Amnesty International constate avec inquiétude que les autorités saoudiennes et les médias affiliés au gouvernement ont lancé le 18 mai une campagne de diffamation pour tenter de discréditer six éminents défenseurs des droits des femmes emprisonnés et de les faire passer pour des « traîtres » à la suite de leur arrestation au cours de la semaine écoulée.
Peu après minuit heure locale, des déclarations officielles relayées dans les médias d’État ont accusé six militants et une autre personne d’avoir formé une « cellule », représentant une menace pour la sécurité nationale en raison de leurs « contacts avec des instances étrangères dans le but de saper la stabilité du pays et la paix sociale ». Un hashtag les décrivant comme des « agents d’ambassades », ainsi qu’un graphique montrant les six visages des militants, ont également circulé sur les réseaux sociaux.
Il semble que la déclaration officielle fasse directement référence aux six éminents défenseurs des droits humains arrêtés cette semaine, dont les noms ont été annoncés publiquement. Parmi eux Loujain al Hathloul, figure emblématique de la lutte contre l’interdiction faite aux femmes de conduire en Arabie saoudite.
« Cette campagne de diffamation est très inquiétante pour les défenseurs des droits des femmes et les militants en Arabie saoudite. Cette tactique d’intimidation est totalement inacceptable, a déclaré Samah Hadid, directrice des campagnes pour le Moyen-Orient à Amnesty International.
Cette campagne de diffamation est très inquiétante pour les défenseurs des droits des femmes et les militants en Arabie saoudite. Cette tactique d’intimidation est totalement inacceptable.
Samah Hadid, directrice des campagnes pour le Moyen-Orient à Amnesty International
« Le prince héritier Mohammad ben Salmane se présente comme un ” réformateur “, mais ses promesses sonnent creux alors que la répression se durcit contre les voix dissidentes dans le royaume. Quelle valeur accorder à ses engagements si ceux qui se sont battus pour que les femmes aient le droit de prendre le volant se retrouvent derrière les barreaux parce qu’ils ont milité pacifiquement pour le droit à la liberté de mouvement et l’égalité ?
« Nous demandons la libération immédiate et sans condition de tous les militants détenus uniquement en raison de leur travail en faveur des droits humains. »
Des défenseurs des droits des femmes incarcérés
De nombreux défenseurs des droits des femmes font campagne contre le fait qu’il est interdit depuis longtemps aux femmes en Arabie saoudite de conduire. Cette interdiction doit être levée le mois prochain, et des permis de conduire devraient être délivrés à partir du 24 juin.
Loujain al Hathloul est connue pour son travail de campagne contre l’interdiction de conduire. Arrêtée chez elle dans la soirée du 15 mai, elle est détenue à la prison d’al Hair dans la capitale Riyadh. On ignore encore les motifs de son interpellation.
« Il semble que Loujain al Hathloul soit une nouvelle fois prise pour cible en raison de son travail pacifique en tant que militante qui défend les droits des femmes, constamment entravés en Arabie saoudite, a déclaré Samah Hadid.
L’Arabie saoudite ne peut pas continuer de clamer qu’elle soutient les droits des femmes et d’autres réformes, tout en s’en prenant aux défenseurs des droits des femmes et aux militants parce qu’ils exercent pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion.
Samah Hadid
« L’Arabie saoudite ne peut pas continuer de clamer qu’elle soutient les droits des femmes et d’autres réformes, tout en s’en prenant aux défenseurs des droits des femmes et aux militants parce qu’ils exercent pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion. »
Iman al Nafjan est une blogueuse saoudienne qui se mobilise avec détermination contre l’interdiction de conduire imposée aux femmes. Elle est l’auteure d’un billet de blog, écrit pour Amnesty sur ce sujet en 2013. Aziza al Yousef est elle aussi une figure du combat pour le droit de conduire et pour l’abolition du système de tutelle masculine en Arabie saoudite. Toutes deux ont participé à une action en 2013 consistant à braver l’interdiction de conduire à Riyadh, et ont auparavant été harcelées et interrogées en raison de leur travail en faveur des droits humains et de leur mobilisation en faveur des droits des femmes dans le pays. Aisha al Manea, qui prône et défend les droits des femmes, fait également campagne depuis le début des années 1990 pour que les femmes aient le droit de conduire en Arabie saoudite.
Ibrahim al Modeimigh, avocat, est mobilisé en faveur des droits des femmes. Mohammad al Rabea est un jeune militant à l’initiative d’un salon littéraire pour les jeunes hommes et femmes dans la capitale saoudienne Riyadh.