Une campagne mondiale cible le viol dans les zones de conflit

En République démocratique du Congo (RDC), des dizaines de milliers de civils ont fui cette semaine devant l’avancée du groupe armé M23, qui est entré dans la ville de Goma, dans l’est du pays. Cela ne fait qu’aggraver une situation des droits humains déjà désespérée. La ville est tombée aux mains du M23 mardi 20 novembre, et des civils de plus en plus nombreux quittent leur foyer, livrés à eux-mêmes dans une zone où ils risquent fort d’être pris entre deux feux, alors que les combats s’intensifient. Amnesty International a recensé de nombreux crimes relevant du droit international et d’autres violations des droits humains perpétrés dans le cadre des combats qui opposent le M23 à l’armée congolaise ces derniers mois. Depuis 15 ans, les civils pris au piège du conflit subissent toute une série d’atteintes aux droits humains ; les femmes et les jeunes filles sont particulièrement prises pour cibles, et de très nombreux cas de viols et d’autres formes de violence sexuelle sont signalés. « Je me suis fait violer alors que j’étais allée ramasser du bois », a raconté récemment une femme originaire du district de Rutshuru, dans la province du Nord-Kivu, à des délégués d’Amnesty International venus visiter le camp pour personnes déplacées où elle s’était installée, en périphérie de Goma, capitale de la province. Elle s’y était réfugiée au mois de juillet, pour fuir les affrontements entre le M23 et l’armée congolaise. Le jour de son agression, elle avait marché près d’une heure depuis le camp pour ramasser du bois, lorsqu’un homme portant des vêtements civils s’est approché d’elle, brandissant une machette. Voici son témoignage : « Je coupais du bois lorsque j’ai aperçu un homme qui faisait de même. J’ignore s’il s’agissait d’un bûcheron ou tout simplement d’un bandit…[Il] avait une machette. Il m’a dit qu’il m’aimait, et je lui ai répondu que ce n’était pas mon cas. « Il m’a dit ” Je ne veux pas t’épouser, je veux juste coucher avec toi “. Alors il m’a prise de force, il m’a même blessée. Il a menacé de me frapper avec sa machette si je criais. » L’histoire de cette femme est loin d’être un cas isolé dans l’est de la RDC, où le conflit armé a contraint un grand nombre de femmes et de jeunes filles à quitter leur foyer à plusieurs reprises – bien souvent sans aucun homme de leur famille, ce qui les expose davantage encore au risque de violences sexuelles. Certaines ont signalé avoir subi des actes de harcèlement sexuel de la part des forces de sécurité. En vue de mettre fin à ces violences faites aux femmes dans le Nord-Kivu, Amnesty International a demandé aux autorités congolaises de veiller à apporter une formation complète aux forces de sécurité et de les contrôler, surtout dans les zones où les civils courent un risque accru d’être attaqués par des groupes armés. En outre, le Conseil de sécurité des Nations unies a reconnu le caractère généralisé des violences sexuelles et liées au genre commises dans l’est de la RDC. Cependant, il faut maintenant faire davantage pour que cessent ces violences infligées aux femmes et aux jeunes filles dans le cadre du conflit qui déchire la RDC, et de tous les autres conflits. Dans le cadre de la campagne Seize jours d’action contre la violence liée au genre, centrée particulièrement en 2012 sur les violences sexuelles commises lors de conflits, comme en RDC, des milliers de sympathisants d’Amnesty International du monde entier vont envoyer des lettres aux membres du Conseil de sécurité. L’une de leurs demandes phares porte sur le renforcement des troupes de maintien de la paix de l’ONU autour des camps accueillant des personnes déplacées et dans d’autres régions de la RDC, là où la présence des forces de sécurité n’est pas suffisante pour garantir la protection des civils. Militarisme et violence liée au genre Les violences sexuelles et liées au genre telles que celles qui sont perpétrées dans l’est de la RDC sont répandues dans le monde entier, tant dans les situations de conflit qu’en dehors. Le militarisme alimente ces violations, qui ont des effets durables et disproportionnés sur les femmes et les jeunes filles. À partir du 25 novembre, les sympathisants d’Amnesty International se joindront à la campagne mondiale Seize jours d’action contre la violence liée au genre, afin de dénoncer le militarisme qui multiplie le risque de violences. « Le militarisme privilégie certaines formes de masculinité et a souvent de graves conséquences sur l’égalité et la sécurité des femmes, et des hommes qui ne se plient pas à la répartition traditionnelle des rôles, a indiqué Madhu Malhotra, directrice du programme sur le genre, la sexualité et l’identité à Amnesty International. « Dans le cadre des combats qui secouent l’est de la RDC et des innombrables situations de crise et de conflit de par le monde, il convient de dénoncer le militarisme, cause profonde des violences sexuelles et liées au genre, et de mettre en place des garanties afin de protéger les femmes et les jeunes filles touchées pendant et après la guerre. » En effet, si la militarisation et ses effets négatifs sont omniprésents durant un conflit armé actif, comme dans l’est de la RDC, bien souvent, ils le précèdent et font partie de son héritage. En proposant cinq actions sur cinq régions différentes lors des Seize jours d’action, Amnesty International espère montrer la dimension mondiale de la violence faite aux femmes et du militarisme. En plus de la RDC, les militants mettront l’accent sur les pays suivants : La Colombie : le gouvernement colombien est instamment prié d’appuyer l’initiative soumise en ce moment au Congrès visant à garantir l’accès à la justice pour les victimes de violences sexuelles – et plus particulièrement pour les milliers de victimes prises pour cibles lors du conflit armé qui fait rage depuis des années. L’Égypte : une lettre est adressée au ministre de l’Intérieur pour demander que les forces de sécurité reçoivent l’interdiction absolue d’avoir recours à des formes de violence sexuelle ou liée au genre ; en 2011, des manifestantes avaient été soumises à des « tests de virginité » en détention. L’Indonésie : une action en ligne exhorte le gouvernement à mettre sur pied une commission vérité afin de traiter les crimes de violence sexuelle et liée au genre perpétrés contre des femmes et des jeunes filles au cours de plusieurs décennies, sous le régime de l’ancien président Suharto et lors de la période de réforme à partir de 1998. Le Japon : une lettre au ministre des Affaires étrangères exhorte le gouvernement à présenter des excuses et accepter l’entière responsabilité – y compris légale – du système d’esclavage sexuel instauré par l’armée japonaise de 1932 jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui a touché des femmes de toute la région Asie-Pacifique. Par ailleurs, les militants écriront au ministre des Affaires étrangères de leur pays pour lui demander de maintenir la disposition sur la violence liée au genre dans le futur traité mondial sur le commerce des armes – qui entrera dans sa phase finale de négociations aux Nations unies, à New York, en mars 2013. « Malheureusement, aucune région du monde n’a pu échapper aux violences sexuelles et liées au genre dans le contexte du militarisme, a affirmé Madhu Malhotra. « Nous voulons être sûrs que les victimes de violences sexuelles et de viols commis en temps de guerre aient pleinement accès à la justice, à la vérité et à des réparations appropriées. Notre campagne Seize jours d’action portera également un message clair : les femmes et les jeunes filles ne doivent jamais être la cible de ces violences, nulle part, pas plus lors des manifestations qu’en détention. »