Aux côtés des réfugiés au lendemain des attentats de Paris

La solidarité envers tous ceux qui fuient la violence aveugle compte plus que jamais, déclare Jean-François Dubost, responsable des questions sur les réfugiés et les migrants à Amnesty France.

« J’espère que vos proches sont en sécurité », ainsi se termine le message de ma collègue. Nous sommes en contact au sujet des militants d’Amnesty qui exposent aux fans lors des concerts de U2 à Paris les raisons pour lesquelles l’Europe doit accueillir plus de réfugiés.

En lisant ces mots, je comprends instantanément qu’il se passe quelque chose. Un terrible sentiment de déjà-vu s’empare de mon esprit – je repense à l’attentat contre le magazine satirique Charlie Hebdo en janvier.

Rapidement, je découvre que de nombreuses personnes viennent d’être tuées lors d’attentats perpétrés simultanément dans Paris – le bilan grimpe au cours du week-end pour atteindre 130 morts.

Mon premier réflexe est de contacter nos équipes militantes. Au moins un concert de U2 est annulé et tous nos projets sont mis en attente. Je parcours rapidement les infos, tentant de saisir l’horreur de la situation.

Je prends conscience que les réfugiés que nous nous efforçons de protéger vont eux aussi souffrir du fait de ces attentats. Il ne faut pas longtemps pour que les responsables politiques me donnent raison. Certains qualifient les réfugiés et les migrants d’« indésirables », allant même jusqu’à affirmer qu’il faut tous les renvoyer, quels que soient les dangers.

Un faux passeport syrien est bientôt retrouvé sur l’une des scènes de crime, et vient alimenter les spéculations selon lesquelles l’auteur aurait gagné l’Europe par bateau en passant par les îles grecques.

Les médias se demandent déjà si ces attentats vont changer la politique de l’UE en matière d’accueil des réfugiés.

Aujourd'hui, nous partageons tous le même but : vivre, en sécurité et librement.

Jean-François Dubost

Deux fois plus vulnérables

De retour dans les rues de Paris, dans les transports publics, la tension est palpable – lien ténu qui m’unit aux gens autour de moi. Je me sens fragile, vulnérable.

Je ne peux m’empêcher de penser que les réfugiés, malgré leur détermination à survivre et à protéger leurs proches, comptent parmi les plus vulnérables d’entre nous. Désormais, ils le seront doublement. Vulnérables parce qu’ils ont été contraints de fuir, parfois en affrontant des dangers inimaginables, se lançant dans de dangereux périples pour se mettre en sécurité à l’étranger. Et vulnérables parce qu’ils seront désormais soupçonnés d’être eux-mêmes un danger.

C’est pourquoi nous devons faire en sorte que les réfugiés ne soient pas doublement persécutés : dans leur propre pays, où certains ont connu les mêmes menaces que celles qui planent sur nous, et après ces attentats.

C’est notre message principal, et il est rapidement relayé sur les réseaux sociaux, désamorçant le ressentiment et faisant barrage aux conclusions hâtives que tirent ceux qui associent les réfugiés aux auteurs des attaques.

Nous avons mêlé notre voix à celles qui s’en tiennent aux simples faits : les réfugiés ont besoin de protection, aujourd’hui plus que jamais.

Les médias relatent que la peur des réfugiés grandit, et en exposent les possibles conséquences. Ils interviewent des réfugiés, particulièrement à Calais, qui expriment leur solidarité avec le peuple de France et prennent position contre les assaillants. D’autres racontent à quel point cette triste situation leur rappelle la Syrie.

Notre travail entamé il y a plusieurs mois pour inciter les villes et les villages français à accueillir davantage de réfugiés semble plus important que jamais. Soudain, nous en comprenons toute la fragilité, face à ces événements violents et aux réactions négatives qu’ils suscitent.

Une femme allume une bougie lors d'un rassemblement spontané en hommage aux victimes des attenats du 13 novembre à Paris. 14 novembre 2015. © Pierre Suu/Getty Images
Une femme allume une bougie lors d’un rassemblement spontané en hommage aux victimes des attenats du 13 novembre à Paris. 14 novembre 2015. © Pierre Suu/Getty Images

Vivre sans avoir peur

Aujourd’hui, il est capital d’expliquer pourquoi des hommes, des femmes et des enfants arrivent à nos frontières. Plus que des discours, des débats et des manifestations, nous devons simplement mettre en lumière la réalité de leur vie, leurs périples, leurs aspirations.

Leurs histoires nous ramènent à ce qui compte réellement et à ce que nous voulons : des choses simples comme pouvoir se promener sans avoir peur, prendre les transports publics en toute sécurité, vivre en sécurité.

En relevant le défi de ces jours sombres, en prenant position contre toute cette peur, nous pouvons transmettre un message simple : les réfugiés sont comme nous.

Ils jouissaient eux aussi du confort d’une vie normale, d’une famille, d’une maison. Les violences et les conflits ont fait de leur vie un sujet d’actualité, qui a fini par atteindre nos frontières. Aujourd’hui, nous partageons tous le même but : vivre, en sécurité et librement.

Il nous faut relever un double défi : assurer la sécurité des citoyens, tout en accueillant beaucoup plus de réfugiés. Il nous faut démontrer que les deux ne s’excluent pas mutuellement : ce sont les deux facettes d’un même problème.

Pour y parvenir, nous devons être unis et solidaires. Ensemble, nous montrerons aux marchands de peur que nous sommes aux côtés de tous ceux qui subissent une violence aveugle – y compris les réfugiés.