République centrafricaine. Les responsables présumés du nouveau bain de sang doivent être traduits en justice

  • Au moins 20 civils tués
  • Deux civils brûlés vifs en représailles
  • Une témoin : « Il y avait des corps partout »

Les responsables présumés des homicides et des blessures dont ont été victimes des civils en République centrafricaine ne doivent pas échapper à la justice, a déclaré Amnesty International le 2 mai 2018.

Selon les informations dont dispose l’organisation, au moins 20civils, dont un prêtre, ont été tués et plus de 90 ont été blessés dans le contexte des nouvelles violences interconfessionnelles qui ont visé des lieux de culte de la capitale, Bangui, le 1er mai.

Alors que le souvenir de plusieurs mois de terribles violences est encore vivace, ce regain de tension pourrait déclencher d’autres attaques et un nouveau bain de sang si les responsables présumés ne sont pas définitivement mis hors d’état de nuire.

Balkissa Ide Siddo, spécialiste de l’Afrique centrale à Amnesty International

« Alors que le souvenir de plusieurs mois de terribles violences est encore vivace, ce regain de tension pourrait déclencher d’autres attaques et un nouveau bain de sang si les responsables présumés ne sont pas définitivement mis hors d’état de nuire, a déclaré Balkissa Ide Siddo, spécialiste de l’Afrique centrale à Amnesty International.

« Il faut que les autorités centrafricaines et la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies en Centrafrique (MINUSCA) envoient sans plus attendre un message clair à tous les groupes armés et leurs alliés en République centrafricaine : aucune attaque contre des civils ne saurait être tolérée et toutes les personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes de guerre ou d’autres graves atteintes aux droits humains seront traduites en justice. »

Selon les informations recueillies par Amnesty International, les violences ont éclaté après que les forces de sécurité ont tenté d’arrêter un membre d’un groupe armé d’« autodéfense » dans le quartier du PK5.

Des membres du groupe ont alors répliqué en ouvrant le feu sur les forces de sécurité ; ils espéraient ainsi parvenir à extraire leur élément. La situation a dégénéré rapidement et les membres du groupe ont pris pour cible des civils qui assistaient à une messe à l’église Notre-Dame de Fatima, à Bangui.

Il y avait des corps partout. Par terre, il y avait beaucoup de gens blessés et en sang. Des garçons du quartier ont percé le mur derrière l’église et nous nous sommes enfuis par là.

Une femme de 46 ans qui assistait à la messe

Une femme de 46 ans qui se trouvait dans l’église le 1er mai a indiqué à Amnesty International :

« Nous étions en pleine messe lorsque nous avons entendu des tirs, vers 11 heures du matin. Au début, ce n’était pas très fort mais, petit à petit, ça s’est intensifié. On a même entendu des grenades. Nous avons été attaqués. Juste devant moi, un garçon et une fille se sont écroulés. Derrière moi, une fille a été blessée à l’œil droit. Nous nous sommes réfugiés au presbytère. Il y avait des corps partout. Par terre, il y avait beaucoup de gens blessés et en sang. Des garçons du quartier ont percé le mur derrière l’église et nous nous sommes enfuis par là. J’ai vu plein de jeunes garçons arriver du PK5 avec des armes. Nous avons couru jusqu’au quartier et avons récupéré notre vélo pour rentrer chez nous. »

Une autre témoin a déclaré : « Nous avons entendu des coups de feu. Nous ne savions pas quoi faire. Il y avait des militaires centrafricains qui empêchaient les assaillants d’entrer dans l’église. S’ils étaient entrés, nous serions tous morts. »

Elle a ajouté : « L’abbé Toungoumalé Baba a été tué. L’abbé Lazare a été blessé par balle. Les prêtres ont fait tout leur possible pour obtenir de l’aide mais personne n’est venu. Il n’y avait aucun moyen de s’échapper. Les casques bleus sont arrivés deux heures plus tard, ont encerclé l’église et nous ont permis de nous enfuir. Les personnes de bonne volonté du quartier ont fait un trou dans le mur. C’est par là que nous sommes sortis. Il y avait du sang partout. C’était grave. On a entendu dire que 16 personnes étaient mortes mais je pense qu’il y en a eu plus. Dans ma fuite, j’ai vu beaucoup de personnes à terre.  

Le même jour, au moins deux civils musulmans auraient été brûlés vifs en représailles.

Depuis le 1er mai, le quartier à majorité musulmane du PK5 est bouclé.

Un habitant du PK5 a expliqué à Amnesty International le 2 mai : « Tout le monde reste chez soi. Si on sort pour aller de l’autre côté, on va être tué. »

Une dirigeante d’une association de femmes du PK5 a ajouté : « C’est tellement triste. Ça faisait à peu près trois semaines que le calme était revenu. Nous, les dirigeants, avons sensibilisé la population. Maintenant, nous sommes découragés. »

Les violences en République centrafricaine se sont légèrement intensifiées au cours du dernier mois : le village de Tagbara, qui accueille une base temporaire de la MINUSCA, a été attaqué à plusieurs reprises. Onze casques bleus ont été blessés et plus de 22 membres de groupes armés anti-balaka ont été tués.

« Il faut que la communauté internationale reste mobilisée car d’autres noms viennent encore s’ajouter à la liste déjà longue des victimes de violences dans le pays », a déclaré Balkissa Ide Siddo.

Complément d’information

Depuis décembre 2013, le conflit en République centrafricaine a tué des milliers de personnes, en a déplacé des centaines de milliers et a détruit d’innombrables villages.

Le déploiement de la MINUSCA, le 15 septembre 2014, laissait espérer l’arrivée de changements positifs.

Malgré la présence de la force des Nations unies, des groupes armés commettent diverses atteintes. Des actes d’exploitation et d’atteintes sexuelles perpétrés par les forces de maintien de la paix sous mandat de l’Organisation des Nations unies (ONU) sont également signalés.

L’an dernier, Amnesty International a lancé la campagne La justice maintenant : pour une paix durable en République centrafricaine, qui appelait les autorités à adopter une position plus ferme contre l’impunité en amenant les responsables présumés d’infractions graves à rendre des comptes.