Un journal yéménite bloqué par les autorités

Le blocage, par les forces de sécurité, des locaux d’un journal yéménite, visant à empêcher la diffusion d’exemplaires de cette publication, est entrée dans sa deuxième semaine.

Cette action fait suite à la saisie effectuée par les autorités, depuis le 30 avril, de milliers d’exemplaires du quotidien de langue arabe al Ayyam, basé à Aden, sur les étals de vendeurs de journaux dans la rue et dans d’autres points de vente, à Sanaa et dans des villes du sud du pays.

Par ailleurs, le 11 avril, des membres des forces de sécurité ont encerclé le domicile de Hisham Basharhail, le rédacteur en chef d’al Ayyam, et l’ont informé qu’il avait quarante-huit heures pour se rendre aux autorités à Sanaa. Cette convocation est semble-t-il en relation avec des faits survenus en février 2008 ; des hommes armés avaient ouvert le feu sur sa résidence et des agents de sécurité avaient répondu à ces tirs. Un des agresseurs a été tué et un autre blessé.

Des exemplaires de six autres journaux – al Masdar, al Watani, ad Diyar, al Nedaa, al Sharea et al Mostakela – ont aussi été saisis le 4 mai, à la suite d’une décision qui a fait grand bruit, prise par le responsable yéménite de la presse.

Le gouvernement reproche à ces sept publications d’exprimer des opinions favorables à la sécession dans le sud, dans le cadre de leur couverture des manifestations qui ont eu lieu en avril dans cette région du pays.

« Comble de l’ironie, le gouvernement yéménite a choisi d’intensifier ses attaques contre la presse aux alentours du 3 mai, date de la Journée mondiale de la liberté de la presse », a indiqué Philip Luther, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

Les récents mouvements de protestation dans le sud ont eu lieu au cours de la période précédant le 27 avril 2009, date marquant le quinzième anniversaire du début de la guerre civile qui a opposé le gouvernement yéménite de Sanaa aux séparatistes du sud. Une coalition de groupes politiques appelée Mouvement du sud qui, selon le gouvernement yéménite, appelle à l’indépendance de la partie sud du pays, serait à l’origine de ces manifestations.

En réaction à celles-ci, le gouvernement a déployé des forces de sécurité dans un certain nombre de villes et de villages. Fait particulièrement préoccupant, au moins trois hommes entretenant des liens avec le Mouvement du sud ont été arrêtés et sont actuellement incarcérés sans aucun contact avec le monde extérieur, situation les exposant à un risque accru de torture et d’autres types de mauvais traitements.

Les défenseurs des droits humains au Yémen se disent outrés par la décision de saisir ces journaux. Ils considèrent que les agissements du gouvernement constituent non seulement une atteinte grave aux normes internationales, mais également au droit yéménite.

Aux termes de la législation yéménite, seule la justice est habilitée à ordonner la saisie de journaux. Les autorités yéménites ont procédé à cette saisie sans recourir à la justice.

« Ces mesures restrictives ont des airs de représailles visant à punir ces journaux pour la manière dont ils ont couvert les manifestations et la réaction des autorités à celles-ci, a ajouté Philip Luther. De tels agissements portent atteinte au droit à la liberté d’expression et doivent cesser immédiatement. »

Amnesty International a, à plusieurs reprises ces dernières années, recueilli des informations sur certains motifs de préoccupation en rapport avec la liberté d’expression au Yémen, en particulier la chasse donnée par les autorités aux détracteurs de l’État, accusés de l’infraction d’« atteinte à l’unité nationale », dont la définition est vague.

Le bilan du Yémen en matière de droits humains est passé en revue ce 11 mai par le groupe de travail du Conseil des droits de l’homme des Nations unies chargé de l’Examen périodique universel.