Niger: Exécutions et disparitions forcés suite à des représailles menées par l’armée

Amnesty International est très préoccupée par la nouvelle vague d’exécutions extrajudiciaires commises par l’armée nigérienne dans la région d’Agadez qui est secouée depuis plus d’un an par une rébellion menée par un groupe d’opposition armé, le Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ).

« Nous lançons un appel urgent aux autorités nigériennes afin que celles-ci donnent immédiatement l’ordre aux forces de sécurité de mettre un terme aux exécutions extrajudiciaires et aux disparitions forcées de civils dans le nord du pays. Le gouvernement doit ouvrir des enquêtes sur ces faits,  traduire en justice les responsables de ces actes et fournir réparation aux parents de ces victimes », affirme aujourd’hui Véronique Aubert, directrice adjointe du Programme Afrique.   Au moins huit civils ont été arbitrairement exécutés entre le 22 et le 25 mars 2008 suite à des accrochages entre le MNJ et l’armée nigérienne. Dans le cadre de ces affrontements, des militaires ont été tués et plusieurs véhicules de l’armée ont sauté sur des mines. Suite à ces pertes humaines et matérielles, l’armée a lancé une opération de représailles contre la population, exécutant et arrêtant des civils et s’en prenant aux biens de la population.

Amnesty International a appris qu’à une occasion, le 26 mars 2008, sur l’axe Dabaga-El Meki, des militaires ont contraint un civil à les précéder dans son véhicule sur la route afin de protéger le convoi militaire contre d’éventuelles mines antipersonnel. En dépit de cela, le véhicule militaire n’a pas pu éviter une mine et le véhicule a été endommagé. Le chauffeur ainsi que les deux passagers du véhicule civil qui était en tête du convoi ont été frappés par les militaires qui les ont accusés de les avoir entraînés dans un guet-apens. Le convoi a repris la route et quelque temps plus tard, le véhicule civil a sauté sur une autre mine. Les militaires ont alors soigné les blessés et les ont conduits à un dispensaire médical.

Hada Baregha, un éleveur âgé de soixante-sept ans, revenait ainsi des pâturages avec ses ânes, le 25 mars 2008, quand il a été tué de manière extra judiciaire par des militaires, dans la ville de Dabaga (région d’Agadez).

Un autre civil a été torturé avant d’être tué. Un commerçant, Aboubakar Attoulèle, surnommé Kouzaba, a été arrêté par des militaires le 26 mars 2008. Selon les informations reçues par Amnesty International, cet homme a eu les oreilles coupées, la tête et les cheveux brûlés avant d’être poignardé.

Un autre civil a été durement frappé avant d’être abattu. Mohamed El Moctar, un jardinier âgé de soixante-six ans, a été arrêté dans son campement situé à Tabouhait, le 24 mars. Des militaires l’ont frappé à coups de crosse de fusil avant de l’abattre. Trois autres personnes, au moins, ont été tuées par balles dont deux le 22 mars 2008 dans le village de Tamazalak.

« Si les forces de sécurité ont le droit de répondre de manière légitime et proportionnée à des attaques armées, elles ne peuvent pas s’en prendre de manière aveugle à des populations sans défense », affirme aujourd’hui Véronique Aubert, directrice adjointe du Programme Afrique.

Par ailleurs, ces exécutions extrajudiciaires constituent une violation de l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui précise que : « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie. » Il ne peut être dérogé à ce droit en aucune circonstance même en cas d’état d’urgence, qui est actuellement en vigueur dans la région d’Agadez.

Amnesty International a également eu connaissance de plusieurs cas de disparitions forcées et d’arrestations. Quatre personnes dont Al Wali, chef de village de Tourayat, ont été enlevées le 30 mars par les militaires et, en dépit de leurs recherches, les familles n’ont pu obtenir aucune nouvelle de leurs proches « disparus » depuis lors.

Les militaires s’en sont également pris aux biens de la population en brûlant des maisons et des campements, notamment à Dabaga et à Tamazalak. Les habitants de ces deux villages ont fui pour se réfugier à Agadez. D’autres villageois sont partis dans les montages afin d’éviter les axes routiers où les militaires procèdent à des interpellations.

Amnesty International a également appris que des élus de la région de Dabaga ont reçu des menaces de la part des militaires qui leur reprochaient d’avoir communiqué des informations relatives aux exactions commises par l’armée.

L’organisation s’inquiète également du recours à des mines dans le cadre de ce conflit qui oppose, depuis février 2007, les forces de sécurité nigériennes et les éléments armés du MNJ. Chacune des deux parties rejette sur l’autre la responsabilité de ces mines qui ont déjà fait de nombreuses victimes civiles et militaires. Amnesty International appelle les deux parties à mettre immédiatement un terme à l’utilisation de mines antipersonnel qui constituent un danger permanent pour toutes les personnes qui se déplacent, y compris les civils, qui risquent de perdre la vie ou un membre en marchant dessus.