Les autorités de l’Eswatini (ex-Swaziland) doivent veiller à ce que l’homicide illégal de Thulani Maseko fasse l’objet dans les meilleurs délais d’une enquête efficace, approfondie, impartiale et transparente, sans aucune ingérence gouvernementale, a déclaré Amnesty International lundi 23 janvier.
L’homicide illégal de Thulani Maseko, défenseur des droits humains et avocat, illustre la répression croissante des voix critiques en Eswatini.
Cette enquête doit être menée par des instances indépendantes vis-à-vis du gouvernement
Flavia Mwangovya, directrice adjointe pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International
Thulani Maseko a été abattu par des inconnus armés à son domicile de Luyengo, à Mbabane, le 21 janvier. Si le mobile de son assassinat n’a pas encore été établi, Amnesty International a des raisons de penser que cette attaque est liée à son travail de défenseur des droits humains. Thulani Maseko a précédemment été pris pour cible par l’État pour avoir réclamé justice et critiqué l’appareil judiciaire du pays.
« Cette enquête doit être menée par des instances indépendantes vis-à-vis du gouvernement et de l’ensemble des institutions, organes ou personnes susceptibles de faire l’objet d’investigations ou d’être impliqués dans celles-ci. Les conclusions de l’enquête doivent être rendues publiques et permettre de prévenir un déni de justice pour le meurtre de Thulani Maseko », a déclaré Flavia Mwangovya, directrice adjointe pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International.
Le meurtre de sang froid de Thulani Maseko rappelle de manière glaçante que les défenseur·e·s des droits humains, en particulier ceux qui s’expriment haut et fort en faveur d’une réforme politique en Eswatini, ne sont pas en sécurité
Flavia Mwangovya
« Le meurtre de sang froid de Thulani Maseko rappelle de manière glaçante que les défenseur·e·s des droits humains, en particulier ceux qui s’expriment haut et fort en faveur d’une réforme politique en Eswatini, ne sont pas en sécurité. Quand ces personnes ne sont pas persécutées, harcelées ou menacées par l’État, elles risquent la mort. »
« La famille de Thulani Maseko mérite d’obtenir justice. Ses meurtriers doivent être jugés. »
Avant son décès, Thulani Maseko présidait le Multi-Stakeholders Forum, un groupe de partis politiques et d’organisations de la société civile réclamant des réformes démocratiques dans le pays. La monarchie de l’Eswatini est fermement opposée aux réformes et au militantisme politiques. La veille du meurtre de Thulani Maseko, le roi Mswati III aurait déclaré lors d’une allocution publique qu’« on s’occuperait » des personnes appelant de leurs vœux des réformes démocratiques dans le pays.
Le soir du 21 janvier, Thulani Maseko a été abattu à travers la fenêtre de son domicile par des tireurs inconnus se trouvant à faible distance. Ils lui auraient tiré dessus deux fois. Un journal local a également affirmé que deux policiers avaient placé son domicile sous surveillance avant qu’il ne soit tué. Ces policiers seraient les mêmes que ceux qui se sont rendus sur la scène du crime après que Thulani Maseko a été abattu.
Un courageux avocat spécialiste des droits humans
Thulani Maseko était un défenseur des droits humains, avocat et opposant courageux, qui refusait de fermer les yeux sur l’oppression du peuple de l’Eswatini par le gouvernement. Il s’est élevé contre les abus de pouvoir perpétrés par l’État, notamment ce qui est considéré par beaucoup comme une mauvaise gestion des ressources du pays, et a demandé aux autorités de mettre l’accent sur le développement du pays.
En 2014, Thulani Maseko a été condamné à deux ans de prison, aux côtés de Bhekithemba Makhubu, rédacteur en chef chevronné, pour outrage à l’autorité de la justice, après avoir critiqué publiquement ce qu’ils considéraient comme un manque d’indépendance et d’intégrité de la part de l’appareil judiciaire. Amnesty International l’avait adopté comme prisonnier d’opinion.
L’homicide illégal de Thulani Maseko fait suite à une série d’attaques contre des dirigeants de l’opposition et des militants luttant pour la démocratie, qui ont tous défié le roi et réclamé des réformes sur le plan politique depuis 2021, notamment par le biais de manifestations nationales. Face à ces manifestations, le gouvernement a lancé une campagne de répression brutale contre le militantisme en faveur des droits humains. Des politiciens ont été emprisonnés parce qu’ils étaient simplement soupçonnés de s’être joints à des appels en faveur de réformes politiques.
« Thulani Maseko était un pilier de notre combat pour la liberté en Eswatini. Son décès, qui a déjà envoyé un message terrifiant aux militant·e·s luttant pour la démocratie à travers le pays, pourrait être le signe d’une intensification des attaques contre les personnes ouvertement en faveur de réformes politiques », a déclaré Flavia Mwangovya.
« La Communauté de développement de l’Afrique australe et les autorités de l’Eswatini doivent démontrer qu’elles sont prêtes à protéger tout le monde dans le pays, y compris les défenseur·e·s des droits humains, les responsables de l’opposition et les militant·e·s qui luttent pour la démocratie. Personne ne devrait être agressé ni menacé pour avoir simplement formulé des critiques et réclamé des réformes politiques. »