L’arrêt rendu vendredi 10 février par la Cour constitutionnelle de Saint-Pétersbourg, qui constitue un désaveu relatif de la réglementation draconienne en vigueur en Russie concernant les manifestations, offre une rare lueur d’espoir pour le droit à la liberté de réunion pacifique, a déclaré Amnesty International.
Ildar Dadine est prisonnier d’opinion. C’est la première personne (et pour l’instant la seule) à avoir été emprisonnée au titre de cette réglementation. Statuant sur le recours qu’il avait introduit, la Cour a déclaré que la responsabilité pénale des manifestants ne pouvait être engagée que sur la foi des dommages causés, ou de la menace de causer des dommages, et non en raison du simple fait de participer à un rassemblement pacifique « non autorisé ».
Cet arrêt constitue un mince rayon de lumière dans un contexte sinon bien sombre pour le droit à la liberté de réunion pacifique en Russie.
Denis Krivosheev, directeur adjoint d’Amnesty International pour l’Europe et l’Asie centrale
« Cet arrêt constitue un mince rayon de lumière dans un contexte sinon bien sombre pour le droit à la liberté de réunion pacifique en Russie », a déclaré Denis Krivosheev, directeur adjoint d’Amnesty International pour l’Europe et l’Asie centrale. Il envoie un message fort aux autorités, qui se servent d’une législation draconienne pour persécuter des personnes comme Ildar Dadin, dont le seul tort est d’avoir manifesté sans violence. »
La Cour a également demandé la révision du dossier d’Ildar Dadine. Amnesty International considère ce dernier comme un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exercé pacifiquement ses droits fondamentaux. Les pouvoirs publics doivent procéder sans délai à un réexamen de cette affaire, afin qu’Ildar Dadine soit libéré immédiatement et sans condition.
Cette décision constitue certes un pas dans la bonne direction, mais les lois russes contre les manifestations restent d’une redoutable sévérité.
Denis Krivosheev, directeur adjoint d’Amnesty International pour l’Europe et l’Asie centrale
« Cette décision constitue certes un pas dans la bonne direction, mais les lois russes contre les manifestations restent d’une redoutable sévérité, a déclaré Denis Krivosheev. Nous renouvelons notre appel aux autorités, afin qu’elles libèrent immédiatement et sans condition Ildar Dadine et qu’elles veillent à ce que personne d’autre ne fasse l’objet de poursuites au seul motif qu’il a participé à une manifestation pacifique. »
Complément d’information
Le recours introduit par Ildar Dadine contestait le caractère constitutionnel de l’article 212.1 du Code pénal russe. Adopté en juillet 2014, cet article fait de la violation à répétition (plus de trois fois en l’espace de 180 jours) de la réglementation excessivement sévère de la Russie en matière de rassemblements publics une infraction au Code pénal, passible de cinq ans d’emprisonnement.
Cet article a été invoqué par un tribunal de Moscou pour condamner Ildar Dadine, le 7 décembre 2015, à trois années d’emprisonnement (peine réduite en appel à deux ans et demi d’emprisonnement).
La Cour constitutionnelle n’a pas considéré que l’article en question était contraire à la Constitution, mais elle a estimé que la peine imposée en cas de violation devait être proportionnée à la menace réelle pour l’ordre public que représentait l’infraction. Les tribunaux sont en outre désormais tenus de prouver l’intention criminelle de l’accusé de commettre une infraction.
La Cour a demandé aux législateurs russes d’adapter en conséquence le Code pénal.
Ildar Dadine a commis une première « infraction » en protestant seul de manière non violente contre la condamnation de militants pacifiques ayant participé à la manifestation de la place Bolotnaïa le 7 mai 2012, à Moscou – ce qui lui a valu une première arrestation et une première amende. Depuis, il a été soit condamné à des amendes soit détenu à trois reprises pour des « infractions » similaires.
Dans une lettre envoyée à sa femme et publiée sur un site Internet d’actualités le 1er novembre, Ildar Dadine décrivait les actes de torture et les autres mauvais traitements dont il était l’objet à la colonie pénitentiaire de Segueja (République de Carélie), à quelque 1 200 kilomètres au nord de Moscou. Il disait notamment avoir été roué de coups et menacé de viol. Depuis, Ildar Dadine a été transféré dans une autre colonie pénitentiaire située dans le sud de la Sibérie, à des milliers de kilomètres de son domicile et de sa famille. Cette mesure était manifestement destinée à le punir, pour s’être plaint d’avoir été torturé et, plus généralement, maltraité.