Slovénie. Les autorités doivent cesser de faire payer les frais de maintien de l’ordre aux manifestant·e·s

Toute personne a droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Mais en Slovénie, il semble qu’il faille payer pour exercer ces droits fondamentaux.

Jaša Jenull

Jaša Jenull
Jaša Jenull, militant et directeur de théâtre (© DR)

Militant et directeur de théâtre slovène, Jaša Jenull se voit réclamer près de 35 000 euros pour rembourser aux autorités les frais de maintien de l’ordre liés à une manifestation à laquelle il a participé en juin 2020.

Cet homme, avec plusieurs autres personnes, s’est assis par terre sur la place de la République pour lire la Constitution à haute voix, afin de protester contre les vastes restrictions aux droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique imposées dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Cette action de protestation a été suivie d’une manifestation de plus grande ampleur avec d’autres participant·e·s.

Jaša Jenull, qui faisait déjà l’objet de deux autres procédures pour le remboursement de frais de maintien de l’ordre liés à des manifestations précédentes, est désormais censé s’acquitter de près de 40 000 euros au total. Et il n’est pas un cas isolé.

Les autorités slovènes ont annoncé leur intention de réclamer plus de 970 000 euros à des manifestant·e·s pour rembourser des frais de maintien de l’ordre. À ce jour, 28 demandes en ce sens sont déjà en cours de traitement, pour un montant total de près de 270 000 euros.

La décision d’imputer aux manifestant·e·s les frais de maintien de l’ordre liés aux actions de protestation auxquelles ils participent vise à museler la dissidence et constitue une violation manifeste du droit de réunion pacifique de ces personnes.

Un droit protégé par le droit international

Le droit à la liberté de réunion pacifique est garanti par divers instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits humains auxquels la Slovénie est partie, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention européenne des droits de l’homme.

En vertu de ces normes, les États sont tenus d’autoriser et de s’employer à faciliter la tenue des manifestations, y compris des rassemblements spontanés. À cette fin, ils doivent mettre à disposition des services adaptés, notamment de sécurité, de nettoyage et de premiers secours, qui ne sont pas censés être pris en charge financièrement par les personnes qui organisent la manifestation ou y participent.

Les autorités ont tenté de justifier ces demandes de prise en charge financière en invoquant le fait que les manifestations concernées avaient eu lieu sans notification préalable, ce qui, selon la police, a nécessité la mobilisation de ressources supplémentaires pour assurer la sécurité publique, en raison de l’absence de planification. Or, en vertu du droit international relatif aux droits humains, les rassemblements spontanés sont eux aussi protégés par le droit à la liberté de réunion pacifique.

Invoquer l’absence de notification préalable pour imposer des sanctions financières est une ingérence illégitime dans le droit à la liberté de réunion pacifique et va à l’encontre des normes internationales et régionales relatives aux droits humains.

De plus, il est préoccupant que certaines personnes plus connues du grand public, comme Jaša Jenull, qui a démenti à maintes reprises être l’organisateur des manifestations, semblent avoir été particulièrement ciblées par les autorités dans le but d’amplifier le message d’intimidation à l’intention des autres manifestant·e·s.

Des restrictions croissantes du droit de manifester

La police a recouru à la force pour évacuer Jasa Jaša Jenull. (Photo : Borut Krajnc / Mladina)

Ces dernières années, les préoccupations n’ont cessé de croître face aux mesures prises par les autorités slovènes pour limiter la participation aux manifestations – amendes, actes d’intimidation, fermeture d’espaces publics aux manifestations et interdiction générale des manifestations durant des mois dans le contexte du COVID-19, notamment.

Comme Amnesty International l’a déjà souligné auprès des autorités, les interdictions générales de manifester constituent une restriction disproportionnée des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, même lorsque ces interdictions sont mises en place dans le contexte d’une crise de santé publique comme celle liée au COVID-19.

L’invocation de telles interdictions générales pour imposer de nouvelles sanctions aux personnes ayant exercé leurs droits pacifiquement ne fait que renforcer l’inquiétude face aux restrictions croissantes qui visent à limiter la jouissance du droit à la liberté de réunion pacifique en Slovénie.

Les restrictions croissantes du droit de manifester en Slovénie doivent cesser. Les autorités doivent s’employer à faciliter l’exercice du droit de réunion pacifique et veiller à ce que les personnes puissent participer librement aux manifestations, sans crainte de représailles.

Dites à la Slovénie de

permettre l’exercice du droit de manifester pacifiquement

en commençant par retirer les demandes de remboursement des frais de maintien de l’ordre qui visent des manifestant·e·s pacifiques tels que Jaša Jenull.