Chili. Il est urgent de faire progresser le droit de décider, après l’arrestation d’une femme pour un avortement clandestin

L’arrestation d’une jeune femme de 22 ans à Temuco pour un « avortement consenti » est un nouveau signe que les autorités chiliennes doivent se hâter de faire avancer le projet de loi visant à dépénaliser l’avortement, a déclaré Amnesty International jeudi 12 novembre.

Elle fait l’objet d’une enquête depuis mardi 10 novembre et risque d’être inculpée, après que le personnel de santé a porté plainte lorsqu’elle est arrivée à l’hôpital, souffrant de saignements après avoir utilisé du Misoprostol, un médicament vendu sur le marché noir pour interrompre les grossesses. 

Selon des informations reçues par Amnesty International, la jeune femme a été placée en résidence surveillée partielle, et doit se présenter à la police tous les mois à titre de mesure conservatoire.

« Ériger l’avortement en infraction est une atteinte aux droits des femmes et des filles », a déclaré Ana Piquer, directrice exécutive d’Amnesty International Chili.

Ériger l’avortement en infraction est une atteinte aux droits des femmes et des filles. Il est impératif que l’assignation de cette jeune femme à domicile soit levée et qu’elle puisse recevoir les soins dont elle pourrait avoir besoin.

Ana Piquer, directrice exécutive d’Amnesty International Chili

« Il est impératif que l’assignation de cette jeune femme à domicile soit levée et qu’elle puisse recevoir les soins dont elle pourrait avoir besoin. »

Aux termes du Code de procédure pénale, qui date de 2000, les professionnels de santé ont le devoir de signaler un crime s’ils en voient des indices. Cela recouvre les interruptions volontaires de grossesse, qui constituent un crime en vertu du droit chilien. Pour parer à cela, le ministère de la Santé a introduit en 2009 une règlementation établissant que cela ne devait pas s’appliquer aux femmes et jeunes filles qui « avouent » avoir subi un avortement clandestin, afin de recevoir des soins médicaux à la suite de cette intervention. Tous les professionnels de santé n’interprètent cependant pas ces règles de la même manière ; certains accordent une priorité plus élevée à l’obligation de dénonciation d’un crime, par crainte d’être eux-mêmes poursuivis.

Cela démontre une fois encore à quel point il est urgent de faire avancer aussi vite que possible le projet de loi, soumis au Congrès en janvier 2015, qui règlementerait l’avortement dans trois cas de figure. Une part essentielle de ce texte concerne les exceptions proposées, car le secret médical passe avant le devoir de signaler les infractions liées à l’avortement.

Le secret professionnel est un devoir éthique auquel sont tenus les professionnels de la santé, qui protège le droit fondamental de tous à la vie privée, et qui est particulièrement pertinent lorsqu’une femme sollicite des soins pour des complications consécutives à un avortement. Il est manifeste qu’au Chili aujourd’hui, si les femmes n’ont pas la certitude que leur vie privée sera respectée, cela réduit leurs chances de bénéficier de services de santé dans des délais appropriés lorsqu’il s’agit de préserver leur vie ou leur santé. Cela a précédemment été souligné par le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et l’Organisation mondiale de la santé.

« Nous exhortons les autorités au plus haut niveau à envoyer un signal clair en levant les mesures conservatoires prises contre cette jeune femme et en lui permettant d’obtenir des soins médicaux et psychologiques si elle en a besoin. Elles doivent aussi veiller à ce que les professionnels de santé ne se voient pas reprocher d’avoir respecté le secret médical lorsqu’ils soignent des femmes pour des complications consécutives à des avortements réalisés dans des conditions dangereuses, ainsi que le prévoient les règles de 2009 et les normes internationales en matière de droits humains », a déclaré Ana Piquer.

« Nous venons d’apprendre une nouvelle préoccupante, selon laquelle une femme de 27 ans de la municipalité de San Ramón à Santiago a également été arrêtée à la suite d’une plainte déposée par le professionnel de santé qui la soignait, parce qu’elle avait semble-t-il provoqué un avortement. Nous procédons actuellement à la vérification de cette information et demanderons la libération de cette jeune femme si nécessaire. Au Chili, au 21e siècle, le droit de choisir doit devenir une réalité pour toutes. »