Amnesty International exhorte les actionnaires de l’entreprise américaine Dow d’envisager de retirer leurs investissements de cette société commercialisant des produits chimiques, si elle ne s’acquitte pas rapidement de ses responsabilités en matière de droits humains à l’égard des plus de 500 000 personnes continuant à souffrir des conséquences de la catastrophe de Bhopal, l’un des pires accidents industriels au monde.
À l’approche de l’assemblée générale annuelle de Dow, qui se tient jeudi 11 avril, Amnesty International a écrit aux principaux actionnaires de l’entreprise, afin de partager avec eux son récent rapport intitulé Bhopal: 40 Years of Injustice et de leur demander d’aider à remédier au non-respect par Dow des normes internationales relatives à la responsabilité des entreprises en matière de droits humains, depuis qu’elle a acheté Union Carbide Corporation en 2001. Union Carbide Corporation était le propriétaire ultime de l’usine de pesticides de la ville indienne de Bhopal au moment de cette fuite de gaz catastrophique en 1984.
Mark Dummett, directeur du programme Responsabilité des entreprises en matière de droits humains à Amnesty International, a déclaré :
« La catastrophe de Bhopal n’appartient pas au passé. Les atteintes aux droits humains résultant de la fuite de gaz et de la contamination du site n’ont pas été résolues et se poursuivent. Les victimes et leurs descendant·e·s attendent toujours une indemnisation juste, un nettoyage rigoureux de leur environnement, une assistance et des soins médicaux adéquats, des sanctions pour tous les responsables, et une réhabilitation économique et sociale complète. »
« Nous avons écrit à plusieurs des principaux investisseurs de Dow pour leur demander de s’engager avec nous et d’exprimer directement à l’entreprise leurs préoccupations concernant les violations persistantes des droits humains à Bhopal. Nous avons demandé aux actionnaires de mettre fin à leur relation avec Dow si cette dernière ne prend pas rapidement des mesures concrètes pour remédier à ces souffrances. »
Nous avons demandé aux actionnaires de mettre fin à leur relation avec Dow si cette dernière ne prend pas rapidement des mesures concrètes pour remédier à ces souffrances
Mark Dummett, directeur du programme Responsabilité des entreprises en matière de droits humains à Amnesty International
« Plus d’un demi-million de personnes continuent de souffrir à divers degrés de blessures permanentes causées par la catastrophe de Bhopal. Celles qui ont survécu à l’exposition initiale présentent souvent des lésions permanentes ou ont développé des maladies chroniques et débilitantes, et certaines ont connu des fausses couches et donné naissance à des enfants souffrant de troubles congénitaux.
L’usine n’a jamais été nettoyée, ce qui a entraîné une contamination croissante des sources d’eau locales par les produits chimiques laissés sur le site, avec des conséquences sanitaires souvent catastrophiques et durables pour les communautés locales.
Parmi les investisseurs de Dow auxquels Amnesty International a écrit figurent Vanguard Group, BlackRock et State Street, des groupes d’investissement ou des institutions financières basés aux États-Unis.
La lettre demande aux investisseurs de veiller à ce que Dow fasse un rapport sur ses responsabilités vis-à-vis de Bhopal, en vertu des principes directeurs des Nations unies, et qu’elle rende publiques ses conclusions dans les plus brefs délais. Amnesty International demande aux investisseurs d’exiger de Dow qu’elle suive les recommandations spécifiques suivantes :
- Accorder une indemnisation supplémentaire aux victimes de Bhopal, à leurs enfants et petits-enfants, afin de couvrir le nombre réel de décès et de blessures causés par cette catastrophe.
- Verser des indemnisations pour les conséquences sanitaires, économiques et sociales négatives de la contamination persistante du site de l’usine et de la nappe phréatique.
- Contribuer de manière suffisante et équitable au financement des travaux de nettoyage du site contaminé de l’usine et des zones environnantes, ainsi qu’au coût de la veille sanitaire et des soins de santé pour la population touchée.
- Divulguer toutes les informations relatives à la fuite de gaz d’isocyanate de méthyle et aux autres substances chimiques libérées, notamment leur toxicité, leur impact à long terme sur la santé de la population et le traitement médical le plus adapté.
Cette lettre fait suite à la demande adressée par Amnesty International aux clients et fournisseurs de Dow dans Bhopal : 40 Years of Injustice, afin de les inciter à envisager de mettre fin à leurs relations commerciales avec l’entreprise si celle-ci ne prend pas rapidement de mesures pour remédier à la situation et prévenir de futurs dommages à Bhopal.
Cette lettre indique que la société Dow est devenue directement liée à l’impact négatif de cette catastrophe sur les droits humains et au manquement persistant au devoir d’y remédier, dès le moment où elle a acquis, en 2001, la société Union Carbide Corporation, qui était le propriétaire de l’usine au moment de la fuite de gaz.
La lettre indique que les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme prévoient clairement que les entreprises doivent user de leur influence afin de prévenir ou d’atténuer des effets négatifs dans toute la mesure du possible. En choisissant de ne pas le faire, et en se défaussant de ses responsabilités en matière de droits humains, Dow ne respecte pas les engagements qu’elle a elle-même pris publiquement concernant les normes internationales relatives aux entreprises et aux droits humains.
Complément d’information
Le 2 décembre 1984 vers minuit, une fuite d’environ 40 tonnes de gaz isocyanate de méthyle (MIC) mortel provenant de l’usine de pesticides de Bhopal, alors propriété de la société américaine Union Carbide Corporation, a rapidement tué des milliers de personnes dans les logements informels situés autour de l’usine. On estime que plus de 22 000 personnes sont mortes prématurément après une exposition directe à ce gaz, et que des décès qui y sont liés continuent de se produire.
Plus de 500 000 personnes ont été blessées ou ont subi des dommages permanents, notamment en raison de l’impact intergénérationnel de l’exposition au MIC sur la santé reproductive, et de la contamination des sources d’eau par les substances chimiques laissées sur le site.