États-Unis. La justice doit rejeter un recours menaçant la règle cruciale relative aux «minerais du conflit»

Il faut empêcher que les intérêts des entreprises américaines puissent invalider la règle relative aux « minerais du conflit », qui oblige les entreprises à vérifier et révéler si leurs produits contiennent certains minerais ayant contribué au financement de groupes armés dans des pays d’Afrique riches en minerais, a déclaré Amnesty International lundi 6 janvier 2014. La cour fédérale d’appel du district de Columbia examine mardi 7 janvier un recours formé par trois groupes industriels contre cette règle. Amnesty International prend part à la procédure pour soutenir la règle mise en cause. « Cette contestation devant la justice de la règle relative aux minerais du conflit n’est rien moins qu’une grossière tentative des groupes industriels visant à faire passer les profits avant les principes, a souligné Steven Hawkins, directeur exécutif d’Amnesty International États-Unis. « Cette règle a été requise par le Congrès pour sauver des vies et empêcher des atteintes aux droits humains en freinant l’afflux de financements bénéficiant aux groupes armés qui sévissent en toute impunité dans les régions où ces minerais sont exploités – en République démocratique du Congo et dans d’autres pays d’Afrique centrale. » La règle relative aux « minerais du conflit » a été demandée par le Congrès américain en 2010 dans le cadre d’une série de mesures visant à réformer les pratiques commerciales après la récession économique de 2008. Les minerais des zones de conflit sont utilisés dans un certain nombre de biens de consommation très demandés, notamment des téléphones mobiles, des ordinateurs, des ampoules et des boîtes de conserve. Outre le conflit armé de longue date dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), d’où provient une grande partie des minerais servant à fabriquer ces produits, de nouveaux conflits ont récemment éclaté dans deux pays limitrophes également riches en minerais : la République centrafricaine et le Soudan du Sud. L’existence d’un lien entre les groupes armés et le commerce des minerais est attestée par de nombreux éléments, y compris par des rapports d’experts nommés par les Nations unies faisant autorité. En 2010, le Congrès américain a adopté la loi Dodd-Frank de réforme de Wall Street et de protection du consommateur dans le but d’améliorer la transparence et d’aider les consommateurs et les investisseurs à prendre des décisions en meilleure connaissance de cause. Ce texte vise notamment le commerce et l’exploitation de minerais en RDC et dans les pays voisins car le Congrès a reconnu que l’utilisation de ces minerais par des entreprises alimentait la demande, qui finance les groupes armés impliqués dans le conflit. Pendant l’élaboration de la loi Dodd-Frank, la Chambre de commerce des États-Unis et d’autres fédérations commerciales ont tenté en vain d’affaiblir la règle relative aux « minerais du conflit ». Dans un dernier effort pour invalider cette règle, les groupes industriels ont affirmé à tort qu’elle violait le premier amendement de la Constitution américaine. Selon eux, le fait d’obliger les entreprises à divulguer leur utilisation de « minerais du conflit » constitue une atteinte à la liberté d’expression. « Cette contestation de la règle relative aux minerais du conflit invoquant le premier amendement est particulièrement vile et tout bonnement indue. Les entreprises ne peuvent se cacher derrière le premier amendement pour éviter de communiquer des éléments factuels en vertu des obligations d’information », a ajouté Steven Hawkins. La divulgation d’informations est systématiquement requise dans un certain nombre d’autres situations, par exemple l’étiquetage des produits (notamment pour le tabac), le signalement des déversements de substances toxiques dans l’environnement et les informations relatives à des accidents. Complément d’information Dans le cadre de la loi Dodd-Frank de réforme de Wall Street et de protection du consommateur, votée en 2010, le Congrès américain a contraint certaines sociétés réglementées par la Securities and Exchange Commission (SEC) à révéler si leurs produits contiennent des « minerais du conflit » (étain, tantale, tungstène et or) provenant de RDC et de pays limitrophes, parmi lesquels figurent la République centrafricaine et le Soudan du Sud. Il a adopté la disposition relative à l’obligation d’information, contenue dans la section 1502 de la loi, comme outil pour promouvoir la paix et la sécurité dans ces pays, car le commerce de ces minerais constitue une importante source de financement pour les groupes armés présents dans l’est de la RDC et ailleurs dans la région. Trois fédérations commerciales ont contesté la réglementation que la SEC a adoptée en août 2012 en vue de mettre en œuvre la section 1502. Elles affirment que la règle de la SEC relative aux « minerais du conflit » pourrait aggraver la situation humanitaire, qu’elle impose des coûts considérables sans démontrer un quelconque bénéfice, qu’il était déraisonnable de ne pas créer d’exception pour l’utilisation infime de ces minerais, que la règle n’aurait pas dû s’appliquer aux sociétés qui sous-traitent leur production et qu’elle fait peser des contraintes sur la liberté d’expression en violation du premier amendement. En juillet 2013, la cour fédérale de district a confirmé la règle dans son intégralité, rejetant ainsi le recours des groupes industriels.