En réaction à la première exécution effectuée par les autorités taïwanaises depuis avril 2020, E-Ling Chiu, directrice d’Amnesty International Taïwan, a déclaré :
« Cette exécution relève d’une décision choquante et cruelle. Le ministre de la Justice de Taïwan a, d’un trait de plume, réduit à néant plusieurs années d’efforts acharnés en vue d’abolir la peine de mort. Il s’agit d’un terrible recul pour les droits humains à Taïwan.
« Huang Linkai (黃麟凱) a été exécuté en violation des garanties constitutionnelles et internationales relatives à l’application de la peine de mort, et alors qu’un recours déposé par son avocat pour stopper son exécution était toujours en instance devant les tribunaux – ce qui la rend illégale et arbitraire, en violation du droit à la vie.
« Il est déplorable que son exécution ait eu lieu quelques heures après la notification, sans laisser à la famille la possibilité de lui rendre une dernière visite. La peine de mort est un châtiment cruel et irréversible, et les autorités taïwanaises l’appliquent d’une manière qui témoigne d’un mépris total pour les droits des condamnés.
« Nous demandons instamment au gouvernement taïwanais d’interrompre sur-le-champ tout projet de procéder à d’autres exécutions. Il doit au contraire changer de cap et instaurer un moratoire officiel sur les exécutions, première étape cruciale vers l’abolition de la peine de mort. »
Complément d’information
Le 16 janvier, Cheng Ming-chien (鄭銘謙), ministre taïwanais de la Justice, a annoncé qu’il avait donné son feu vert à l’exécution de Huang Linkai, déclaré coupable de viol et de deux meurtres en 2017.
Le 20 septembre 2024, la Cour constitutionnelle de Taïwan a rendu sa décision sur un recours en inconstitutionnalité relatif à la peine de mort, reconnaissant les graves lacunes qui caractérisent son application. La Cour a renforcé la protection des droits fondamentaux pour les personnes sous le coup d’une telle peine, tout en statuant que la peine de mort était constitutionnelle pour certaines infractions graves telles que le meurtre. Elle a accordé aux autorités un délai de deux ans pour modifier la loi et la mettre en conformité avec ce jugement.
Dans le cadre de sa décision, la Cour a statué que la peine de mort ne pouvait être prononcée qu’à la suite d’un jugement unanime et que cette information devait être divulguée par l’accusation. Au moment où l’exécution de Huang Linkai a été programmée, son avocat n’avait pas reçu d’informations confirmant que la décision dans son cas avait été prise à l’unanimité. En outre, aucune enquête sociale préalable à la condamnation n’avait été réalisée dans cette affaire, ce qui soulève des interrogations quant au respect de la norme fixée par la Cour constitutionnelle selon laquelle les affaires doivent être examinées dans le cadre de la procédure la plus stricte.
L’avocat de Huang Linkai a déposé un recours dans la soirée du 16 janvier, sollicitant un réexamen de ces préoccupations, mais les autorités ont procédé à l’exécution.
La garantie n° 8 des Garanties des Nations unies pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, adoptées par deux organes des Nations unies en 1984 sans vote, énonce que « [l]a peine capitale ne sera pas exécutée pendant une procédure d’appel ou toute autre procédure de recours ou autre pourvoi en vue d’obtenir une grâce ou une commutation de peine ».
La dernière exécution à Taïwan remonte au 1er avril 2020. Au 31 décembre 2023, le pays comptait 45 personnes condamnées à mort, dont 37 étaient sous le coup d’une condamnation définitive et risquaient d’être exécutées à tout moment. À ce jour, 113 pays ont aboli la peine de mort pour toutes les infractions et 144 sont abolitionnistes en droit ou en pratique.
Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation de la personne condamnée, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution.