Honduras : la réponse des autorités aux violations commises depuis le coup d’État n’est pas satisfaisante

Amnesty International a accusé les autorités honduriennes de ne pas avoir apporté de réponse satisfaisante aux graves violations des droits humains qui ont suivi le coup d’État du 28 juin 2009, qui a chassé du pouvoir l’ancien président Manuel Zelaya. Depuis l’entrée en fonction du nouveau président Porfirio Lobo en janvier 2010, les policiers et les militaires responsables d’arrestations massives, de passages à tabac et de torture à la suite du coup d’État n’ont toujours pas été traduits en justice. Par ailleurs, les inquiétudes concernant la liberté d’expression vont croissant, puisque sept journalistes ont été tués au cours des trois derniers mois. « Le président Lobo s’est publiquement engagé à respecter les droits humains, mais il n’a rien fait pour les protéger, ce qui est inacceptable. Il doit prouver qu’il a réellement la volonté de mettre un terme au climat de répression et d’insécurité au Honduras, sinon la stabilité future du pays restera menacée », a déclaré Guadalupe Marengo, directrice adjointe du programme Amériques d’Amnesty International. Porfirio Lobo a été élu en novembre 2009 en pleine tourmente politique, le président Manuel Zelaya ayant été chassé du pouvoir par des responsables politiques soutenus par l’armée. Des centaines de personnes opposées au coup d’État ont été frappées et placées en détention par les forces de sécurité lors des manifestations qui ont éclaté les mois suivants. Plus de 10 personnes auraient été tuées dans les affrontements. En outre, la police et l’armée ont très souvent utilisé de manière abusive les gaz lacrymogènes et autres équipements de contrôle de la foule. Des défenseurs des droits humains, des dirigeants de l’opposition et des juges ont subi des mesures d’intimidation et des menaces, des médias ont été fermés et des journalistes censurés. Par ailleurs, selon certaines informations, des membres des forces de sécurité ont soumis des femmes et des jeunes filles à des violences sexuelles. Les juges perçus comme opposés au coup d’État ont été victimes de mutations arbitraires et de procédures disciplinaires injustes. La grande majorité des juges visés étaient membres de l’organisation Juges pour la démocratie, qui milite en faveur de l’équité et de la transparence. À ce jour, personne n’a eu à rendre de comptes pour ces atteintes aux droits humains et très peu d’enquêtes ont été ouvertes. Les victimes attendent toujours justice et réparation pour les violences qu’elles ont subies. « Il est triste de constater qu’aucune réparation n’a été offerte aux nombreuses victimes qui ont subi de graves violations des droits humains aux mains de la police et de l’armée sous le gouvernement de fait », a déploré Guadalupe Marengo. « Ces graves violations des droits humains ne doivent pas être oubliées ni rester impunies. Les victimes ont le droit à la vérité, à la justice et à des réparations. » Amnesty International est aussi très inquiète de l’augmentation du nombre des agressions contre des journalistes depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement. Sept journalistes ont été tués depuis mars 2010 et de nombreux autres ont subi des menaces et des actes de harcèlement. Par ailleurs, quatre juges ont été démis de leurs fonctions le 1er juin 2010, semble-t-il pour avoir critiqué le coup d’État – mesure qui fragilise fortement le système judiciaire. Le gouvernement hondurien a mis en place une Commission chargée de la paix et de la réconciliation en avril, mais Amnesty International déplore qu’elle ait pour seule mission de déterminer les facteurs qui ont contribué à la crise. Les commissions vérité ne doivent être qu’un élément parmi d’autres d’un plan national exhaustif destiné à protéger les droits des victimes de violations des droits humains. En plus de cette commission, le gouvernement doit garantir aux victimes l’ouverture d’enquêtes, le bon déroulement de la justice, et des réparations. « Après le coup d’État, le Honduras a besoin d’un programme de reconstruction en matière de droits humains, avec des objectifs clairs et un calendrier de mise en œuvre ; or, la commission n’a pas la mission ni les moyens d’enquêter sur les violences commises », a souligné Guadalupe Marengo. « Notre expérience montre que, lorsque les mesures prises pour garantir la justice et la vérité sont insuffisantes, les blessures ne se referment pas, perpétuant le cycle de la violence et des troubles. » Le président hondurien Manuel Zelaya Rosales a été chassé du pouvoir le 28 juin 2009 et expulsé du pays par un groupe de responsables politiques soutenus par l’armée et emmenés par Roberto Micheletti, alors président du Congrès national. D’après des dizaines de témoignages recueillis par les chercheurs d’Amnesty International lors de deux missions au Honduras, les atteintes aux droits humains se sont multipliées au lendemain du coup d’État. Le gouvernement de fait, conduit par Roberto Micheletti, est resté au pouvoir jusqu’à la fin de l’année 2009. Un nouveau gouvernement, dirigé par Porfirio Lobo, a pris ses fonctions le 27 janvier 2009. Le lendemain, Amnesty International a publié un rapport intitulé Honduras: Recommendations to the new Honduran government following the coup of June 2009 (disponible en anglais et en espagnol), qui rassemble des informations sur les violations commises durant le coup d’État. Depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, Amnesty International, à l’instar de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, n’a cessé d’exhorter les autorités à apporter une réponse satisfaisante aux violations des droits humains commises après le coup d’État.