Japon. L’acquittement d’un homme qui a passé 45 ans dans le quartier des condamnés à mort est un grand moment de justice

En réaction à l’acquittement du Japonais Iwao Hakamada, qui a passé près de cinq décennies dans le quartier des condamnés à mort, Boram Jang, chercheuse sur l’Asie de l’Est à Amnesty International, a déclaré :

« Nous sommes extrêmement ravis de la décision du tribunal qui innocente Iwao Hakamada. Après avoir enduré près d’un demi-siècle d’incarcération inique et 10 années supplémentaires à attendre son nouveau procès, ce verdict est une reconnaissance essentielle de la profonde injustice dont il a été victime pendant la majeure partie de sa vie. Il met fin à un combat exemplaire pour parvenir à blanchir son nom mené par sa sœur Hideko et tous ceux qui l’ont soutenu.

« Alors que nous célébrons ce jour tant attendu où justice est enfin rendue à Iwao Hakamada, cela nous rappelle inévitablement les dégâts irréversibles causés par la peine de mort. Nous engageons vivement le Japon à abolir ce châtiment afin d’éviter qu’une telle tragédie ne se reproduise.

« Les autorités japonaises doivent aussi examiner toutes les condamnations à mort en vigueur, particulièrement lorsque les personnes sont susceptibles d’être atteintes de handicaps mentaux ou de déficiences intellectuelles. Seule l’abolition complète de la peine capitale garantira que des erreurs aussi graves ne se reproduisent jamais et que nul ne se voit privé de sa vie de manière irréversible et arbitraire. Amnesty International continuera de faire pression en faveur de l’abolition de la peine de mort et de réformes permettant de garantir l’équité et la justice pour tous. »

Complément d’information

Le 26 septembre 2024, le tribunal de district de Shizuoka a rendu une décision très attendue et a acquitté Iwao Hakamada, connu comme le plus ancien condamné à mort du monde.

Lors de son premier procès, Iwao Hakamada a été reconnu coupable du meurtre de son employeur et de la famille de son employeur, en grande partie sur la base d’« aveux » forcés. Il a « avoué » après 20 jours d’interrogatoire par la police. Il est ensuite revenu sur ses « aveux » au cours du procès, alléguant que la police l’avait menacé et battu. Le tribunal de district de Shizuoka l’a condamné à la peine capitale en 1968 et il a passé plus de 45 ans dans le couloir de la mort.

En mars 2014, Iwao Hakamada a bénéficié d’un nouveau procès devant le tribunal de district de Shizuoka et a été remis en liberté, de nouvelles preuves ADN ayant fortement mis en doute la fiabilité de sa condamnation.

La décision d’ouvrir un nouveau procès s’est fondée sur plus de 600 éléments de preuve divulgués par le parquet, qui ont sapé la véracité de preuves précédentes.

En juin 2018, la haute cour de Tokyo a infirmé la décision de la juridiction inférieure et refusé d’accorder un nouveau procès à Iwao Hakamada, après un appel du parquet. Ses avocats ont fait appel de cette décision, ce qui a conduit la Cour suprême du Japon à annuler la décision de la haute cour en décembre 2020 et à lui demander de réexaminer l’appel. Finalement, la haute cour de Tokyo a également statué en faveur de la décision de la Cour suprême de le rejuger en mars 2023.

Le nouveau procès d’Iwao Hakamada a officiellement débuté en octobre 2023. Ses « aveux » forcés ont été exclus des éléments de preuve. Les procureurs ont depuis continué à exprimer leur soutien au maintien de la sentence et à la condamnation à mort d’Iwao Hakamada.

Le Japon continue de procéder à des exécutions, y compris de personnes ayant des recours judiciaires en instance, et ce en violation des garanties internationales pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort. La dernière exécution dans le pays remonte au 26 juillet 2022. Au 31 décembre 2023, 107 parmi les 115 condamnés à mort étaient sous le coup d’une condamnation définitive et risquaient d’être exécutés. Les personnes condamnées à mort sont toujours détenues à l’isolement et, en l’absence de véritables garanties ou d’évaluations psychiatriques régulières et transparentes, la peine de mort continue d’être infligée à des personnes atteintes de handicap mental (psychosocial) ou de déficience intellectuelle, en violation du droit international et des normes y afférentes.

Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation de la personne condamnée, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution.