UE. La nouvelle proposition sur les « pays tiers sûrs » est une tentative cynique pour affaiblir les droits et se décharger des responsabilités en matière d’asile

En réaction à la proposition de la Commission européenne de modifier le concept de « pays tiers sûr » en autorisant les États membres de l’UE à envoyer de force des personnes en demande d’asile vers des pays avec lesquels elles n’ont aucun lien, sans possibilité de recours depuis l’UE, Olivia Sundberg Diez, chargée de plaidoyer sur les migrations et l’asile pour l’Union européenne à Amnesty International, a déclaré :

« Au lieu de dépenser sans cesse du temps et des ressources à se décharger de ses responsabilités sur d’autres pays, l’UE devrait investir dans ses propres systèmes d’asile et permettre aux personnes demandeuses d’asile de commencer à reconstruire leur vie.

« Cette proposition est une nouvelle tentative cynique de l’UE pour échapper à ses responsabilités en matière de protection des réfugié·e·s, en les reportant sur des pays ayant moins de ressources et de capacité pour offrir une protection durable. Envoyer des personnes dans des pays où elles n’ont aucun lien, ni soutien ni perspectives, ou par lesquels elles ont seulement transité brièvement, est non seulement chaotique et arbitraire, mais également catastrophique sur le plan humain.

« Pour dire les choses clairement, cette modification ne ferait que fragiliser encore l’accès à l’asile en Europe, affaiblir les droits des personnes et augmenter le risque de renvoi forcé vers le pays d’origine et de détention arbitraire systématique dans les pays tiers – surtout au vu de l’incapacité de plus en plus manifeste de l’UE à surveiller et imposer le respect des droits humains dans ses pays partenaires. »

Complément d’information

Le concept de « pays tiers sûr » permet aux États de juger une demande d’asile irrecevable et de la rejeter lorsqu’ils estiment que la personne demandeuse aurait pu solliciter une protection internationale dans un autre pays. Il s’agit d’une exception à la pratique générale du droit international relatif aux réfugié·e·s, selon laquelle le pays dans lequel une personne demande une protection internationale porte la responsabilité principale de l’examen de sa demande.

Amnesty International critique depuis longtemps ce concept, que les États européens utilisent souvent pour fuir leurs obligations, alors même que les données du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) montrent que 71 % des réfugié·e·s dans le monde sont accueillis dans des pays à revenu faible ou intermédiaire.

Les États membres de l’UE demeurent obligés de procéder à une évaluation individuelle de la sûreté du pays tiers pour la personne concernée et de veiller à ce que chaque demandeur ou demandeuse puisse accéder à une procédure d’asile équitable, faire examiner son cas et réfuter les arguments de l’État qui souhaite le ou la renvoyer.

La proposition de la Commission européenne supprimerait la condition de l’existence d’un véritable lien entre la personne en quête d’asile et le pays tiers. Un simple passage par ce pays précédemment ou l’existence d’un accord entre l’État membre de l’UE et ce pays suffirait. La proposition prévoit en outre la suppression de l’effet suspensif des recours, ce qui signifie que les personnes pourraient être transférées de force dans ces pays avant que leur recours ait été examiné. Cette réforme fait suite à la récente proposition de Règlement en matière de retour. Ces deux propositions constituent ensemble une inquiétante tentative pour externaliser la protection des personnes réfugiées et le contrôle des migrations loin des frontières de l’Europe.

La nouvelle proposition de modification du règlement sur la procédure d’asile va maintenant faire l’objet de négociations et nécessitera l’approbation du Conseil européen et du Parlement européen pour être adoptée.