Turkménistan 2024
Les droits à la liberté d’expression et d’association restaient sévèrement restreints dans un contexte où les autorités entendaient contrôler la circulation de l’information, étouffer la société civile et punir toute forme d’opposition, y compris pacifique, dans le pays et à l’étranger. Les femmes, les filles et les personnes LGBTI étaient en butte à des restrictions arbitraires de leurs droits, de leurs libertés et du droit de disposer de leur corps. Des cas de travail forcé imposé par l’État pour la récolte du coton ont de nouveau été signalés. Aucune véritable action n’a été entreprise pour lutter contre le changement climatique.
Contexte
Le Turkménistan restait de fait fermé aux ONG internationales de défense des droits humains, aux mécanismes spéciaux des Nations unies et aux médias indépendants. Cette situation, associée à la censure appliquée dans le pays, entravait fortement la surveillance internationale et la collecte d’informations.
Liberté d’expression
L’État contrôlait la circulation des informations et censurait celles qui traitaient de sujets problématiques, tels que les difficultés économiques, et il limitait strictement l’accès à Internet. Des centaines de milliers de domaines, notamment des sites commerciaux, d’information et de réseaux sociaux, étaient bloqués. L’accès à Internet restait l’un des plus lents et des plus chers au monde. La pénétration demeurait faible au regard des normes internationales, au détriment des populations rurales et en particulier des femmes.
Les services de sécurité surveillaient les réseaux privés virtuels, interdits dans le pays, et en bloquaient régulièrement l’utilisation. Les utilisateurs et utilisatrices qui s’efforçaient de contourner les contrôles des autorités étaient la cible d’actes d’intimidation, se voyaient infliger des amendes ou même étaient placés en détention.
Répression de la dissidence
Les organisations et militant·e·s turkmènes de la société civile ne pouvaient pas agir librement ni en toute indépendance. Les hommes et les femmes qui, dans le pays ou à l’étranger, s’opposaient pacifiquement aux autorités ou voulaient exprimer publiquement des points de vue critiques s’exposaient à des représailles, notamment à l’emprisonnement. Le défenseur des droits humains Mansur Mingelov et le blogueur Murat Dushemov purgeaient toujours leur peine dans des colonies pénitentiaires de la région de Lebap, dans l’est du pays. Les allégations de torture et d’autres mauvais traitements en détention formulées par ces deux hommes n’avaient toujours pas fait l’objet d’une enquête de la part des autorités. Déclarés coupables de chefs prononcés pour des motifs politiques, ces hommes avaient été condamnés respectivement à 22 ans et quatre ans d’emprisonnement pour avoir dénoncé des violations des droits humains.
La militante en exil Dursoltan Taganova a été arrêtée à son domicile en Turquie le 6 octobre par la police, qui a indiqué qu’elle représentait une menace pour la sécurité nationale et serait expulsée vers son pays d’origine. La jeune femme a été remise en liberté quelques heures plus tard, mais risquait toujours d’être renvoyée de force au Turkménistan.
Cette année encore, les autorités ont empêché des militant·e·s de la société civile, des journalistes indépendants et des proches de ces personnes de se rendre à l’étranger.
L’avocat indépendant Pygambergeldy Allaberdyev a été arrêté par les services de sécurité à la frontière avec l’Iran, où il entendait se rendre pour recevoir un traitement médical rendu nécessaire par deux ans passés en prison entre 2020 et 2022, à la suite d’une condamnation à caractère politique. Les agents qui l’ont interpellé l’ont informé qu’il faisait l’objet d’une interdiction de quitter le territoire, y compris pour raisons médicales, mais ont refusé de lui présenter une preuve écrite de cette interdiction.
Disparitions forcées
L’opposant Gulgeldy Annaniyazov a été remis en liberté après 16 ans de détention, dont 11 au secret. Il avait été arrêté en 2008 alors qu’il rentrait de Norvège, où il avait obtenu l’asile. On n’en savait en revanche toujours pas plus sur le sort de plus de 100 personnes soumises à une disparition forcée après avoir été arrêtées. Certaines avaient été emprisonnées à la suite d’une tentative présumée de coup d’État contre le président Saparmurat Niyazov en novembre 2002.
Violences faites aux femmes et aux filles
En février, le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a pris note des résultats d’une enquête nationale menée en 2022, qui révélait qu’une femme sur huit avait déjà subi des violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire intime. Le Comité a demandé aux autorités d’adopter « sans plus attendre, une législation définissant et incriminant expressément toutes les formes de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, y compris la violence domestique ». Les autorités n’ont toutefois pas pris de mesures significatives en ce sens.
En vertu de modifications du Code de la famille rendues publiques en mars, les tribunaux devaient désormais privilégier la réconciliation des conjoint·e·s dans les affaires de divorce, même en cas de violences domestiques.
Droits sexuels et reproductifs
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes s’est également déclaré préoccupé par le fait que l’avortement soit érigé en infraction à partir de cinq semaines de gestation, alors même qu’à ce stade la plupart des personnes ignorent qu’elles sont enceintes. Il a demandé aux autorités de modifier la législation en vue « de légaliser l’avortement et de le dépénaliser dans tous les cas », conformément aux lignes directrices de 2022 de l’OMS sur les soins liés à l’avortement.
En octobre, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a recommandé au Turkménistan de faire en sorte que tous les adolescent·e·s « bénéficient d’informations et de services en matière de santé sexuelle et procréative qui respectent la confidentialité et soient adaptés à leurs besoins, dont l’accès à des moyens contraceptifs et à l’avortement sécurisé en cas de besoin ».
Droits des personnes LGBTI
Les relations sexuelles librement consenties entre hommes restaient interdites par la loi. Les personnes LGBTI étaient toujours en butte à des discriminations, des violences et des atteintes aux droits humains généralisées, commises en toute impunité. Les autorités refusaient d’interdire expressément la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et ont affirmé avec force auprès du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes que toutes les personnes bénéficiaient d’une égale protection de la loi contre la violence, le chantage et les actes similaires, indépendamment de leur orientation sexuelle, y compris les personnes LGBTI.
À la suite de la sortie à l’étranger, le 3 juillet, d’un film documentaire sur les violations des droits humains des personnes LGBTI au Turkménistan, des opérations de police auraient été menées contre des personnes soupçonnées d’être lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou intersexes et contre des personnes en contact avec des militant·e·s LGBTI à l’étranger.
Travail forcé
Des cas de travail forcé pendant la récolte du coton ont été signalés cette année encore, bien que le gouvernement se soit montré ces dernières années plus ouvert à la coopération avec l’OIT et ait notamment autorisé l’organisation à se rendre régulièrement dans le pays. Dans un rapport publié en juillet, l’OIT a fait part de sa profonde préoccupation face aux éléments recueillis lors d’une visite en 2023 montrant que le recours au travail forcé, y compris au travail des enfants, persistait.
Droit à un environnement sain
Bien qu’il ait signé l’engagement mondial en faveur de la réduction des émissions de méthane lors de la COP28, en décembre 2023, et qu’il ait accepté de coopérer avec le gouvernement des États-Unis sur la réduction des émissions de méthane, le gouvernement n’a pas apporté de preuves convaincantes qu’il avait fait véritablement le nécessaire pour améliorer la détection des fuites et accélérer la mise en place de mesures correctives. Selon le Global Methane Tracker 2024 de l’Agence internationale de l’énergie, Turkmengaz, l’une des plus grandes compagnies pétrolières et gazières du monde, n’a pris aucun engagement public en vue de la réduction des émissions de méthane.