Japon. Les exécutions secrètes entachent le système judiciaire

L’attitude des autorités japonaises, déterminées à poursuivre les exécutions secrètes alors même que le recours à la peine de mort suscite dans le pays des préoccupations croissantes, ternit la réputation de la justice japonaise, a déclaré Amnesty International. Masanori Kawasaki, 68 ans, a été pendu le jeudi 26 juin au petit matin, au centre de détention d’Osaka. Il avait été reconnu coupable en 2008 du meurtre de trois membres de sa famille. Cette exécution est la première depuis qu’un tribunal a ordonné en mars la libération immédiate d’Iwao Hakamada, qui a passé plus de quatre décennies dans le quartier des condamnés à mort à la suite d’un procès inique. Le parquet a fait appel de la décision d’accorder à Iwao Hakamada un nouveau procès, alors même que le tribunal estimait que la police avait probablement fabriqué des preuves de toutes pièces. « Il est désolant de voir le ministre de la Justice Sadakazu Tanigaki signer un nouvel arrêt de mort peu de temps après que certaines failles fondamentales de la justice pénale japonaise ont été mises en évidence, a déclaré Roseann Rife, directrice des recherches sur l’Asie orientale chez Amnesty International. Au lieu d’envoyer des gens sur la potence, les autorités doivent d’urgence réformer un système judiciaire qui pour l’instant ne mérite pas le nom de justice. » Cette exécution- la première en 2014 – est la neuvième depuis que le gouvernement du Premier ministre Shinzo Abe est entré en fonctions, en décembre 2012. Au Japon, le ministre de la Justice doit autoriser les exécutions avant que l’on n’y procède. Il y a 128 condamnés à mort dans les prisons du pays. « L’exécution qui vient d’avoir lieu va à l’encontre des voix qui s’élèvent au Japon pour que cesse le recours à la peine de mort et en faveur d’une plus grande ouverture. Le gouvernement doit prendre les devants et lancer un vaste débat public sur le recours à la peine capitale, ce qui constituerait la première étape sur la voie de l’abolition », a déclaré Roseann Rife. En février, un groupe d’anciens juges non professionnels a exhorté le ministre de la Justice à cesser les exécutions jusqu’à ce qu’une transparence plus grande règne en matière de peine capitale. Au Japon, les exécutions sont entourées de secret, les prisonniers n’étant le plus souvent informés de cette échéance que quelques heures auparavant ; il arrive également qu’ils ne soient pas prévenus du tout. En général, les familles ne sont averties qu’après l’exécution. « Les prisonniers du quartier des condamnés à mort vivent dans la crainte permanente d’une exécution, se levant chaque matin sans savoir si leur dernier jour n’est pas arrivé. Une torture psychologique s’ajoute ainsi au caractère déjà cruel et inhumain de ce châtiment », a déclaré Roseann Rife. Dans le groupe de pays du G8, le Japon et les États-Unis sont les seuls États à avoir encore recours à la peine capitale. En 2013, 22 pays seulement – environ un pays sur 10 à l’échelle mondiale – ont procédé à des exécutions Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, indépendamment de la nature et des circonstances du crime commis, de la situation du condamné, de sa culpabilité ou de son innocence, ou encore de la méthode utilisée pour procéder à l’exécution. La peine capitale bafoue le droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, le plus inhumain et le plus dégradant qui soit.