Soudan : les observateurs des élections doivent surveiller les droits humains

Les observateurs internationaux déployés au Soudan à l’occasion des élections présidentielles et législatives d’avril doivent accorder une place centrale à la surveillance des droits humains dans leur mission, a déclaré Amnesty International vendredi 19 mars. L’organisation a indiqué redouter une augmentation des manœuvres de harcèlement, des arrestations arbitraires, des détentions, de la torture ou d’autres formes de mauvais traitements de la part du Service national de la sûreté et du renseignement de l’État. Les membres de ce service disposent de pouvoirs étendus en matière d’arrestation, de détention, de fouille et de saisie, et jouissent de l’impunité pour toutes les opérations menées dans l’exercice de leurs fonctions. « Nous craignons que ces pouvoirs ne soient utilisés pour intimider, arrêter et incarcérer des candidats de l’opposition, des électeurs et des défenseurs des droits humains avant, pendant et après le scrutin », a déclaré Véronique Aubert, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International. Les 7 et 14 décembre 2009, les forces de sécurité soudanaises ont violemment réprimé des manifestations politiques et ont procédé à l’arrestation de plus de 200 personnes, parmi lesquelles des dirigeants de l’opposition et des militants des droits humains qui s’étaient rassemblés devant le Parlement, à Khartoum. Amnesty International a publié un document d’information en 12 points à l’attention des observateurs électoraux dans lequel elle les engage à évaluer si les candidats, leurs sympathisants et les électeurs sont bien protégés contre les violations de leurs droits. L’organisation a demandé aux observateurs de porter une attention particulière aux violences et menaces visant les sympathisants présumés des partis de l’opposition dans les bureaux de vote, et aux autorités d’intervenir immédiatement pour mettre fin à ces agissements. « La mission des observateurs est certes de surveiller le déroulement du scrutin, mais il faut aussi absolument qu’ils exhortent les autorités à mettre fin à toutes les violations des droits humains qu’ils auront constatées ou qui leur auront été signalées », a expliqué Véronique Aubert. À la suite d’informations selon lesquelles des réunions et rassemblements de partis politiques auraient été perturbés par des agents du Service national de la sûreté et du renseignement, Amnesty International a recommandé aux observateurs de surveiller le comportement des membres de ce service et des policiers afin de s’assurer qu’ils ne commettent pas d’atteintes aux droits fondamentaux. « Le Soudan est soumis à des pressions de plus en plus fortes le poussant à organiser des élections sans violence ni insécurité, ne s’accompagnant d’aucune violation des droits humains, a déclaré Véronique Aubert. En cette période cruciale, il est d’une importance vitale que tous ceux qui participent aux élections (le gouvernement, les candidats et leurs sympathisants) respectent, protègent et promeuvent les droits humains. « Il est indispensable que les personnes aient la possibilité d’exercer leurs droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique, d’association et de mouvement pour que tout un chacun puisse prendre part au processus électoral sans craindre les intimidations ni les représailles. »   Les élections d’avril sont les premières élections législatives et présidentielles organisées au Soudan depuis 1986. Le président en exercice, Omar Hassan el Béchir, s’est emparé du pouvoir au cours d’un coup d’État en 1989. La guerre civile qui faisait alors rage entre le nord et le sud du pays a empêché les électeurs de nombre de circonscriptions du Soudan occidental et de l’État du Nil bleu d’aller voter lors des élections de 2000 remportées par Omar el Béchir. L’Union européenne a mobilisé 130 observateurs électoraux, dont le déploiement a débuté fin février. La Fondation Carter, organisation non gouvernementale créée par l’ancien président américain Jimmy Carter, a envoyé 60 observateurs, et la Ligue arabe compte en envoyer 50. Le scrutin sera également surveillé par des groupes issus de la société civile soudanaise. Ces élections se déroulent dans un contexte d’atteintes aux droits humains persistantes et systématiques commises par les autorités et des groupes armés. Par ailleurs, le président el Béchir continue de se soustraire à la justice à la suite du mandat d’arrêt décerné à son encontre par la Cour pénale internationale (CPI) en mars 2009 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour.