Shell doit être à la hauteur des nouveaux engagements du gouvernement du Nigeria concernant la pollution aux hydrocarbures dans le delta du Niger, en améliorant considérablement le nettoyage des nappes de pétrole, a déclaré Amnesty International jeudi 6 août 2015.
Le président Muhammadu Buhari a annoncé mercredi 5 août la création d’un fonds fiduciaire destiné à financer le nettoyage du pays ogoni, dans le delta du Niger, ce qui constitue une mesure positive. Cependant, Shell doit revoir totalement ses méthodes de nettoyage inefficaces, sans quoi les effets seront limités.
« Il est scandaleux que Shell, qui veut aujourd’hui gagner la confiance du monde entier afin de pouvoir forer dans l’Arctique, n’ait pas appliqué comme il se devait les conseils des experts des Nations unies sur la gestion des fuites d’hydrocarbures après tout ce temps, a déclaré Mark Dummett, spécialiste de la responsabilité des entreprises en matière de droits humains à Amnesty International, qui revient tout juste du delta du Niger.
Il est scandaleux que Shell, qui veut aujourd’hui gagner la confiance du monde entier afin de pouvoir forer dans l’Arctique, n’ait pas appliqué comme il se devait les conseils des experts des Nations unies sur la gestion des fuites d’hydrocarbures après tout ce temps.
Mark Dummett, spécialiste de la responsabilité des entreprises en matière de droits humains à Amnesty International
« L’initiative du président Buhari sera vouée à l’échec et les Ogonis continueront de souffrir tant que l’entreprise Shell ne modifiera pas profondément la manière dont elle conçoit le nettoyage des nappes de pétrole. »
La création du fonds fiduciaire était l’une des recommandations essentielles du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), qui a publié une étude sur la pollution aux hydrocarbures en pays ogoni il y a quatre ans. Le PNUE appelait aussi Shell à revoir de toute urgence ses méthodes de nettoyage, y compris à réduire fortement son temps de réaction.
Cependant, les spécialistes d’Amnesty International enquêtant sur les sites concernés au mois d’août ont découvert du pétrole sur le sol et dans des étendues d’eau voisines alors que des sous-traitants de Shell auraient récemment procédé à une dépollution.
Le fonds sera supervisé par des représentants des Ogonis, des Nations unies, des compagnies pétrolières présentes au Nigeria et du gouvernement nigérian. Selon les pouvoirs publics, les « parties intéressées » effectueront un versement initial de 10 millions de dollars mais on ignore de quelles « parties » il s’agit.
Ce montant est bien inférieur au milliard de dollars qui, selon le PNUE, serait nécessaire pour couvrir les cinq premières années d’une opération de nettoyage qui pourrait en prendre 30. À l’issue de son étude, le PNUE a recommandé que les contributions proviennent à la fois du secteur pétrolier et du gouvernement nigérian.
« Des fuites d’hydrocarbures ravagent le pays ogoni depuis des années et les opérations de nettoyage de Shell ont été totalement inefficaces, a déclaré Mark Dummett.
« En 2011, le PNUE a pointé du doigt de nombreux problèmes graves dans les méthodes de nettoyage adoptées par Shell sur les sites pétroliers. Nous nous sommes rendus sur plusieurs sites et avons constaté une pollution aux hydrocarbures tout autour. D’après ce que nous avons vu, les choses n’ont pas tellement changé. »
Complément d’information
Dans un communiqué de presse rendu public mercredi 5 août, les autorités nigérianes ont indiqué que le président Buhari avait « approuvé plusieurs mesures visant à accélérer l’application retardée de longue date » du rapport du PNUE, y compris la création du fonds.
La mise en place du fonds était l’une des principales demandes des organisations nigérianes et internationales, y compris Amnesty International, qui ont adressé une lettre conjointe au président Buhari pour lui demander de prendre des mesures le 4 août 2015, soit quatre ans après la publication du rapport du PNUE.
Shell a dû quitter le pays ogoni en 1993 mais ses oléoducs sont toujours en place et l’entreprise est responsable de leurs fuites.
Outre le pays ogoni, d’autres parties du delta du Niger sont touchées par la pollution aux hydrocarbures. Royal Dutch Shell et l’ENI, géant italien de l’énergie, ont admis qu’il y avait eu plus de 550 fuites de pétrole dans le delta du Niger l’an dernier, selon une analyse menée par Amnesty International sur les statistiques les plus récentes fournies par ces entreprises. À titre de comparaison, il n’y a eu en moyenne que 10 déversements par an à travers toute l’Europe entre 1971 et 2011.