Salvador. La ratification d’une réforme constitutionnelle aggrave le risque de violations des droits humains

L’établissement d’un modèle de pouvoir exécutif sans restriction au Salvador progresse rapidement. La ratification de la réforme de l’Article 248 de la Constitution salvadorienne, le 29 janvier 2025, risque fort de compromettre la protection des droits humains en réduisant considérablement l’espace dévolu au débat, ainsi que la participation des citoyen·ne·s à la prise de décisions importantes pour le pays. Ana Piquer, directrice du programme Amériques d’Amnesty International, a déclaré :

« La ratification de cette réforme constitutionnelle représente un risque inquiétant d’érosion supplémentaire des droits humains au Salvador. En éliminant l’obligation pour les changements constitutionnels d’être approuvés par deux assemblées législatives différentes, le parti au pouvoir se garantit un moyen rapide de modifier la Constitution sans processus délibératif adéquat ni participation des citoyen·ne·s. Dans un contexte où l’indépendance de la justice et le droit à un procès équitable ont été systématiquement battus en brèche, cette mesure pourrait ouvrir la voie à l’instauration de réformes qui fragiliseront encore davantage les droits fondamentaux de la population. »

La ratification de cette réforme constitutionnelle représente un risque inquiétant d’érosion supplémentaire des droits humains au Salvador. (…) Dans un contexte où l’indépendance de la justice et le droit à un procès équitable ont été systématiquement battus en brèche, cette mesure pourrait ouvrir la voie à l’instauration de réformes qui fragiliseront encore davantage les droits fondamentaux de la population

Ana Piquer, directrice du programme Amériques d’Amnesty International

Depuis mai 2021, le parti au pouvoir, qui contrôle totalement le pouvoir législatif, a fait adopter des réformes juridiques qui ont affaibli l’accès à la justice, supprimé des mécanismes d’obligation de rendre des comptes et suspendu, pour plus de 1 000 jours, le respect de certains droits – tels que le droit à un procès équitable et d’autres garanties d’une procédure régulière, dans le cadre d’un régime d’urgence prévoyant des mesures disproportionnées et une série de réformes pénales qui ont abouti à la détention arbitraire de plus de 84 000 personnes.

La suppression de la condition selon laquelle toute réforme de la Constitution doit être aprouvée par deux assemblées législatives exclut la population de processus clés dans l’élaboration du cadre réglementaire du pays et d’autres mesures qui la touchent directement. Cette modification ménage la possibilité que de futures réformes continuent à bafouer les droits humains, favorisant des changements structurels susceptibles de perpétuer l’impunité.

« Les changements constitutionnels doivent découler d’un large consensus et prévoir des mécanismes de contrôle qui permettent à la population d’exercer son droit de participer véritablement à la vie publique. Avec cette réforme, les conditions sont réunies pour que toute modification future réponde uniquement aux intérêts du pouvoir en place, sans qu’aucun débat sérieux et de grande ampleur n’ait lieu, ni que les droits de la population ne soient pris en compte », a ajouté Ana Piquer.

Les changements constitutionnels doivent découler d’un large consensus et prévoir des mécanismes de contrôle qui permettent à la population d’exercer son droit de participer véritablement à la vie publique. Avec cette réforme, les conditions sont réunies pour que toute modification future réponde uniquement aux intérêts du pouvoir en place, sans qu’aucun débat sérieux et de grande ampleur n’ait lieu, ni que les droits de la population ne soient pris en compte

Ana Piquer, directrice du programme Amériques d’Amnesty International

Face à cette situation, il est essentiel que la communauté internationale maintienne un suivi constant de la situation au Salvador et exige de l’État salvadorien qu’il s’abstienne d’adopter la moindre mesure qui menace les droits fondamentaux de la population ou qui compromette les institutions censées les garantir et les protéger.

Voir également : Salvador. Une Constitution « à la carte » pourrait aggraver la crise des droits humains dans les années à venir