Des familles égyptiennes risquent une expulsion forcée à cause d’un projet routier

Amnesty International a appelé les autorités égyptiennes à empêcher l’expulsion forcée de 200 familles dans le nord-est du pays, prévue dans le cadre d’un projet d’extension de route. Mardi 4 mai 2010, sans annonce préalable, des bulldozers sont venus démolir les habitations du bidonville de Zerzara, dans la ville de Port-Saïd. Quinze familles se sont retrouvées à la rue et 200 autres risquent de l’être. « Les habitants doivent être consultés au sujet de ces projets de démolition et de nouveaux logements doivent être trouvés si nécessaire, a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. « Même si les autorités construisent réellement une route dans l’intérêt de la population, rien ne peut justifier que des familles aient été chassées de leur domicile sans avoir nulle part où aller. Il faut qu’une solution de relogement adaptée soit fournie aux familles déjà expulsées et que des indemnités suffisantes pour compenser la perte de leurs biens leur soient versées. » Cette opération était accompagnée d’une présence massive des forces de sécurité et certaines des personnes expulsées auraient été frappées. Il semble que les arrêtés d’expulsion ont été pris par le gouverneur de Port-Saïd, qui a le pouvoir d’ordonner la démolition de bâtiments qui « empiètent » sur des terrains publics. Les autorités affirment que l’extension de route est destinée à mieux desservir les blocs d’immeubles modernes à six étages qui entourent cette zone. Cependant, la plupart de ces résidences, qui ont été construites afin d’offrir des logements abordables, sont trop chères pour les habitants de Zerzara et demeurent vacantes. Sans solution de relogement, les 15 familles déjà expulsées de force se sont vu proposer 500 livres égyptiennes (environ 70 euros) de dédommagement pour la perte de leur habitation le jour de l’expulsion. Elles ont en outre été informées qu’elles pouvaient reconstruire leur logement à Zerzara, mais à l’écart de la nouvelle route. Le Centre égyptien pour le droit au logement a déposé une plainte auprès du parquet afin d’arrêter ce processus de démolition. La majeure partie du bidonville de Zerzara a été construite par ses résidents, qui ont été expulsés en 2000 de logements décrépits situés dans deux autres zones de Port-Saïd, Al Salam et Nasser. Selon certaines estimations, 4 000 à 6 000 familles vivent à Zerzara, sans accès ou presque aux réseaux d’eau salubre et d’assainissement. L’accumulation de détritus et d’eaux usées aurait entraîné la propagation de maladies respiratoires et véhiculées par l’eau. Les résidents se plaignent que des rats attaquent leurs enfants la nuit. « Les autorités semblent faire passer le confort de certains habitants avant la dignité de centaines de familles, laissant de côté leur devoir d’accorder la priorité aux catégories les plus pauvres de la population en matière de logement convenable », a ajouté Hassiba Hadj Sahraoui. Zerzara a été classé « zone dangereuse » par le Fonds de développement des agglomérations informelles (ISDF). Créé par décret présidentiel en octobre 2008, cet organisme a pour mission d’élaborer des programmes pour prendre des mesures à l’égard des quartiers informels en Égypte. En mars 2009, des résidents de Zerzara ont manifesté devant le siège du gouvernorat de Port-Saïd après que des pluies et des eaux usées eurent inondé certaines habitations et que d’autres eurent été détruites par le feu en raison de raccordements électriques défectueux. À l’époque, le gouvernorat a indiqué qu’il procédait à la construction de 9 000 appartements destinés aux résidents des bidonvilles de Port-Saïd, dont 3 000 seraient attribués aux familles résidant à Zerzara. Pour l’instant, cela n’a pas encore été fait. La pénurie aiguë de logements abordables en Égypte conduit des milliers de personnes à vivre dans des quartiers informels. D’après le ministère du Développement local, 12,2 millions de personnes vivaient dans les quelque 870 quartiers informels d’Égypte en 2007. Plus de la moitié habitent dans la mégalopole du Caire.