Liban. La plainte pour torture déposée par Ziad Itani doit être transférée devant un tribunal civil

Mise à jour :

Le 12 avril 2019, un tribunal militaire libanais a transféré devant une juridiction pénale civile la plainte pour torture déposée par Ziad Itani. Aux termes de l’article 15 du Code de procédure pénale libanais, une infraction commise par des membres de la police judiciaire dans l’exercice de leurs fonctions relève de la compétence des tribunaux de droit commun.  Au Liban, la Loi visant à sanctionner la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants précise que le procureur général doit, dans un délai de 48 heures, transférer aux tribunaux de droit commun toute affaire concernant des actes de torture.

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L’affaire Ziad Itani ne doit pas être jugée par un tribunal militaire

Beyrouth, 12 avril 2019 – Les autorités judiciaires libanaises doivent transférer la plainte pour torture déposée par Ziad Itani devant une juridiction pénale civile, ont déclaré Legal Agenda, Amnesty International et Human Rights Watch le 12 avril 2019. Le parquet militaire a convoqué Ziad Itani pour une audience le 12 avril, en violation du droit libanais, qui prévoit que les poursuites pour torture intentées contre des représentants des forces de sécurité doivent être examinées par des tribunaux civils, et non militaires.

Ziad Itani, acteur célèbre reconnu innocent d’accusations d’espionnage pour le compte d’Israël, a raconté en détail sa disparition forcée et les actes de torture subis en détention entre les mains de la Direction générale de la sécurité d’État en novembre 2017. Il a déclaré avoir été détenu pendant six jours dans un lieu de détention semble-t-il non officiel où des hommes en tenue civile, qui selon lui étaient des agents de la sécurité d’État, l’ont torturé et soumis à d’autres formes de mauvais traitements jusqu’à ce qu’il signe des « aveux ». Il a été maintenu en détention provisoire pendant plus de trois mois, jusqu’à ce que le juge d’instruction militaire décide de clore l’affaire contre Ziad Itani et d’inculper deux personnes pour l’avoir accusé à tort.

Le 20 novembre 2018, Ziad Itani a intenté une action au civil auprès du bureau du procureur contre les personnes accusées de l’avoir piégé et les agents de la sécurité d’État ayant mené l’enquête préliminaire qui, selon ses affirmations, l’ont torturé. Le 28 novembre, le procureur Samir Hammoud a transmis la plainte au procureur militaire, Peter Germanos, au motif qu’elle vise des représentants des forces de sécurité, d’après l’avocat de Ziad Itani.

 « Les allégations de torture formulées par Ziad Itani exigent une enquête approfondie et équitable devant les tribunaux civils compétents, a déclaré Nizar Saghieh, directeur exécutif de Legal Agenda. Si ce qu’il dit est vrai, les responsables doivent rendre des comptes et Ziad Itani doit se voir accorder des réparations à la hauteur de ses souffrances. »

Le transfert de la plainte de Ziad Itani pour torture devant les tribunaux militaires bafoue l’article 15 du Code libanais de procédure pénale, qui prévoit que les infractions commises par des officiers de la police judiciaire dans l’exercice de leurs fonctions relèvent de la compétence des tribunaux civils de droit commun. La loi de 2017 contre la torture précise que le parquet doit transférer les cas de torture devant des tribunaux de droit commun dans les 48 heures.

La compétence des juridictions pénales de droit commun sur les plaintes de torture est essentielle pour garantir aux victimes le droit à un procès équitable. Human Rights Watch a précédemment relaté que les tribunaux militaires au Liban ne respectent pas les droits à une procédure régulière et que leur structure compromet le droit à un procès équitable, notamment le droit d’être jugé devant un tribunal compétent, indépendant et impartial, et le droit de bénéficier d’un procès public. Dans ces instances, de nombreux juges sont des officiers militaires, nommés par le ministre de la Défense, qui ne sont pas tenus d’être diplômés en droit ou d’avoir suivi une formation juridique. Les organisations de défense des droits humains et les journalistes ne peuvent pas suivre les procès en tant qu’observateurs sans l’approbation préalable du juge présidant le tribunal.

En outre, des avocats libanais assurent que les victimes ne peuvent pas se constituer partie civile dans le cadre des procès militaires et sont considérées comme des témoins, ce qui les prive du droit de participer au procès de l’accusé. Des experts juridiques libanais ajoutent que le droit de faire appel au sein du système judiciaire militaire est limité.

Le représentant du ministère public et le procureur militaire doivent immédiatement transférer la plainte pour torture de Ziad Itani aux autorités judiciaires civiles compétentes afin de garantir son droit à un procès équitable et de respecter le droit libanais, ont déclaré les organisations.