Jamaïque. Il faut que les auteurs des homicides perpétrés lors d’opérations contre les bandes armées soient jugés

Les autorités jamaïcaines doivent traduire en justice les responsables de violations des droits humains, dont les homicides dont ont été victimes 74 personnes il y a un an lors d’une opération visant à arrêter le chef présumé d’une bande armée à Kingston, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public lundi 23 mai.Malgré quelques mesures positives, les autorités n’ont pas engagé de réelles poursuites contre les auteurs du massacre perpétré lors de l’opération visant à arrêter Christopher Coke, qui a finalement été extradé vers les États-Unis pour y être jugé pour trafic d’armes et de drogue.« Une commission d’enquête indépendante doit être créée pour que les violations des droits humains commise à Tivoli l’an passé sous l’état d’urgence ne restent pas impunies, contrairement à ce qui s’est trop souvent passé en Jamaïque », a déclaré Chiara Liguori, spécialiste de la Jamaïque à Amnesty International.Le 24 mai 2010, l’armée et la police jamaïcaines ont lancé une opération conjointe dans le quartier de Tivoli Gardens, dans l’ouest de Kingston, dans le but d’arrêter Christopher Coke et de rétablir l’ordre dans le secteur.Au cours de l’opération qui a duré deux jours, 74 personnes au moins ont été tuées, parmi lesquelles un membre de la Force de défense jamaïcaine, et 54 autres personnes au moins ont été blessées, dont 28 membres des forces de sécurité.Au cours des deux mois qui ont suivi l’instauration de l’état d’urgence, plus de 4000 personnes, certaines d’entre elles mineures, ont été placées en détention, la plupart sans être inculpées. Deux personnes, qui auraient été placées en garde à vue, n’ont pas reparu depuis.Les enquêtes ouvertes par les autorités sur les homicides perpétrés n’ont encore permis d’établir ni les faits ni les responsabilités. Selon les informations recueillies par les juristes d’Amnesty International, des failles au stade initial des enquêtes pourraient avoir compromis les résultats.Parmi les failles relevées au stade initial de l’enquête, on peur citer l’absence de protection des scènes de crime et le non-retrait de service, pour des examens balistiques, des armes à feu utilisées au cours des affrontements.En outre, l’organisation a constaté un manque général de moyens consacrés aux enquêtes, notamment au niveau du service de médecine légale du ministère de la Sécurité nationale, qui n’emploie que deux médecins légistes.« L’absence d’enquêtes efficaces dans des affaires de violations des droits humains n’est pas un fait nouveau, a déclaré Chiara Liguori. La réalité est que depuis beaucoup trop longtemps, les quartiers défavorisés des centres urbains sont pris en étau entre les bandes criminelles qui se livrent au trafic de stupéfiants et un État qui a choisi de les ignorer. »Amnesty International a fait plus de 50 recommandations aux autorités jamaïcaines et soutient les appels lancés localement en faveur de la création d’une commission qui aurait pleins pouvoirs pour enquêter sur les violations des droits humains commises sous l’état d’urgence.