Igor Roudnikov, Kaliningrad

Rédacteur en chef du journal Nove Kolessa, Kaliningrad, oblast de Kaliningrad

Son histoire est racontée par IouriGrozmani, rédacteur en chef adjoint du journal Nove Kolessa

Je connais Igor Roudnikov depuis 1994. À l’époque, il était lieutenant commandant dans Flotte de la Baltique et il écrivait également pour un journal militaire appelé Straj Baltiki (Le gardien de la mer Baltique). Le journal avait un supplément appelé Kolessa (Les roues). Je faisais quant à moi partie de la Force aérienne et je voulais travailler dans le journalisme. J’ai proposé à Igor de publier un de mes articles et c’est ainsi que nous nous sommes rencontrés. En mai 1995, Igor a quitté la marine et a fondé le journal Nove Kolessa (Les nouvelles roues).

Nous avons commencé par publier des articles sur les véhicules et la conduite, puis nous avons écrit des articles sur les travaux de voirie dans lesquels des représentants de l’État corrompus étaient impliqués. Plus tard, Igor a décidé de couvrir également les informations locales plus générales et la politique. Il a beaucoup travaillé pour révéler des affaires de corruption. Après nos enquêtes, de nombreux fonctionnaires corrompus ont été démis de leurs fonctions et ne pouvaient plus porter préjudice à la société. À sa manière, Nove Kolessa a nettoyé la société. Parfois, je me dis que notre journal a aidé à façonner la manière de penser des habitants de Kaliningrad.

Il n’est pas surprenant que de nombreuses personnes en veuillent à Igor. Il a reçu de nombreuses menaces. En 1998 et à nouveau en 2016, il a été victime de tentatives d’homicide et a fait l’objet de plusieurs poursuites pénales pour des accusations forgées de toutes pièces. En novembre 2017, il a été arrêté après avoir été accusé d’avoir extorqué 50 000 dollars des États-Unis à Viktor Ledenev, le directeur du Comité d’enquête de l’oblast de Kaliningrad. Igor Roudnikov est actuellement détenu au centre de détention provisoire Lefortovo, à Moscou. Il a nié les accusations et pense que les poursuites pénales dont il fait l’objet sont une provocation destinée à l’intimider et à le réduire au silence.

Nous avons décidé de continuer de publier le journal sans Igor. Les agences de sécurité pensaient que les journalistes partiraient et que le journal ne serait plus publié, mais elles avaient tort. Le journal aborde plus de questions d’actualité et de manière plus incisive et plus de personnes le lisent. Il a été attaqué de toutes parts : notre cofondateur a été soumis à des manœuvres d’intimidation et a dû quitter la Russie. En février 2018, les autorités ont essayé de saisir tous les tirages des revendeurs, et début mai, les supermarchés vendant le journal ont également fait l’objet de pressions. Même quand le dernier tirage est sorti en seulement 2 000 exemplaires, le Service fédéral de sécurité (FSB) a fait le tour de la ville pour les saisir. Le dernier numéro est sorti le 4 avril 2018. Il a été publié dans un contexte difficile, puisque nous n’avions pas de financements, que notre rédacteur en chef était en prison et que nous travaillions sur la base du bénévolat. Tous les journalistes ont fait l’objet d’enquêtes pour différents motifs. L’arrestation d’Igor et les représailles contre le journal sont plusieurs éléments d’un même problème.

Igor est quelqu’un d’actif et d’attentionné. Il est très dynamique et a une volonté de fer. Ces qualités l’ont aidé à réunir une équipe remarquable. D’ailleurs, au journal, nous faisions tous ce que nous aimions le plus, ce pour quoi nous étions doués et ce qui nous intéressait. Nove Kolessa est le bébé d’Igor Roudnikov. Il sélectionnait lui-même les plaisanteries pour la section humour de la quatrième de couverture. Il n’y a pas beaucoup de rédacteurs en chef dans le monde qui sélectionnent soigneusement chaque photo qui sera publiée. Igor a des archives photo remarquables et chaque page du journal était un chef-d’œuvre. Dans sa collection figurent de vieilles photos de Königsberg avant la guerre, et pendant 23 ans, il a écrit des articles sur les personnes qui y ont vécu et ont déambulé dans les rues de la ville. Il rappelle l’histoire de Königsberg, qui est maintenant Kaliningrad, aux habitants.

Notons qu’Igor est le fils d’un pilote de l’armée et qu’il n’est pas né à Kaliningrad, mais en Ukraine. Il n’est pas né ici, mais c’est devenu chez lui. Il est très nostalgique de la vieille ville qui se dressait ici et même des ruines qu’elle était après les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, la ville a été quasiment entièrement reconstruite.

Les personnes qui visitent Kaliningrad et qui souhaitent voir la vieille ville de Königsberg doivent se promener sur l’île de Kneiphof, également connue sous le nom de l’île de Kant. C’est là qu’est enterré le grand philosophe Emmanuel Kant, dans la « Crypte des professeurs », dans la cathédrale de la ville, un des rares bâtiments de l’ancienne ville. D’ailleurs, l’île de Kant se trouve à côté de l’île sur laquelle des matchs de la Coupe du monde se joueront.

Vous pouvez également venir admirer le bâtiment situé au 17 rue Tcherniakhovski, où se trouve la rédaction de notre journal. Le bâtiment a été construit au début du XXe siècle et a été utilisé pour loger les officiers du régiment des cuirassiers, le plus ancien de Prusse-Orientale. Igor a passé beaucoup de temps à se battre pour que le bâtiment bénéficie du statut de monument architectural et a investi beaucoup d’argent dans la restauration du plâtrage. Une lampe au gaz a même été installée devant l’entrée. Bien que les temps soient difficiles, le panneau avec le nom du journal Nove Kolessa est toujours affiché sur le bâtiment.

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