En réaction à une décision de justice entrée en vigueur ce jeudi 23 septembre et ordonnant l’internement psychiatrique d’Alexandre Gabychev, un chamane sibérien qui s’était promis en 2019 de « chasser » le président Vladimir Poutine du Kremlin, Natalia Zviaguina, directrice du bureau d’Amnesty International à Moscou, a déclaré :
« Alexandre Gabychev est devenu un symbole de la résistance populaire au gouvernement toujours plus répressif de Vladimir Poutine, il n’est donc guère surprenant que les autorités ne reculent devant rien pour le faire taire et salir son nom. Une fois de plus, les autorités utilisent les « soins psychiatriques » à titre punitif – une méthode qui a fait ses preuves à l’ère soviétique.
« Il est vraiment consternant de voir à quel point il est facile pour l’État, en usant des puissants moyens répressifs à sa disposition, de détruire la vie d’une personne qui ose exprimer pacifiquement ses opinions et critiquer les autorités.
« Les traitements psychiatriques forcés sont une forme de torture et autres mauvais traitements. Les autorités doivent s’abstenir de recourir à des traitements thérapeutiques non consentis et libérer Alexandre Gabychev immédiatement et sans condition, car il a été condamné à un traitement psychiatrique obligatoire pour une durée indéterminée uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression. L’utilisation de la psychiatrie punitive comme méthode pour réduire au silence les personnes dissidentes doit maintenant cesser. »
Complément d’information
Ce jeudi 23 septembre, Alexandre Gabychev a été débouté en appel et le jugement ordonnant son internement forcé pour une durée indéterminée a été confirmé.
Le 26 juillet, le tribunal municipal de Iakoutsk avait statué qu’Alexandre Gabychev devait être interné pour une durée indéfinie dans un établissement psychiatrique pour y subir un traitement « intensif » obligatoire. Aujourd’hui, la décision de cette juridiction est entrée en vigueur, les avocats d’Alexandre Gabychev n’ayant pas obtenu gain de cause en appel. Le tribunal avait déclaré Alexandre Gabychev « aliéné », dépourvu de capacité juridique et coupable de « recours à la violence contre des policiers » et « d’appel à l’extrémisme ».
En 2019, Alexandre Gabychev a acquis une grande notoriété en parcourant des centaines de kilomètres depuis Iakoutsk en direction de Moscou, après avoir annoncé son intention d’utiliser ses « pouvoirs chamaniques » pour « chasser » le président Vladimir Poutine du Kremlin. En septembre 2019, après environ 3 000 km à pied, soit plus d’un tiers du trajet jusqu’à Moscou, il a été enlevé par la police, déclaré suspect d’« appels publics à l’extrémisme », puis placé dans un hôpital psychiatrique pendant une brève période pour y subir une évaluation. Il a été libéré le surlendemain, mais à nouveau hospitalisé de force en mai 2020 – au motif cette fois qu’il aurait refusé de subir un test de dépistage du COVID-19. Il a été libéré deux mois plus tard grâce au tollé qu’a suscité son internement forcé et à une campagne internationale de solidarité, à laquelle Amnesty International a participé.
En janvier 2021, alors qu’Alexandre Gabychev avait annoncé deux semaines plus tôt son intention d’entamer un nouveau périple vers le Kremlin, 50 policiers ont fait irruption chez lui, l’ont arrêté et l’ont emmené dans un hôpital psychiatrique. Cette fois, il a été inculpé d’« appels à l’extrémisme » et d’« usage de la violence contre des policiers ». Lors de son arrestation, Alexandre Gabychev aurait déchiré l’uniforme d’un policier antiémeute et l’aurait blessé superficiellement au moyen d’un batas, une épée de cérémonie iakoute.