En réaction à la signature d’un protocole d’accord au titre duquel, entre autres, l’Union européenne (UE) accepte d’accorder à la Tunisie une aide financière et technique en vue de dissuader les mouvements migratoires en direction de l’Europe, la directrice du Bureau d’Amnesty International auprès des institutions européennes, Eve Geddie, a déclaré :
« Cet accord mal avisé, signé en dépit des preuves de plus en plus nombreuses de graves atteintes aux droits humains commises par les autorités, se traduira par une dangereuse expansion de politiques migratoires ayant déjà échoué et montre que l’UE accepte le comportement de plus en plus répressif du président et du gouvernement tunisiens.
« Dans un contexte d’escalade de la violence et des atteintes commises par les autorités tunisiennes à l’encontre des migrant·e·s d’Afrique subsaharienne, cette décision indique qu’aucune leçon n’a été tirée des accords similaires précédents. Aussi l’UE se rend-elle complice des souffrances qui en découleront inévitablement.
« Alors que la Tunisie et l’UE s’apprêtaient à signer cet accord, des centaines de personnes, dont des enfants, demeuraient bloquées aux frontières désertiques du pays, initialement sans eau, nourriture, ni abri.
« En axant les politiques et les financements sur le fait de contenir les réfugié·e·s et d’externaliser les contrôles aux frontières plutôt que sur la mise en place d’itinéraires sûrs et légaux pour ceux qui tentent de franchir les frontières en toute sécurité, les dirigeant·e·s de l’UE s’engagent une fois de plus dans une politique vouée à l’échec, fondée sur un mépris total des normes fondamentales en matière de droits humains. »
Complément d’information
Le protocole d’accord a été signé par le commissaire à l’Élargissement et à la Politique européenne de voisinage, Olivér Várhelyi, et le secrétaire d’État tunisien auprès du ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Mounir Ben Rjiba, à la suite d’une réunion organisée dimanche 16 juillet en Tunisie avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, la Première ministre italienne Giorgia Meloni, et le président tunisien Kaïs Saïed. Il prévoit d’apporter une aide financière à la Tunisie et vise à empêcher les personnes d’atteindre l’Europe, à augmenter le nombre de retours de Tunisien·ne·s n’ayant pas le droit de rester en Europe et à faciliter les retours de ressortissants d’autres nationalités depuis la Tunisie vers des pays tiers.
Cet accord a été négocié sans consulter la société civile et il manque certaines garanties essentielles en matière de droits humains. En outre, aucun journaliste n’a assisté à la conférence de presse organisée par les dirigeants tunisiens et de l’UE au lendemain de cet accord.
Le président tunisien, Kaïs Saïed, concentre un pouvoir quasi-total depuis la suspension de l’ancien Parlement du pays en 2021. Pas moins de 72 figures de l’opposition et détracteurs présumés du président accusés de diverses infractions ont fait l’objet d’enquêtes et ont, dans certains cas, été arrêtés.