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Campagne relative aux Jeux olympiques et paralympiques de Pékin en 2022
LES JEUX OLYMPIQUES EN CHINE
En février et mars 2022, les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver auront lieu à Pékin et ses alentours, en Chine. Ce sera la deuxième fois dans l’histoire que ce pays accueillera ces événements, après avoir organisé les Jeux olympiques et paralympiques d’été en 2008. Les autorités chinoises avaient alors promis d’améliorer la situation des droits humains dans le pays à cette occasion. Cela n’a pas été le cas. En réalité, cette situation a empiré et a continué de fortement se dégrader au cours de la dernière décennie, en particulier depuis que Xi Jinping est devenu président en 2013.
Avec les Jeux d’hiver de 2022, le gouvernement chinois cherche à montrer l’évolution de la Chine depuis les Jeux d’été de 2008, en mettant en avant son statut de superpuissance et en détournant l’attention de la question des droits humains. Cela équivaut à du sportswashing, c’est-à-dire que la Chine se sert des Jeux pour essayer d’améliorer son image sur la scène internationale en tirant parti du côté glamour et prestigieux du sport et de l’intérêt du public pour ces événements pour passer sous silence son bilan déplorable en matière de droits humains.
La communauté internationale doit saisir cette occasion pour rappeler à la Chine que pour devenir un dirigeant mondial responsable et être considérée comme tel par les autres, elle doit impérativement respecter les droits humains et sincèrement s’engager en faveur du système international des droits humains. Ce pays ne devrait pas être autorisé à se servir des Jeux pour dissimuler la situation des droits humains sur son territoire. Les droits humains doivent être au cœur de l’attention cet hiver à Pékin.
LE DROIT À LA LIBERTÉ D’EXPRESSION EN CHINE
Parmi les nombreuses violations des droits humains commises par les autorités chinoises, leur mépris systématique du droit à la liberté d’expression doit appeler à la vigilance lors des Jeux de 2022. Il est hautement problématique que le gouvernement chinois, tout en organisant un événement sportif d’une ampleur considérable destiné à célébrer les échanges entre les pays et une compréhension mutuelle, mette en place un système gigantesque de censure et de contrôle de ce que les citoyens peuvent dire et voir.
Censure
Le gouvernement chinois maîtrise plus strictement que jamais ce que ses citoyens peuvent voir et dire du monde. Il applique un filtre extrême sur Internet en bloquant des milliers de sites web et de services liés aux réseaux sociaux. Les journalistes font l’objet d’une forte censure : les messages jugés trop critiques envers les autorités sont rapidement supprimés par une armée de censeurs, et les voix dissidentes risquent des sanctions sévères. Certains groupes voient leur liberté d’expression particulièrement et continuellement menacée, tels que les journalistes citoyens, les universitaires, les défenseur·e·s des droits humains – y compris les avocats spécialisés dans ce domaine – et les minorités ethniques et religieuses.
Surveillance
Les technologies numériques et de surveillance de pointe sont devenues un élément crucial de l’appareil d’État dans toutes les régions de la Chine. Des mégalopoles aux petits villages, les Chinois font l’objet d’une surveillance constante, aussi bien en ligne qu’hors ligne, ce qui accroît et facilite grandement le contrôle gouvernemental.
Des conséquences effrayantes en Chine continentale et à Hong Kong
Le système de censure et de surveillance en Chine, de par son omniprésence et son caractère hautement technologique, limite fortement la liberté d’expression dans ce pays. Non seulement il sanctionne directement ce que les autorités chinoises estiment inapproprié, mais il engendre également un climat d’autocensure. De plus en plus de personnes ont conscience du contrôle strict exercé par les autorités dans les espaces virtuels et hors ligne, et veillent donc à ajuster leur discours pour éviter de franchir « la ligne rouge ». On sait bien qu’il est difficile, voire impossible, de s’adapter de la sorte. Les politiques officielles sur les contenus interdits ont tendance à être très vagues. En outre, les définitions de « sécurité nationale » et d’autres termes similaires souvent employés par le gouvernement pour légitimer la répression de la dissension sont si larges qu’elles manquent de clarté et de prévisibilité pénale. La détérioration rapide de plusieurs droits à Hong Kong, dont celui à la liberté d’expression, illustre brutalement le fonctionnement des mécanismes de censure dans la République populaire de Chine.
La censure au-delà de la Chine
Le gouvernement chinois essaye d’imposer progressivement sa censure au monde. Les journalistes étrangers sur place qui écrivent des articles critiques envers les autorités font de plus en plus l’objet de retards et de refus quant au renouvellement de leur visa, voire d’expulsion. La Chine s’entête à rejeter les appels de la communauté internationale en faveur d’un accès libre à la région autonome ouïghoure du Xinjiang et d’autres régions à des fins de recherche et d’information, tout en affirmant qu’aucune violation des droits humains n’y est commise. Les personnes qui résident à l’étranger sont blâmées lorsqu’elles dénoncent la situation de ces droits en Chine. Appliquant les critères en matière de censure en vigueur chez elles, les entreprises technologiques chinoises qui mènent des activités dans d’autres pays bloquent et censurent des contenus considérés comme « politiquement sensibles », notamment les critiques envers le gouvernement chinois.
Veiller à ce que la Chine suive les règles
La liberté d’expression est inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Elle couvre le droit de dire ce que l’on aime et ce que l’on pense, et de chercher et partager tout type d’information, sans notion de frontières. Elle donne aussi le droit d’être d’accord ou non avec les personnes au pouvoir et d’exprimer ses opinions par tous les moyens et sous toutes les formes. La liberté d’expression est étroitement liée à d’autres droits – dont ceux aux libertés d’association, de réunion pacifique, de pensée, de conscience, et de religion ou de conviction – dont elle favorise l’exercice.
La Chine est partie à la Déclaration universelle des droits de l’homme et le droit à la liberté d’expression est inscrit dans sa Constitution (article 35). Par ailleurs, au moment de soumettre sa candidature pour les Jeux d’hiver de 2022, le gouvernement chinois a fait plusieurs promesses quant à la liberté d’expression. Il a ainsi annoncé que les médias qui souhaiteraient couvrir l’événement seraient libres de communiquer tout type d’informations, y compris sur les préparatifs, et auraient accès à Internet sans entraves. Il a également assuré que des espaces seraient prévus pour les manifestations.
La communauté internationale dans son ensemble doit, dès maintenant et pendant les Jeux d’hiver 2022, exhorter le gouvernement chinois à témoigner de son engagement sincère et durable quant à une meilleure protection des libertés d’expression et de réunion pacifique, et d’autres droits humains.
CINQ CHAMPIONS ET CHAMPIONNES
Pendant ces Jeux d’hiver, nous invitons le monde à célébrer cinq personnes emprisonnées, placées en détention ou disparues après avoir exercé leur droit humain à la liberté d’expression. Elles appartiennent toutes à des communautés particulièrement et durement touchées par les attaques continues du gouvernement chinois envers la liberté d’expression et des droits humains connexes. Elles ont fait preuve d’un courage digne des champions et championnes olympiques simplement pour s’être exprimées de façon pacifique et avoir refusé de céder à la répression. Leur libération immédiate serait un premier pas public majeur de la part du gouvernement chinois pour illustrer de manière adéquate sa réelle volonté de mieux protéger les droits humains de l’ensemble de ses citoyens, dans le respect des normes internationales relatives aux droits humains et de la Charte olympique.
Nous appelons les autorités chinoises à relâcher ces cinq personnes sans délai et nous invitons la communauté internationale à immanquablement réclamer leur libération :
- La journaliste citoyenne Zhang Zhan, condamnée à quatre ans d’emprisonnement pour ses reportages sur la réalité du COVID-19 en Chine.
- L’universitaire ouïghour Ilham Tohti, condamné à la réclusion à perpétuité pour avoir suggéré des approches constructives pour mettre fin au traitement inégal des groupes ethniques en Chine.
- La défenseure des droits humains Li Qiaochu, détenue pour avoir signalé des actes de torture perpétrés par les autorités chinoises.
- L’avocat et ancien prisonnier d’opinion Gao Zhisheng, disparu en 2017 peu de temps après avoir publié ses mémoires, où il évoquait ses années de détention et de torture aux mains des autorités chinoises.
- Le moine tibétain Rinchen Tsultrim, condamné à quatre ans et demi de prison pour avoir exprimé ses opinions politiques en ligne.
En vertu du droit international relatif aux droits humains et des normes internationales en la matière, nul ne doit être incarcéré uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression ou tout autre droit humain. Lors des Jeux olympiques d’hiver de Pékin, la communauté internationale doit insister pour que le gouvernement chinois commence enfin à suivre les règles ayant trait aux droits humains. La Chine doit relâcher ces cinq personnes immédiatement et cesser de harceler et de persécuter celles et ceux qui exercent leurs droits pacifiquement.
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LES CINQ CHAMPION·NE·S ET LEURS COMMUNAUTÉS
ZHANG ZHAN : JOURNALISTES CITOYENS EN CHINE ET COVID-19

Ancienne avocate, Zhang Zhan est une journaliste citoyenne qui s’est exprimée activement sur la politique et les questions liées aux droits humains dans son pays. En février 2020, elle s’est rendue à Wuhan, qui était alors le centre de l’épidémie de COVID-19 en Chine. Elle a utilisé des plateformes numériques (comme WeChat, Twitter et YouTube) pour faire état de la situation sur place. Elle a signalé l’arrestation de journalistes indépendants, ainsi que le harcèlement des familles de victimes. Zhang Zhan a été portée disparue le 14 mai 2020 à Wuhan. Il a ensuite été révélé qu’elle était détenue par la police à Shanghai, à plus de 640 km de là. La journaliste a entamé une grève de la faim en juin 2020 pour protester contre sa détention et clamer son innocence. D’après son avocat, elle a alors été nourrie de force par les autorités, obligée de porter des chaînes aux pieds et menottée de façon permanente pendant plus de trois mois. Ces sévices visant à la faire interrompre sa grève de la faim équivalent à une violation de l’interdiction absolue de la torture et d’autres mauvais traitements. Le 28 décembre, cette femme a été condamnée à quatre ans de prison pour avoir « cherché à provoquer des conflits et troublé l’ordre public ». Zhang Zhan est une prisonnière d’opinion, incarcérée uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression. Elle poursuit une grève de la faim partielle depuis son transfert en prison. Le 2 août 2021, pour la première fois en cinq mois, elle a pu parler à sa mère, qui lui a demandé instamment de mettre un terme à sa grève. Cependant, Zhang Zhan reste déterminée à continuer son action afin d’affirmer son innocence et de protester contre sa condamnation, malgré les graves risques pour sa santé. À ce jour, toutes les demandes de visite formulées par sa famille ont été refusées sans qu’aucune raison ne soit fournie. Ne pouvant pas contacter ses proches et les avocats de son choix, Zhang Zhan risque de subir d’autres actes de torture et mauvais traitements, surtout si elle poursuit sa grève de la faim.
Le gouvernement chinois a essayé de contrôler les informations relatives à l’épidémie due au coronavirus dès le début. Le médecin Li Wenliang a tenté d’avertir la population de la situation en décembre 2019, mais il a été immédiatement réduit au silence et sanctionné par les autorités pour avoir « répandu des rumeurs ». Il est décédé en février 2020 des effets du virus dont il cherchait à enrayer la propagation. Sa mort a déclenché une vague d’émotion et de colère dans tout le pays et sur Internet, et beaucoup ont exigé le respect de la liberté d’expression et la fin de la censure. Les autorités ont bloqué des centaines de combinaisons de mots-clés sur les réseaux sociaux et les applications de messagerie. Depuis le début de l’épidémie de COVID-19 en Chine, de nombreux articles sur le virus sont censurés. Sur les réseaux sociaux, les publications portant sur le même sujet, les hashtags jugés sensibles et les appels au respect de la liberté d’expression sont rapidement supprimés.
Les journalistes citoyens comme Zhang Zhan ont été la principale, sinon la seule, source d’information libre et directe sur cette question dans le pays. En raison de leur statut d’indépendants non affiliés aux médias contrôlés par l’État, ils et elles doivent toujours faire preuve de prudence, et risquent constamment d’être la cible de harcèlement et de répression pour avoir publié et diffusé des informations réprouvées par le gouvernement,
qui continue de contrôler et censurer le travail journalistique de façon stricte. Visiblement dans le but de surveiller davantage les journalistes citoyens, les autorités ont adopté une nouvelle réglementation en janvier 2021, en vertu de laquelle tous les comptes publics qui fournissent un service d’information en ligne doivent obtenir une accréditation officielle en tant que média. Le même mois, elles ont annoncé que le renouvellement de la carte de presse – obligatoire pour les journalistes qui travaillent pour les médias appartenant à l’État et approuvés – impliquerait un examen de leurs comptes sur les réseaux sociaux, renforçant ainsi le contrôle gouvernemental de l’expression des journalistes dans la sphère professionnelle et privée.
Zhang Zhan doit être remise en liberté immédiatement et sans condition.En informant la population de la réalité du COVID-19 en Chine, elle n’a rien fait de plus qu’exercer son droit à la liberté d’expression.
ILHAM TOHTI : PERSÉCUTION DES OUÏGHOURS ET MUSELLEMENT DES UNIVERSITAIRES

Intellectuel ouïghour de renom en Chine, Ilham Tohti était professeur d’économie à l’Université centrale des nationalités à Pékin. Il a œuvré pendant 20 ans à favoriser une meilleure compréhension entre les Ouïghours et les Hans. En rejetant systématiquement le séparatisme et la violence, il a essayé d’engager un dialogue entre ces deux groupes ethniques. Ilham Tohti est le fondateur et directeur du site web bilingue Uighur Online, qui a fait état de violations des droits humains subies non seulement par des Ouïghours mais aussi par des Hans. Les autorités ont fermé ce site pour la première fois avant les Jeux olympiques de Pékin en 2008, et à plusieurs reprises depuis. Le 15 janvier 2014, la police est venue chercher Ilham Tohti à son domicile dans la capitale chinoise. Pendant cinq mois, sa famille et ses amis n’ont pas su où il se trouvait. Il a été privé de nourriture pendant 10 jours et forcé de porter des chaînes aux pieds pendant 20 jours de suite. Bien que le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire ait reconnu en mars 2014 le caractère arbitraire de sa détention, cet homme a été condamné à la réclusion à perpétuité en septembre de la même année pour « séparatisme », à l’issue d’un procès rapide et inique. Ilham Tohti est un prisonnier d’opinion, incarcéré uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression.
Les autorités chinoises ont souvent recours à des accusations de « séparatisme » pour réprimer la liberté d’expression. Elles estiment que toute critique de leurs politiques ethniques vise en réalité à porter atteinte aux relations entre les différents groupes ethniques et à promouvoir en secret des idées séparatistes. À travers ses écrits et ses conférences, Ilham Tohti a mis en lumière les politiques gouvernementales qui alimentent le mécontentement et les tensions ethniques, notamment celles qui limitent l’usage de la langue ouïghoure, restreignent fortement la liberté de religion des Ouïghours, entravent leur accès à l’emploi et encouragent l’afflux de migrants hans dans la région du Xinjiang. Tout en dénonçant les politiques qui oppressent sa communauté, il a beaucoup écrit sur le dialogue et la réconciliation comme moyens de surmonter le traitement inégal des différents groupes ethniques. Il s’est systématiquement prononcé contre la violence et œuvrait de manière pacifique à jeter des ponts entre les communautés ethniques dans le respect du droit chinois. Au lieu de saluer ses efforts pour instaurer des relations harmonieuses entre les ethnies en Chine, les autorités ont lourdement sanctionné Ilham Tohti. Au même moment, elles ont lancé une campagne d’oppression de grande ampleur à l’encontre des Ouïghours et d’autres minorités musulmanes au Xinjiang.
Depuis 2014, la présence de la police a considérablement augmenté dans la région, qui fait l’objet d’une surveillance intense dans le cadre de la « guerre du peuple contre le terrorisme », officiellement déclarée par la Chine, et des efforts pour lutter contre l’« extrémisme religieux ». En 2016, les mesures de contrôle de la société se sont rapidement multipliées. Aujourd’hui, les musulmans du Xinjiang font partie des groupes les plus surveillés au monde. En 2017, la situation a encore empiré. Depuis, un nombre considérable d’hommes et de femmes appartenant à la communauté ouïghoure et à d’autres minorités ethniques à majorité musulmane au Xinjiang ont été placés en détention arbitrairement. Des centaines de milliers de personnes ont ainsi été emprisonnées, et des centaines de milliers – peut-être un million, voire plus – ont été envoyées dans des camps d’internement. Dans ces « camps de rééducation », les détenus subissent diverses formes de torture et d’autres mauvais traitements, y compris l’endoctrinement politique et l’assimilation culturelle forcée. Amnesty International a recueilli des éléments fiables qui suggèrent que les emprisonnements, les actes de torture et la persécution – systématiques, de masse et organisés par l’État – des Ouïghours, des Kazakhs et d’autres minorités ethniques aux Xinjiang équivalent à des crimes contre l’humanité. La Chine continue de rejeter les appels de la communauté internationale en faveur d’un accès libre à la région du Xinjiang à des fins de recherche et d’information, tout en affirmant qu’aucune violation des droits humains n’y est commise.
Dans un essai autobiographique datant de 2011, Ilham Tohti a déclaré : « J’ai toujours affirmé que l’on ne devait pas avoir peur des différences d’opinion et de l’opposition, mais plutôt [craindre seulement] de ne pas avoir d’opportunités d’échanges. » Malheureusement, le gouvernement chinois empêche de plus en plus les opportunités d’échanges et manifeste une peur grandissante des différences d’opinion, ce qui est flagrant au vu de la répression gouvernementale de la liberté d’expression en général et de la liberté académique en particulier. Les intellectuels, les écrivains et les universitaires demeurent la cible principale des persécutions au Xinjiang, mais la liberté académique est aussi de plus en plus limitée dans le reste de la Chine, comme en témoignent les sévères restrictions imposées depuis avril 2020 quant aux articles scientifiques qui évoquent les origines du COVID-19.
Ilham Tohti doit être remis en liberté immédiatement et sans condition.En donnant son avis sur l’harmonie entre les ethnies en Chine, il n’a rien fait de plus qu’exercer son droit à la liberté d’expression.
LI QIAOCHU : DES ACTES DE TORTURE SIGNALÉS PAR UNE MILITANTE FÉMINISTE ET LUTTANT POUR LES DROITS DU TRAVAIL

Li Qiaochu est une défenseure des droits humains bien connue. Elle s’intéresse depuis longtemps aux questions liées à l’égalité des droits des travailleurs et travailleuses, des femmes et d’autres membres de la société chinoise. En raison de ses activités militantes, elle est souvent la cible de harcèlement de la part de la police. Quand son compagnon, le juriste et militant Xu Zhiyong, a été placé en détention et a rapporté à son avocat avoir été victime de torture, elle a publiquement réclamé qu’il soit mieux traité et remis en liberté, à la suite de quoi elle a été arrêtée, maintenue en détention au secret pendant environ six mois puis inculpée d’« incitation à la subversion du pouvoir de l’État ». Li Qiaochu est détenue par les autorités chinoises uniquement pour avoir signalé des violations des droits humains et pour son militantisme pacifique. La Chine est partie à la Convention des Nations unies contre la torture et a donc l’obligation d’enquêter sur les allégations de torture et de protéger les personnes qui font état de tels actes comme Li Qiaochu. Cette dernière est pourtant réduite au silence aux mains des autorités chinoises.
Depuis que Xi Jinping a pris le pouvoir fin 2012, l’espace dédié aux défenseur·e·s des droits humains en Chine s’est rapidement réduit. C’était déjà évident lorsque Pékin a été choisie pour organiser les prochains Jeux olympiques d’hiver, le 31 juillet 2015. Seulement quelques semaines avant cette annonce, le gouvernement chinois a lancé « la répression du 9 juillet », ainsi appelée car elle a commencé le 9 juillet 2015. Près de 250 avocat·e·s et militant·e·s ont été interrogé·e·s ou placé·e·s en détention par des agents de la sûreté de l’État.
Aujourd’hui, la Chine continue de persécuter sans relâche les défenseur·e·s des droits humains et les militant·e·s, qui sont systématiquement soumis·es à des actes de harcèlement, des manœuvres d’intimidation, des disparitions forcées, des placements en détention au secret et arbitraires, voire de longues peines d’emprisonnement. L’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire et de véritables garanties en matière de procès équitable ne fait qu’accentuer ces violations persistantes. Des militant·e·s et des défenseur·e·s des droits humains sont régulièrement pris·es pour cible et inculpé·e·s d’infractions définies en des termes vagues et de grande portée, comme la « subversion de l’État », l’« incitation à la subversion de l’État » ou le fait d’avoir « cherché à provoquer des conflits et troublé l’ordre public ».
Li Qiaochu fait partie du grand nombre de militant·e·s pacifiques en détention. Elle a une vaste expérience de travail sur diverses questions de justice sociale. Pendant l’hiver 2017, les autorités de Pékin ont expulsé des « populations à faible revenu », en ciblant principalement les travailleurs migrants. Il s’agissait de la plus grande opération d’expulsions forcées dans la capitale chinoise depuis les préparatifs pour les Jeux olympiques d’été de 2008. Li Qiaochu a alors travaillé avec des bénévoles pour compiler et diffuser des informations sur les communautés les plus touchées afin d’aider les travailleurs migrants expulsés à retrouver un emploi et à se reloger à un prix abordable. En tant que féministe, elle a également participé activement à plusieurs campagnes nationales #MeToo. Elle a rassemblé des données, rédigé des rapports et publié en ligne des messages exprimant son soutien au mouvement.
En juin 2019, les médecins lui ont diagnostiqué une dépression et elle a dû prendre un traitement régulier, sans pour autant cesser ses activités militantes. Avec l’arrivée de l’épidémie de COVID-19, elle s’est portée volontaire pour apporter son aide en ligne et sur le terrain, et à faire de la prévention dans les petites localités.
Li Qiaochu a été arrêtée et interrogée plusieurs fois à propos de son compagnon Xu Zhiyong, détenu depuis février 2020. Un an plus tard, peu après avoir publiquement dénoncé les actes de torture et mauvais traitements infligés à son partenaire et d’autres personnes, elle a reçu un appel d’un policier de Pékin qui lui a demandé de sortir de chez elle pour « discuter ». Elle a été arrêtée puis accusée d’« incitation à la subversion de l’État ». À ce jour, les autorités n’ont fourni aucun élément crédible indiquant que cette femme aurait commis une infraction reconnue par le droit international.
Li Qiaochu doit être libérée immédiatement et sans condition, à moins qu’il n’existe de réels éléments de preuve contre elle et qu’elle ne soit jugée équitablement.En faisant état de violations des droits humains, elle n’a rien fait de plus qu’exercer son droit à la liberté d’expression.
GAO ZHISHENG : PERSÉCUTION PERMANENTE DES AVOCATS SPÉCIALISTES DES DROITS HUMAINS

Gao Zhisheng est l’un des avocats spécialisés dans la défense des droits humains les plus respectés de Chine. En 2001, le ministre de la Justice l’a classé parmi les « 10 meilleurs avocats du pays » pour son travail bénévole dans des affaires d’intérêt public. Pourtant, fin 2005, le Bureau municipal de la justice de Pékin a annulé son permis d’exercer et suspendu les activités de son cabinet. Ces mesures ont un lien direct avec les lettres ouvertes dans lesquelles cet homme appelait les autorités à cesser les persécutions religieuses, notamment celles visant les pratiquants du Fa Lun Gong. En février 2006, Gao Zhisheng a lancé une campagne de grèves de la faim pour attirer l’attention sur les persécutions dont étaient victimes les défenseur·e·s des droits humains en Chine. Peu après la fin de cette campagne, il a été arrêté et détenu sans inculpation. Pendant la plus grande partie des 16 années qui ont suivi, il n’a que rarement été libre, étant soit porté disparu, soit enfermé, soit assigné à résidence. Même dans cette situation difficile, Gao Zhisheng a continué de défendre ouvertement les droits humains et de critiquer le Parti communiste chinois.
En 2016, cet homme a publié ses mémoires, intitulés Debout la Chine 2017 – L’espoir de la Chine : Ce que j’ai appris pendant cinq ans en tant que prisonnier politique. Il y décrit en détail son traitement en détention de 2009 à 2014, et raconte sa vie sous surveillance policière constante après sa libération. Gao Zhisheng a écrit ce livre pour continuer de dénoncer les violations des droits humains commises sous le régime communiste. Après la publication de ses mémoires, il a été de nouveau porté disparu le 13 août 2017. On ignore où il se trouve actuellement et quel est son état de santé. Au vu des sévices qu’il a précédemment subi en détention, sans avoir accès à un avocat, il risque fortement de faire l’objet de torture et d’autres mauvais traitements.
Gao Zhisheng, qu’un collègue surnomme « l’avocat le plus courageux de Chine », est loin d’être le seul avocat à être persécuté par les autorités chinoises. Depuis le 9 juillet 2015, près de 250 avocat·e·s et militant·e·s ont été interrogé·e·s ou placé·e·s en détention par des agents de la sûreté de l’État, dans le cadre d’une répression sans précédent lancée par le gouvernement contre les avocat·e·s spécialistes des droits humains et d’autres militant·e·s, souvent appelée « répression du 9 juillet ». Aujourd’hui, un grand nombre d’avocat·e·s sont toujours derrière les barreaux ou font l’objet d’une surveillance stricte.
Gao Zhisheng doit être remis en liberté immédiatement et sans condition.En faisant part de violations des droits humains et de ses opinions politiques, il n’a rien fait de plus qu’exercer son droit à la liberté d’expression.
RINCHEN TSULTRIM : SAUVEGARDE DE LA CULTURE TIBÉTAINE ET EXPRESSION D’OPINIONS POLITIQUES

Rinchen Tsultrim était moine au monastère de Nangshig, dans la préfecture autonome tibétaine d’Aba (province du Sichuan). Après une vague de troubles au Tibet en 2008, il a commencé à exprimer ses opinions sur WeChat et son site web « Scepticisme à l’égard du Tibet ». En 2018, le bureau local de la Sécurité publique l’a mis en garde à deux reprises, lui ordonnant de ne plus exprimer d’opinions critiques en ligne sur la politique chinoise. Le moine a été placé sous étroite surveillance et son site a été fermé. Il a été arrêté en août 2019 et est détenu au secret depuis. En novembre 2020, il a été condamné à quatre ans et six mois de prison sans avoir bénéficié d’un procès équitable. Sa famille ne l’a appris qu’un an plus tard. En août 2021, le gouvernement chinois a répondu aux inquiétudes formulées par plusieurs spécialistes des Nations unies concernant Rinchen Tsultrim, en indiquant que cet homme avait été condamné pour « incitation à la sécession » pour avoir publié des informations sur WeChat, et qu’il purgeait sa peine à la prison d’Aba, dans la province du Sichuan. La famille de Rinchen Tsultrim pense qu’il est incarcéré pour avoir exprimé ses opinions politiques. Celui-ci ne pas peut communiquer avec ses proches ni consulter un avocat, ce qui suscite de sérieuses craintes quant à sa santé et son bien-être.
En Chine, les Tibétains sont en butte à des discriminations et des restrictions de leurs droits aux libertés de religion, d’expression, d’association et de réunion pacifique. Dans les zones à population tibétaine, les minorités ethniques font l’objet de sévères restrictions dans divers domaines et de mesures de répression sous couvert de « lutte contre le séparatisme », de « lutte contre l’extrémisme » ou de « lutte contre le terrorisme ». Des moines, écrivains, manifestants et militants tibétains sont régulièrement arrêtés en raison de leurs activités pacifiques. L’accès aux zones peuplées par les Tibétains est toujours très restreint, en particulier pour les journalistes, les universitaires et les organisations de défense des droits humains, ce qui rend extrêmement difficile toute recherche et collecte d’informations sur la situation des droits humains sur place. Depuis février 2009, au moins 150 Tibétains se sont immolés par le feu dans ces régions en signe de protestation contre la politique répressive des autorités.
Les activités religieuses sont toujours durement réprimées par le pouvoir central. Les autorités s’emploient à aligner les pratiques et enseignements religieux sur l’idéologie d’État et à renforcer globalement leur contrôle sur tous les groupes religieux, aussi bien ceux approuvés par l’État que ceux qui ne sont pas enregistrés. Selon de récentes dispositions réglementaires, entrées en vigueur le 1er février 2020, ces groupes doivent « suivre la direction du Parti communiste chinois […], persister dans la voie de la sinisation de la religion et pratiquer les valeurs socialistes essentielles ».
Rinchen Tsultrim doit être libéré immédiatement, à moins qu’il n’existe des éléments crédibles, suffisants et recevables tendant à prouver qu’il a commis une infraction reconnue par le droit international et qu’il ne soit jugé dans le cadre d’un procès conforme aux normes internationales d’équité.
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RECOMMANDATIONS
RECOMMANDATIONS ADRESSÉES AUX AUTORITÉS CHINOISES :
Nous appelons les autorités chinoises à abandonner toutes les charges retenues contre des personnes jugées ou détenues uniquement pour avoir exercé leur liberté d’expression, et à les remettre en liberté.
Pour commencer, elles devraient relâcher immédiatement Zhang Zhan, Ilham Tohti, Li Qiaochu, Gao Zhisheng et Rinchen Tsultrim. Entre-temps, elles doivent révéler sans délai où se trouvent ces individus et garantir qu’ils ne soient pas soumis à des actes de torture ou d’autres mauvais traitements, qu’ils puissent communiquer avec leurs familles et consulter les avocats de leur choix régulièrement et sans restriction, et qu’ils reçoivent les soins médicaux réclamés ou si nécessaire.
Nous demandons en outre aux autorités chinoises, conformément aux engagements qu’elles ont pris quant aux Jeux olympiques :
- D’assurer une totale liberté des médias, ce qui comprend un accès non restreint à Internet, à la fois pour les journalistes chinois et étrangers, dans toutes les régions de la Chine, avant et pendant les Jeux.
- De veiller à ce qu’il y ait de réelles possibilités de manifester pacifiquement pendant les Jeux, sans que les participant·e·s à ces manifestations n’aient à craindre des représailles.
RECOMMANDATIONS ADRESSÉES AU COMITÉ INTERNATIONAL OLYMPIQUE :
Conformément à la résolution Promotion des droits de l’homme par le sport et l’idéal olympique, adoptée le 22 juin 2020 par le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, Amnesty International appelle le Comité international olympique (CIO) à pleinement intégrer les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme dans ses activités. Amnesty International salue les efforts actuellement fournis par le CIO pour mettre au point un cadre stratégique lié aux droits humains, en vue de remplir l’intégralité de ses responsabilités et de ses engagements. Nous appelons le CIO à accélérer cette procédure et à adopter sans délai une stratégie en matière de droits humains qui assure l’engagement des parties prenantes et l’intégration de sa politique globale sur les droits humains dans ses principaux documents, comme la Charte olympique.
Le CIO ne devrait pas attendre d’avoir adopté un tel cadre stratégique pour commencer à assumer ses responsabilités en vertu des Principes directeurs des Nations unies. Amnesty International exhorte de toute urgence le CIO à faire preuve de diligence raisonnable quant aux droits humains et de publier ses politiques et pratiques en la matière, conformes aux normes internationales, visant à identifier, prévenir, limiter et gérer en temps opportun les conséquences de ses activités, de ses relations commerciales et de ses chaînes logistiques sur les droits humains. Le CIO devrait appliquer ce principe de diligence raisonnable en termes de droits humains lors des préparatifs des Jeux olympiques d’hiver de 2022 à Pékin et pendant cet événement.
Le CIO devrait également insister pour que les autorités chinoises tiennent leurs promesses quant à la liberté d’expression dans le cadre des Jeux, notamment concernant la liberté des médias avant et pendant la période olympique, et la mise en place de zones où il sera possible de manifester à l’occasion des Jeux.
Le CIO doit respecter la liberté d’expression des athlètes et des dirigeants sportifs et s’abstenir d’essayer de les dissuader de se prononcer en faveur des droits humains ou d’exprimer leur solidarité envers les personnes victimes de violations de ces droits – y compris dans des zones déclarées « sensibles » par les autorités chinoises. Le cas échéant, il ne doit pas les sanctionner. Il doit également veiller à ce qu’un espace adéquat soit prévu lors des Jeux pour permettre aux athlètes de s’exprimer. Au minimum, le CIO devrait adapter les Lignes directrices relatives à l’expression des athlètes, appliquées lors des Jeux de 2020 à Tokyo, pour les Jeux d’hiver de 2022, tout en s’assurant que les éventuelles mesures de restriction de la liberté d’expression soient strictement nécessaires et légitimes.
RECOMMANDATIONS ADRESSÉES AUX COMITÉS NATIONAUX OLYMPIQUES :
- Les Comités nationaux olympiques (CNO) doivent respecter la volonté des athlètes et des dirigeants sportifs de se prononcer en faveur des droits humains et de dénoncer les violations de ces droits en Chine, sans jamais chercher à les en dissuader. Par ailleurs, Amnesty International les encourage à veiller à ce que l’ensemble des athlètes et des autres membres des délégations nationales envoyées aux Jeux d’hiver Pékin aient accès aux informations sur les questions de droits humains en Chine. Elle les appelle en outre à fournir à leurs délégations nationales des éléments sur les droits humains dans le cadre de leurs efforts globaux pour guider et accompagner les athlètes, entre autres, dans leur parcours olympique.
- Les CNO ne devraient prendre aucune forme de sanction contre leurs athlètes ou les dirigeants sportifs pour avoir évoqué les violations des droits humains en Chine ou ailleurs.
RECOMMANDATIONS ADRESSÉES AUX AUTRES GOUVERNEMENTS :
Amnesty International appelle les représentants gouvernementaux et étatiques, y compris ceux qui prévoient d’assister aux Jeux olympiques, à user de leur influence auprès des autorités chinoises pour les pousser à prendre de toute urgence des mesures dans la lignée des recommandations précédentes. Nous exhortons les gouvernements à faire part publiquement de leurs inquiétudes quant aux humains quand la situation s’y prête.