Les autorités algériennes doivent veiller à ce que l’enquête sur la disparition forcée du militant Abdelhamid Bouziza, pendant 20 jours, soit indépendante, efficace et impartiale, a déclaré Amnesty International mardi 22 novembre.
Les autorités judiciaires de Tlemcen ont ordonné l’ouverture d’une enquête en novembre. Cependant, dans au moins trois cas recensés par Amnesty International, les enquêtes sur des violations des droits humains en Algérie, telles que des morts suspectes en détention ou la torture de militant·e·s par la police, n’ont pas permis aux victimes d’obtenir justice et des réparations.
« La famille et l’avocat d’Abdelhamid Bouziza l’ont cherché désespérément pendant des semaines, tandis que les autorités refusaient de communiquer des informations sur le lieu exact où il se trouvait. Ce précédent est extrêmement inquiétant. Les autorités algériennes doivent fournir des éclaircissements sur ce qui est arrivé à Abdelhamid Bouziza, et traduire en justice les responsables présumés de sa disparition forcée », a déclaré Amna Guellali, directrice régionale adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.
« Le traitement qu’il a subi relève de pratiques bien établies en termes de violations des droits humains en Algérie, où des centaines de militant·e·s et de manifestant·e·s ont été arrêtés de manière arbitraire, et des dizaines d’entre eux ont été victimes d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements aux mains des forces de sécurité. Les forces de sécurité responsables de ces violations continuent pourtant à bénéficier de l’impunité. »
Le 19 octobre, Abdelhamid Bouziza a été arrêté par les forces de sécurité à son domicile de Tlemcen, une ville de l’ouest de l’Algérie. Sa famille et ses avocats ont tenté à de nombreuses reprises de le localiser à Tlemcen, Alger et Blida, mais la police de Tlemcen a nié qu’il se trouvait en détention. Les autorités judiciaires des trois villes ont affirmé qu’il n’avait pas été inculpé et qu’il n’était pas prévu qu’il comparaisse devant leurs tribunaux. Sa famille et ses avocats n’ont pas été en mesure de déterminer où il se trouvait, ni de lui téléphoner ou lui rendre visite.
Le 6 novembre, son avocat a porté plainte auprès du tribunal de Tlemcen, demandant à celui-ci d’enquêter sur la disparition forcée de son client. C’est seulement après cette démarche que, le 8 novembre, des avocats s’étant rendus au tribunal de Boufarik ont confirmé à l’avocat d’Abdelhamid Bouziza qu’il avait comparu devant ce tribunal le 24 octobre et qu’il était incarcéré à la prison d’Hay El Darwich, à Blida, à plus de 470 kilomètres du domicile du militant et de sa famille. Le 8 novembre, le procureur général du tribunal de Tlemcen a entendu le témoignage des membres de la famille d’Abdelhamid Bouziza, en relation avec la plainte déposée par les avocats chargés de la défense du militant. Le 10 novembre, Abdelhamid Bouziza a reçu pour la première fois la visite de son frère et de sa mère en prison.
Ses avocats pensent qu’il est détenu sur la base de charges liées au terrorisme, pour des publications qu’il a faites sur les réseaux sociaux au sujet des arrestations et des procès d’autres militant·e·s dans le pays.
Depuis le mois d’avril 2021, les autorités algériennes invoquent fréquemment les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme inscrites dans le Code pénal, afin de poursuivre les militant·e·s et défenseur·e·s des droits humains exprimant des opinions critiques en ligne ou participant à des manifestations pacifiques.
Complément d’information
Ces dernières années, l’Algérie n’a pas mené d’enquêtes dignes de ce nom sur les violations des droits humains perpétrées en garde à vue, en particulier des cas de décès, de mauvais traitements et de torture. En mars 2021, une juge du tribunal d’El Bayadh a refusé d’ouvrir une enquête sur les allégations de torture formulées par le militant Ayoub Chahetou, qui a affirmé avoir été violé par des policiers. Les autorités n’ont jusqu’à présent pas publié les conclusions des enquêtes menées sur la mort en détention de Ramzi Yettou, manifestant pacifique, et de Kameleddine Fekhar, défenseur des droits humains, en avril et mai 2019, respectivement.
Abdelhamid Bouziza, 25 ans, est un militant impliqué dans le mouvement du Hirak, et publie régulièrement sur ses comptes de réseaux sociaux au sujet des arrestations et procès de militants en Algérie. En avril 2022, le jeune homme et 12 autres personnes ont été jugés par contumace et condamnés à un an de prison et une amende pour « incitation à attroupement non armé », après que ces 13 personnes ont pris part à une manifestation dans les rues de Tlemcen le 19 mars 2021.
En novembre 2021, il a été condamné à une peine de trois ans de prison pour « offense au président de la République », « outrage à corps constitué », « publication de fausses informations portant atteinte à la sécurité publique » et « incitation à attroupement non armé », après qu’il a fait cinq publications en ligne, dont certaines critiquaient le président et les services secrets algériens, et une appelait à la reprise des manifestations dans la rue. Sa peine a été réduite en appel et il a été libéré en février.
En vertu du droit algérien, les personnes arrêtées sur la base de charges de terrorisme peuvent être maintenues en garde à vue pour un maximum de 12 jours, et doivent être autorisées à s’entretenir avec leur famille et recevoir sa visite.
L’Algérie n’a pas encore ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. L’interdiction de la disparition forcée est cependant inscrite dans un certain nombre d’instruments internationaux contraignants pour l’Algérie, comme par exemple le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.