Réagissant aux informations signalant que les autorités de Trinité-et-Tobago ont expulsé au moins 165 ressortissant·e·s vénézuéliens ces dernières semaines, Louise Tillotson, chargée de recherche sur les Caraïbes à Amnesty International, a déclaré :
« Il est bien connu que les autorités de Trinité-et-Tobago répriment pénalement l’entrée irrégulière sur leur territoire, contrairement à ce que prévoient les normes internationales relatives aux droits humains. Mais le fait de renvoyer des réfugié·e·s vénézuéliens subir une situation d’urgence humanitaire et en matière de droits humains qu’ils ont tenté de fuir, en plein milieu d’une pandémie, constitue une violation inacceptable des obligations que Trinité-et-Tobago s’est engagée à respecter au titre du droit international. Nul ne devrait être renvoyé contre son gré dans un endroit où il risque de subir de graves violations des droits humains. »
« Amnesty International a bien conscience du fait que la pandémie de COVID-19 représente un énorme problème pour les gouvernements et qu’ils peuvent dans ce contexte réglementer les mouvements transfrontaliers. Mais les autorités de Trinité-et-Tobago favorisent un discours xénophobe associant les personnes qui fuient le Venezuela au virus du COVID-19, de telle manière que cela risque d’intensifier davantage encore la stigmatisation et la discrimination dont font l’objet des personnes qui ont besoin d’une protection internationale. Au lieu d’utiliser la législation pénale pour sanctionner des personnes contraintes de tout laisser derrière elles – ce qui risque en outre de pousser ces personnes à se réfugier encore plus dans la clandestinité, à distance des services de santé – les autorités devraient travailler avec les ONG, les agences de l’ONU et les dizaines de milliers de Vénézuélien·ne·s qui se sont installés à Trinité-et-Tobago ces dernières années, afin de trouver des solutions conformes aux obligations internationales de Trinité-et-Tobago en matière de droits humains. »
En juillet, les médias ont de façon répétée signalé que les autorités de Trinité-et-Tobago avaient arrêté et placé en quarantaine des Vénézuélien·ne·s.
Le fait de renvoyer des réfugié·e·s vénézuéliens subir une situation d’urgence humanitaire et en matière de droits humains qu’ils ont tenté de fuir, en plein milieu d’une pandémie, constitue une violation inacceptable des obligations que Trinité-et-Tobago s’est engagée à respecter au titre du droit international. Nul ne devrait être renvoyé contre son gré dans un endroit où il risque de subir de graves violations des droits humains.
Louise Tillotson, chargée de recherche sur les Caraïbes à Amnesty International
Lors d’une conférence de presse qui a eu lieu le 25 juillet, le ministre de la Sécurité nationale de Trinité-et-Tobago a déclaré que les « immigrants illégaux », les « boat people » et les trafiquants qui les exploitaient représentaient un risque pour la santé, et il a annoncé la création d’une ligne téléphonique spéciale pour les dénoncer. Il a ajouté que les Vénézuéliens enregistrés et s’étant vu accorder le droit de résider et de travailler légalement dans le pays au titre de la procédure d’« amnistie » de 2019, qui « accueillaient » des migrants en situation irrégulière risquaient de voir annulé leur droit de résider sur le territoire national, et d’être expulsés. Le ministre a également annoncé que les propriétaires louant des logements à des migrants en situation irrégulière risquaient également d’être poursuivis au pénal.
Le 27 juillet, la police de Trinité-et-Tobago a fait circuler sur Facebook des tracts indiquant que l’« immigration illégale » risquait de causer une « nouvelle vague de COVID-19 », et appelant les gens à signaler les « activités suspectes ».
Auparavant, l’ONG locale Centre caribéen pour les droits humains avait appelé le gouvernement à aider les femmes et les enfants vénézuéliens susceptibles d’avoir été victimes d’un trafic et amenés à Trinidad, au lieu de les renvoyer, notamment en leur donnant accès à une procédure d’asile équitable et effective.
Selon des informations parues dans la presse, plus d’une vingtaine de policiers font l’objet d’une enquête en raison de leur participation présumée à des activités de trafic entre Trinité et le Venezuela. Quand Amnesty International s’est rendue à Trinité en janvier 2020, des Vénézueliennes qui se sont dites victimes de ce trafic ont indiqué aux chercheurs que la police était impliquée dans des réseaux de trafiquants. À cause de cela et de la répression pénale des entrées irrégulières sur le territoire de Trinité-et-Tobago, elles avaient peur et ne voulaient pas dénoncer les responsables, ce qui crée une culture d’impunité pour les violations des droits humains.
Amnesty International estime que cette nouvelle menace de recours de la part des autorités à des sanctions pénales contre les réfugié·e·s, et parfois aussi contre les personnes qui les aident, risque de pousser les personnes concernées à se réfugier davantage encore dans la clandestinité, à se cacher, et à se tenir à distance des services de santé qui pourraient protéger l’ensemble de la population.