À l’occasion du 55e anniversaire, le 8 août, de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), Amnesty International appelle ce bloc régional à reconnaître l’échec de son plan en cinq points publié en avril 2021 qui visait à faire cesser la violence et la multiplication des violations des droits humains au Myanmar.
« L’ANASE doit faire la preuve qu’elle détient un véritable pouvoir en agissant de façon décisive afin que l’armée myanmar soit amenée à rendre des comptes pour les ignobles violations des droits humains qu’elle a commises. L’armée est depuis des décennies responsable de terribles violences et elle continuera de mépriser la vie et les droits de millions de personnes au Myanmar tant qu’elle ne sera pas amenée à répondre de ses crimes, a déclaré Ming Yu Hah, directrice régionale adjointe pour le travail de campagne à Amnesty International.
« Compte tenu de la poursuite des atrocités – notamment des exécutions précédées de procès iniques, des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture perpétrés par l’armée myanmar – l’ANASE doit de toute urgence adopter une ligne de conduite beaucoup plus ferme afin que les dirigeants de l’armée myanmar mettent fin à la violente répression qu’ils ont déclenchée à la suite du coup d’État de février 2021 et qui s’intensifie. »
Afin de renforcer son message, Amnesty International a projeté les mots « ASEAN: Help stop the bloodshed in Myanmar » (ANASE : agissez pour mettre fin aux effusions de sang au Myanmar) sur le bâtiment du siège de l’ANASE à Djakarta le 8 août.
Depuis février 2021, l’armée myanmar exerce une répression systématique contre les dizaines de milliers de manifestant·e·s pacifiques à travers le pays ; elle a contraint 700 000 personnes à partir de chez elles, tué plus de 2 000 personnes, et arrêté près de 15 000 personnes.
« Si elle souhaite préserver sa crédibilité, l’ANASE doit modifier sa stratégie afin de contribuer à ce qu’il soit mis un terme aux effusions de sang au Myanmar. L’ANASE, collectivement en tant que bloc régional, et ses États membres, individuellement, doivent également insister pour que justice soit rendue et pour que l’obligation de rendre des comptes soit respectée au Myanmar. Il est absolument indispensable que l’ANASE joue un rôle constructif et non un rôle d’obstruction, et qu’elle encourage les autres membres de la communauté internationale à exercer la plus grande pression possible sur l’armée myanmar, a déclaré Ming Yu Hah.
« Nous appelons l’ANASE à demander à l’armée myanmar de prendre immédiatement les mesures qui s’imposent, notamment à libérer toutes les personnes détenues de façon arbitraire. L’ANASE doit également faire le nécessaire pour répondre à d’autres urgences, notamment en s’engageant à ne pas refouler les réfugié·e·s et toutes les autres personnes qui fuient la violence au Myanmar, en facilitant l’aide humanitaire absolument nécessaire, et en joignant sa voix aux appels pour un embargo mondial sur les armes. »
Le bureau d’Amnesty International en Indonésie a été contacté lundi par des organisations de la société civile indonésienne quand le message adressé à l’ANASE a été projeté sur le bâtiment du siège de cette instance à Djakarta.
Lors d’un sommet de l’ANASE qui a eu lieu à Djakarta en 2021, Amnesty International a rappelé à l’Indonésie qu’elle a l’obligation, au titre du droit international, d’enquêter sur le général Min Aung Hlaing et sur les autres dirigeants de l’armée myanmar au sujet des allégations dignes de foi selon lesquelles ils sont responsables de crimes contre l’humanité perpétrés au Myanmar.
« L’armée myanmar a tourné en ridicule le Consensus en cinq points de l’ANASE pour réduire la violence, à la suite du coup d’État militaire de 2021, a déclaré Ming Yu Hah.
« Au lieu de mettre en œuvre cet accord, l’armée myanmar a continué de se livrer à de graves violations des droits humains contre la population qui compte 54 millions d’habitant·e·s. »
Dernier exemple en date des violences et abus infligés à la population du Myanmar : l’armée a exécuté quatre hommes en juillet à la suite de procès iniques – il s’agissait des premières exécutions enregistrées depuis les années 1980 – et l’on dénombrait plus de 70 personnes condamnées à mort à la suite du coup d’État.
Dans les résultats de ses recherches publiées en avril, Amnesty International fait état d’une répression croissante exercée par les pouvoirs publics au Myanmar, qui n’hésitent pas à tirer sur les manifestant·e·s et à les frapper. Des témoins ont dit que des policiers en civil se font passer pour des vendeurs de fruits ou des conducteurs de cyclo-pousse pour espionner les gens et traquer celles et ceux qui osent exprimer des opinions dissidentes. L’armée mène des opérations de représailles contre les militant·e·s, en effectuant des descentes chez eux et en arrêtant leurs proches.
Dans un rapport publié en juillet, Amnesty International a montré que l’armée myanmar commettait des crimes de guerre en plaçant de façon massive des mines terrestres antipersonnel dans les villages et leurs alentours dans l’État kayah (karenni).
Dans un autre rapport publié le 2 août, Amnesty International présente des informations montrant que l’armée myanmar soumet à la torture les personnes détenues, utilisant notamment des violences sexuelles et liées au genre ainsi que la torture psychologique. Les investigations menées par Amnesty International indiquent aussi que l’armée myanmar se livre des disparitions forcées et soumet des personnes détenues à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements dans les centres de détention.