Amérique du Nord. Les droits des personnes réfugiées et migrantes doivent être la priorité numéro un du sommet des « trois amis »

Les droits des personnes réfugiées et migrantes doivent être la priorité numéro un lors du sommet des dirigeants nord-américains dans la ville de Mexico, a déclaré Amnesty International le 9 janvier 2023. Le président Joe Biden, le président Andrés Manuel López Obrador et le Premier ministre Justin Trudeau doivent cesser de mettre en place des politiques migratoires communes inhumaines et privilégier des politiques respectant les normes internationales relatives aux droits humains.

« Alors que le nombre de personnes fuyant les violences et les persécutions ne cesse d’augmenter, la protection des droits fondamentaux des réfugié·e·s et des migrant·e·s est d’autant plus cruciale. Au lieu de multiplier les obstacles pour les personnes en mouvement et de les soumettre à des difficultés supplémentaires, le président Joe Biden, le président Andrés Manuel López Obrador et le Premier ministre Justin Trudeau doivent adopter des mesures visant à protéger leurs droits en Amérique du Nord et partout dans le monde », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International.

La situation de danger des personnes fuyant la persécution, souvent contraintes par les violences, les difficultés économiques et le changement climatique à franchir des frontières, demeure l’une des principales préoccupations en termes de droits humains en Amérique du Nord. De nombreuses personnes réfugiées et migrantes du monde entier continuent de traverser le Mexique à leurs risques et périls dans le but de se rendre aux États-Unis et, parfois, de poursuivre jusqu’au Canada. Or, des défaillances structurelles les laissent sans protection au Canada, au Mexique et aux États-Unis.

Les gouvernements d’Amérique du Nord mettent en œuvre des politiques migratoires communes visant à dissuader l’immigration, englobant la militarisation, l’externalisation des frontières, le recours généralisé à la détention des migrant·e·s, les expulsions accélérées et la criminalisation des défenseur·e·s des droits des personnes migrantes. Les États-Unis et le Mexique ont mis en place conjointement les Protocoles de protection des migrants (PPM), au titre desquels les demandeurs et demandeuses d’asile restent bloqués dans des camps le long de la frontière entre les deux pays, où ils sont en très grand danger et potentiellement exposés à d’autres périls encore plus grands. En outre, depuis la mise en place du Titre 42 en mars 2020, près de 2,5 millions de demandeurs et demandeuses d’asile venus d’Amérique centrale, d’Haïti et récemment du Venezuela, ont été expulsés des États-Unis au Mexique sans réelle possibilité de demander l’asile.

Alors que le nombre de personnes fuyant les violences et les persécutions ne cesse d’augmenter, la protection des droits fondamentaux des réfugié·e·s et des migrant·e·s est d’autant plus cruciale.

Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International

Ces deux programmes touchent à leur fin. À la suite de la décision prise par la Cour suprême en mai 2022, le gouvernement de Joe Biden a mis fin aux Protocoles de protection des migrants (PPM). Quant au Titre 42, sa levée est suspendue dans l’attente d’une décision judiciaire. Cependant, alors que ces politiques arrivent à leur terme, des informations indiquent que les États-Unis visent à en appliquer de nouvelles pour dissuader l’immigration, notamment des interdictions de transit, la criminalisation des personnes demandeuses d’asile et l’externalisation accrue des procédures d’asile au Mexique.

« Le gouvernement des États-Unis doit immédiatement annuler le Titre 42 et s’abstenir de mettre en place d’autres politiques migratoires communes qui privent les personnes migrantes et réfugiées de leurs droits, notamment du droit d’accéder au territoire et du droit de chercher asile et d’en bénéficier, a ajouté Erika Guevara-Rosas. Il est temps que les gouvernements nord-américains passent de politiques migratoires communes inhumaines dans la région à des politiques de responsabilité partagée centrées sur les droits humains et la protection des personnes réfugiées et migrantes. »

Autre politique restrictive commune, l’Accord sur les pays tiers sûrs entre le Canada et les États-Unis empêche la plupart des personnes arrivant aux points d’entrée terrestres officiels du Canada via les États-Unis de demander l’asile au Canada, et vice-versa. Cela pousse les réfugié·e·s vulnérables à prendre des risques et à traverser la frontière dans des zones rurales et reculées. Ceux qui sont renvoyés du Canada vers les États-Unis en vertu de cet accord, en particulier les victimes de persécutions fondées sur le genre, risquent de se voir injustement refuser toute protection aux États-Unis et de se retrouver en danger dans leur pays d’origine. Amnesty International, ainsi que d’autres organisations de défense des droits humains et des demandeurs individuels, ont comparu devant la Cour suprême du Canada en octobre pour contester la constitutionnalité de l’Accord sur les pays tiers sûrs. Selon certaines informations, les gouvernements canadien et américain travaillent actuellement à élargir cet Accord, alors que la plus haute juridiction du Canada doit se prononcer sur sa constitutionnalité.

Amnesty International demande également aux responsables américains, canadiens et mexicains de mettre fin aux politiques migratoires fondées sur la détention systémique qui bafouent les normes internationales. Il faut recourir à des mesures de soutien empathiques, ajustées et fondées sur la communauté plutôt qu’à la détention punitive, bannir le recours aux prisons et aux installations analogues, et ne jamais placer les enfants en détention. Il est clair que c’est loin d’être la pratique actuelle en Amérique du Nord.

À titre d’exemple, Human Rights Watch et Amnesty International ont recensé les graves violations des droits humains que les personnes migrantes et réfugiées subissent dans les centres de détention liés à l’immigration au Canada. Bien qu’elles ne soient pas détenues pour des accusations ou des condamnations criminelles, la plupart endurent des conditions d’incarcération parmi les plus restrictives du pays – les prisons provinciales de très haute sécurité, l’isolement cellulaire et la détention pour une durée indéterminée. Il semble que les personnes noires et appartenant à certains groupes ethniques soient incarcérées plus longtemps et dans des prisons provinciales, tandis que les personnes porteuses de handicaps psychosociaux sont soumises à un traitement coercitif disproportionné. Autre exemple, le traitement réservé aux réfugié·e·s et migrant·e·s haïtiens à la fois au Mexique et aux États-Unis. Alors qu’à la frontière sud du Mexique, ils se voient refuser l’asile et des services essentiels, à la frontière entre les deux pays, ils sont confrontés à des conditions tout aussi difficiles. Ceux qui entrent aux États-Unis sont détenus et expulsés vers Haïti dans des conditions qui révèlent une discrimination et des mauvais traitements systémiques à l’encontre des Noirs qui, dans certains cas, peuvent être assimilés à de la torture motivée par les questions raciales.

Le gouvernement des États-Unis doit immédiatement annuler le Titre 42 et s’abstenir de mettre en place d’autres politiques migratoires communes qui privent les personnes migrantes et réfugiées de leurs droits, notamment du droit d’accéder au territoire et du droit de chercher asile et d’en bénéficier.

Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International

La mise en œuvre de politiques restrictives ne laisse d’autre choix aux migrant·e·s et aux réfugié·e·s que d’entreprendre des voyages toujours plus dangereux. L’année 2022 fut la plus meurtrière à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, où plus de 850 migrant·e·s ont perdu la vie, tandis qu’à la frontière entre le Canada et les États-Unis, une famille de quatre personne est morte de froid en tentant de passer aux États-Unis. Le Project Migrants Disparus estime à 7 008 le nombre de migrant·e·s disparus sur le continent américain, soit une augmentation de 55 % au cours des cinq dernières années.

« Les migrant·e·s qui franchissent la frontière mexicaine sont souvent victimes de violations des droits humains et de nombreux abus – enlèvements, homicides, vols qualifiés et extorsion notamment. Les femmes subissent fréquemment des violences liées au genre, notamment sexuelles. L’accès à la justice, le soutien médical et psychologique sont limités, et les violations demeurent généralement impunies. Dans ces trois pays, les femmes migrantes et réfugiées sont confrontées à des situations difficiles à leur arrivée, qui nécessitent des soutiens et des services intégrant la dimension de genre », a déclaré Erika Guevara-Rosas.

Alors que les dirigeants du Canada, du Mexique et des États-Unis se rencontrent pour discuter d’un programme nord-américain commun, ils doivent mettre fin à ces politiques marquées par la dissuasion, l’exclusion et la cruauté, et s’engager à œuvrer ensemble pour protéger les droits des personnes réfugiées et migrantes dans toute l’Amérique du Nord. Première mesure cruciale, le président Joe Biden, le président Andrés Manuel López Obrador et le Premier ministre Justin Trudeau doivent chacun s’engager à en finir avec les politiques qui bloquent l’accès à l’asile et à garantir les droits de toutes les personnes en quête de sécurité.