Présentation générale

L’avortement est un acte médical qui met fin à une grossesse. Il s’agit d’un soin de santé de base pour des millions de femmes, de jeunes filles et d’autres personnes qui peuvent tomber enceintes. On estime qu’une grossesse sur quatre à travers le monde se termine par un avortement chaque année.

Pourtant, alors que la nécessité de se faire avorter est courante, l’accès à des services d’avortement sûrs et légaux est loin d’être garanti aux personnes qui pourraient en avoir besoin.

En fait, l’accès à l’avortement est l’un des sujets les plus controversés dans le monde. Le débat autour de cette question est brouillé par de fausses informations sur les véritables conséquences de la restriction de l’accès à ce service médical de base.

Voici les informations essentielles au sujet de l’avortement que chacun·e devrait connaître.

Repères

1 grossesse sur 4
se termine par un avortement chaque année
25 millions
d’avortements dangereux sont pratiqués chaque année

Voici les informations essentielles au sujet de l’avortement que chacun·e devrait connaître

Des avortements sont toujours pratiqués, quoi qu’en dise la loi

Mettre fin à une grossesse est une décision courante que prennent des millions de personnes. Chaque année, un quart des grossesses se terminent par un avortement.

Que l’avortement soit légal ou non, les services d’avortement sont toujours nécessaires et des personnes y accèdent régulièrement. D’après l’Institut Guttmacher, le taux d’avortement s’élève à 37 pour 1 000 personnes dans les pays qui interdisent entièrement l’avortement ou ne l’autorisent que dans certaines circonstances pour sauver la vie d’une femme, et à 34 pour 1 000 personnes dans les pays qui autorisent largement l’avortement, une différence négligeable du point de vue statistique.

Lorsqu’ils sont pratiqués par un professionnel de santé qualifié dans de bonnes conditions d’hygiène, les avortements sont les actes médicaux les plus sûrs disponibles ; ils sont même plus sûrs qu’un accouchement.

Mais quand les gouvernements restreignent l’accès aux avortements, les personnes sont contraintes de recourir à des avortements clandestins et dangereux, en particulier celles qui n’ont pas les moyens de se rendre à l’étranger ou de se faire soigner dans un établissement privé. Ce qui nous amène au point suivant.

La criminalisation de l’avortement ne fait pas disparaître ces actes médicaux, il les rend juste plus dangereux

Ce n’est pas parce que l’on empêche des femmes et des jeunes filles d’avorter qu’elles n’ont plus besoin de cette intervention. C’est la raison pour laquelle les tentatives d’interdiction ou de restriction des avortements ne font pas baisser leur nombre. Elles ne font que contraindre des personnes à se faire avorter dans des conditions dangereuses.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit un avortement dangereux comme « un acte destiné à mettre fin à une grossesse effectué par des personnes ne disposant pas des qualifications adéquates ou bien se déroulant dans un environnement non conforme aux normes médicales minimales, ou encore dans ces deux circonstances ».

Elle estime que 22 millions d’avortements dangereux sont pratiqués chaque année, pour la grande majorité d’entre eux dans des pays en développement.

Contrairement à un avortement légal réalisé par un professionnel de santé qualifié, les avortements dangereux peuvent avoir des conséquences mortelles, à tel point qu’ils sont la troisième cause de mortalité maternelle à travers le monde et qu’ils entraînent cinq millions de handicaps facilement évitables, d’après l’OMS.

Une manifestante peint un slogan sur la chaussée en faveur d’un accès sûr, gratuit et légal à l’avortement, lors d’un rassemblement devant le Congrès national à Buenos Aires, le 10 avril 2018.

Presque toutes les morts et lésions dues à des avortements dangereux auraient pu être évitées

Les morts et les lésions dues à des avortements dangereux auraient pu être évitées. Pourtant, ce type de décès est courant dans les pays où le recours à l’avortement sécurisé est limité ou complètement interdit, puisque la majorité des femmes et des jeunes filles qui ont besoin d’un avortement en raison d’une grossesse non désirée ne peuvent pas y accéder légalement.

Dans les pays où des restrictions sont appliquées, la loi prévoit généralement des exceptions précises à la législation qui érige l’avortement en infraction. Ces exceptions peuvent être les suivantes : lorsque la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste, en cas de malformation fœtale mortelle ou lorsque la vie ou la santé de la personne enceinte est en danger. Comme elles ne concernent qu’une faible part des avortements, la majorité des femmes et des jeunes filles soumises à ces lois pourraient être contraintes de subir des avortements dangereux et de mettre leur santé et leur vie en danger.

Les personnes qui sont déjà marginalisées sont affectées de manière disproportionnée par ces lois, car elles n’ont pas les moyens de recourir à des services sûrs et légaux dans un autre pays ou d’accéder à des soins privés. Il s’agit notamment des femmes et des jeunes filles ayant de faibles revenus, des réfugiées et migrantes, des adolescentes, des lesbiennes, des femmes et des jeunes filles cisgenres bisexuelles, des personnes transgenres ou qui ne se conforment pas à la norme de leur genre, ainsi que des femmes indigènes ou issues de minorités.

L’OMS a fait observer que, pour éviter les lésions et décès liés à la maternité, l’une des premières mesures que doivent prendre les États est de faire en sorte que les personnes puissent avoir accès à l’éducation sexuelle, bénéficier d’une contraception efficace, se faire avorter de manière sûre et légale et être soignées à temps en cas de complications.

Il est prouvé que les taux d’avortement sont plus élevés dans les pays où l’accès à la contraception est limité. Les taux d’avortement sont plus faibles lorsque les personnes, en particulier les adolescent·e·s, ont accès à des méthodes de contraception modernes, lorsqu’elles jouissent d’une éducation sexuelle complète et lorsqu’elles ont accès à des services d’avortement sûrs et légaux pour divers motifs.

De nombreux pays commencent à modifier leurs lois pour faciliter l’accès à l’avortement

Ces 60 dernières années, plus de 30 pays ont modifié leur législation pour faciliter l’accès à l’avortement, en reconnaissant parfois le rôle vital de l’accès à un avortement sûr pour protéger la vie et la santé des femmes. L’Irlande est venue s’ajouter à cette liste le 25 mai 2018 après que ses citoyen·ne·s ont voté massivement en faveur de l’abrogation de l’interdiction presque totale de l’avortement par la Constitution dans le cadre d’un référendum attendu de longue date.

Si de nombreux États modifient leur législation pour empêcher des morts et des lésions, d’autres, comme le Nicaragua et le Salvador, maintiennent des lois draconiennes et discriminatoires qui interdisent l’avortement en toutes circonstances ou presque. En fait, d’après l’OMS, 40 % de l’ensemble des femmes en âge de procréer vivent dans des pays régis par des lois extrêmement restrictives en matière d’avortement, ou dans des pays où l’avortement est légal, mais ni disponible ni accessible. Dans ces États, l’avortement est interdit ou autorisé uniquement dans des circonstances très restreintes ou, s’il est légal, il n’est pas accessible car, en pratique, son accès est entravé par de nombreux obstacles.

Même dans les États où l’avortement légal est plus accessible, les personnes enceintes qui souhaitent en bénéficier peuvent toujours se heurter à de nombreuses restrictions et barrières, comme le coût de l’acte médical, des entretiens préalables faussés ou des périodes d’attente obligatoires. L’OMS a publié des directives techniques destinées aux États sur le besoin d’identifier et de supprimer ces obstacles. 

Des manifestant·e·s défilent avec des pancartes et des bougies en mémoire de Savita Halappanavar et en faveur d’une réforme de la législation sur l’avortement lors d’une marche entre le Garden of Remembrance et le Parlement irlandais, à Dublin, le 17 novembre 2012.

La criminalisation et la restriction de l’avortement empêchent les médecins de prodiguer des soins de base

La criminalisation de l’avortement et les lois restrictives en la matière empêchent les personnels médicaux de faire correctement leur travail et de proposer à leurs patient·e·s les meilleurs soins possible, conformément aux bonnes pratiques médicales et à leur responsabilité déontologique.

La criminalisation a un « effet dissuasif », c’est-à-dire qu’il arrive que les professionnels de santé ne comprennent pas les limites de la loi ou appliquent les restrictions de manière plus stricte que ce que prévoit la législation. Cette attitude peut s’expliquer par diverses raisons, notamment des convictions personnelles, des préjugés sur l’avortement, des stéréotypes négatifs sur les femmes et les jeunes filles ou la crainte de faire l’objet de poursuites pénales.

Cela dissuade également les femmes et les jeunes filles de se faire soigner après un avortement en cas de complications dues à un avortement dangereux ou en raison d’autres complications liées à la grossesse.

Claire Malone, une jeune femme irlandaise qui avait déjà deux enfants, a livré à la section irlandaise d’Amnesty International son témoignage poignant. Elle a raconté comment son droit à la santé a été bafoué lorsqu’elle n’a pas pu accéder à un avortement en raison de la législation stricte en vigueur dans son pays.

Elle souffre de plusieurs problèmes de santé complexes qui mettent sa vie en danger, notamment d’atrésie pulmonaire et d’hypertension pulmonaire, et a dû se faire retirer un poumon en 2014. Lorsqu’une femme atteinte d’hypertension pulmonaire tombe enceinte, le risque est très élevé que sa maladie s’aggrave ou qu’elle décède pendant sa grossesse. Claire le sait, et c’est la raison pour laquelle elle a souhaité y mettre un terme. Pourtant, sa demande a été rejetée par ses médecins car la loi les empêchait de pratiquer cet acte.

« Mes docteurs ont répondu qu’ils ne pouvaient pas me proposer d’interruption de grossesse car ma vie n’était pas en danger à ce moment-là, et c’est tout. Je sais qu’ils sont tenus par la loi. Mais j’avais la sensation de devoir attendre que ma santé se dégrade au point de risquer de perdre la vie, et qu’alors il serait trop tard. Pourquoi un risque, déjà très élevé, pour ma santé n’était-il pas suffisant ? Que devais-je endurer avant que mes médecins ne soient autorisés à me prodiguer des soins ? »

Les femmes et les jeunes filles cisgenres ne sont pas les seules à avoir besoin d’avortements

Les femmes et les jeunes filles cisgenres (c’est-à-dire des femmes et des filles qui se sont vu attribuer le sexe féminin à leur naissance) ne sont pas les seules à pouvoir être amenées à se faire avorter. Des personnes intersexes, des hommes et des garçons transgenres et des personnes ayant d’autres identités de genre, qui peuvent être physiologiquement aptes à être enceintes, peuvent aussi avoir besoin d’accéder à ces services.

La difficulté d’accès aux soins médicaux constitue l’un des principaux obstacles à l’avortement pour ces personnes et ces groupes. De plus, même les personnes qui ont accès à ces soins peuvent être confrontées à des préjugés et des opinions tendancieuses sur leur prise en charge médicale, et certaines personnes peuvent supposer qu’elles n’ont pas besoin d’accéder à la contraception ou à des informations et services liés à l’avortement. Dans certains contextes, 28 % des personnes transgenres et qui ne se conforment pas à la norme de leur genre déclarent avoir été victimes de harcèlement dans le milieu médical, et 19 % d’entre elles affirment que des soins médicaux leur ont été totalement refusés en raison de leur statut de personne transgenre. Parmi les populations de couleur, ces chiffres sont encore plus élevés. De nombreux facteurs entremêlés sont à l’origine de cet état de fait, notamment la pauvreté, la couleur de peau et les discriminations croisées qui leur sont associées.

Les personnes qui défendent les droits sexuels et reproductifs ainsi que les droits des LGBTI font campagne pour sensibiliser le public à cette question et pour rendre les services d’avortement disponibles, accessibles et ouverts à toute personne qui en a besoin, sans aucune discrimination.

Teodora Vasquez enlace sa famille et ses ami·e·s après avoir été libérée du centre de réadaptation pour femmes d’Ilopango, au Salvador, le 15 février 2018, où elle purgeait une peine d’emprisonnement depuis 2008. Cette peine avait été prononcée en vertu de lois anti-avortement draconiennes après que Teodora Vasquez eut fait une fausse couche.

La criminalisation de l’avortement est une forme de discrimination, qui ne fait qu’alimenter les préjugés

Tout d’abord, la privation de services médicaux, en particulier pour les services de santé reproductive, dont seulement certaines personnes ont besoin, est une forme de discrimination.

Le Comité des Nations unies chargé de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ne cesse d’affirmer que les lois restrictives en matière d’avortement s’apparentent à une discrimination contre les femmes. Cela s’applique à toutes les femmes et à toutes les personnes qui peuvent tomber enceintes, puisque le Comité a confirmé que les protections inscrites dans la Convention, de même que les obligations y afférentes des États, s’appliquaient à toutes les femmes et, par conséquent, qu’elles visaient d’autant plus la discrimination contre les femmes lesbiennes, bisexuelles ou transgenres en raison des formes particulières de discrimination sexiste qu’elles subissent.

De plus, la réprobation sociale associée à l’avortement et les préjugés liés au genre sont étroitement liés à la criminalisation de l’avortement et aux autres lois et politiques restrictives dans ce domaine.

La simple idée selon laquelle l’avortement est illégal ou immoral entraîne la stigmatisation des femmes et des jeunes filles par le personnel médical, les membres de leur famille et le système judiciaire, entre autres. En conséquence, celles qui cherchent à avorter s’exposent à la discrimination et au harcèlement. Certaines femmes ont indiqué avoir été maltraitées et humiliées par des professionnels de santé lorsqu’elles ont voulu se faire avorter ou se faire soigner après leur avortement.

L’accès à l’avortement sans danger relève des droits humains

L’accès à des services d’avortement sûrs est un droit fondamental. Aux termes du droit international relatif aux droits humains, chacun·e a droit à la vie, à la santé, ainsi qu’à ne pas subir de violences, de discrimination, de torture ou de traitements cruels, inhumains et dégradants.

Le droit relatif aux droits humains énonce clairement que les décisions relatives au corps de chacun·e appartiennent à chacun·e – c’est ce que l’on appelle l’autonomie corporelle.

Forcer une personne à poursuivre une grossesse non désirée ou la forcer à se faire avorter dans des conditions dangereuses constitue une atteinte à ses droits humains, notamment à ses droits à la vie privée et à l’autonomie corporelle.

Dans de nombreuses circonstances, les personnes qui n’ont pas d’autre choix que de recourir à des avortements dangereux s’exposent à des poursuites et à des sanctions, notamment à des peines de prison, ainsi qu’à des traitements cruels, inhumains et dégradants, à des discriminations lors de soins vitaux après leur avortement ou à l’impossibilité de bénéficier de tels soins.

Par conséquent, l’accès à l’avortement est fondamentalement lié à la protection et au respect des droits humains des femmes, des jeunes filles et des autres personnes qui peuvent tomber enceintes, et donc essentiel pour obtenir la justice sociale et entre les genres.

Amnesty International estime que chacun·e doit être libre d’exercer son autonomie corporelle et de prendre ses propres décisions concernant sa vie reproductive, et en particulier de décider à quel moment avoir des enfants, si on le souhaite. Il est essentiel que les lois relatives à l’avortement respectent, protègent et mettent en œuvre les droits humains des personnes enceintes et ne les contraignent pas à se faire avorter dans des conditions dangereuses.