperser ces rassemblements, tuant au moins quatre passants. À Nampula, un adolescent de 14 ans, Atipo Ajum, est mort après avoir reçu une balle alors qu’il vendait des boissons dans la rue, et un homme, Sabonete Saíde, a été touché par un tir mortel à son domicile. Dans la municipalité de Nacala, Issa Félix a été abattu alors qu’il tentait de traverser la rue, et Braimo Arlindo, 17 ans, a été tué alors qu’il cherchait à s’abriter des balles avec son père, qui a été grièvement blessé. Des dizaines de personnes ont souffert de symptômes dus à l’inhalation de gaz lacrymogène. Selon des témoins, à Maputo, la PRM a reçu le renfort d’agents en civil et de membres de la police antiémeutes armés de fusils AK-47. Un porte-parole de la police a déclaré le 27 octobre que des enquêtes étaient en cours sur ces homicides, mais que la police emploierait tous les moyens pour empêcher les manifestations violentes.
En décembre, la PRM a eu recours à une force excessive pour disperser des sympathisant·e·s de l’opposition qui manifestaient contre les résultats des élections d’octobre. Une personne au moins (un adolescent de 15 ans) a été tuée dans le district de Marromeu et cinq manifestants ont été blessés à Gurué, tous par des balles tirées par la police.
Arrestations et détentions arbitraires
Les forces de sécurité ont soumis des personnes, dont des manifestant·e·s, à une détention arbitraire.
Le ressortissant angolais Gerson Emanuel Quintas (aussi appelé Man Genas), sa femme et leurs deux enfants ont été arrêtés par la PRM le 26 février puis assignés à résidence à Maputo après avoir fait une demande d’asile. Cet homme avait semble-t-il fui des menaces de mort en Angola, où il avait dénoncé l’implication présumée d’un haut gradé de la police dans le trafic de drogue.
En juillet, Macassar Bacar a été retrouvé mort au poste de police n° 3 de Maputo, le lendemain de son arrestation par le Service national des enquêtes criminelles. La police a affirmé que cet homme était décédé de causes naturelles, mais une ONG locale a indiqué craindre qu’il n’ait succombé à des actes de torture.
En novembre, le ministre de l’Intérieur a annoncé que des centaines de personnes avaient été incarcérées et inculpées en lien avec les manifestations d’octobre. Seules 17 d’entre elles avaient été libérées à la fin de l’année. Les autres se trouvaient toujours en détention (voir Recours excessif à la force).
Droit à la vie et à la sécurité de la personne
Des hommes et femmes d’affaires d’origine asiatique ou leurs familles ont cette année encore été la cible de ravisseurs qui réclamaient une rançon en échange de leur libération. La PRM n’a pas pris des mesures suffisantes pour garantir leur sécurité. Les entrepreneur·e·s Sheinaz Gani, Sanjay Dhalani et Firoz Mussa, ont été libérés durant l’année après plusieurs mois de captivité. Ils avaient été enlevés à Maputo entre mars et septembre. Firoz Mussa a été relâché à la suite du versement d’une rançon par sa famille.