Tunisie. Face à la multiplication des cas de COVID-19, les autorités doivent garantir au plus vite un accès équitable au vaccin

Les autorités tunisiennes doivent de toute urgence garantir à toutes et à tous un accès équitable au vaccin, a déclaré Amnesty International jeudi 15 juillet 2021, tandis que la Tunisie est confrontée à une quatrième vague de la pandémie marquée par une augmentation rapide des contaminations au COVID-19. Les hôpitaux publics sont déjà surchargés, avec un taux d’occupation des lits de plus de 90 % dans les unités de soins intensifs. 

Le système de santé tunisien risque de s’effondrer face à l’explosion du nombre de cas, ce qui montre à quel point le plan de vaccination du gouvernement est insuffisant

Amna Guellali, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International

En Tunisie, la campagne de vaccination a été lancée en mars 2021 mais elle a été compromise par un manque de transparence, des ingérences politiques, des retards dans les livraisons de vaccins et l’absence de prise en considération des vulnérabilités en matière de droits humains dans la détermination des groupes prioritaires. À la date du 13 juillet 2021, la grande majorité des Tunisiens et Tunisiennes n’étaient toujours pas vaccinés, seuls 13% de la population ayant reçu une dose de vaccin et moins de 6 % étant totalement vaccinés avec deux doses.

« Le système de santé tunisien risque de s’effondrer face à l’explosion du nombre de cas, ce qui montre à quel point le plan de vaccination du gouvernement est insuffisant », a déclaré Amna Guellali, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.

« Les autorités n’ont pas déclaré prioritaires certains groupes vulnérables, tels que les personnes de moins de 60 ans atteintes de maladies chroniques, et parallèlement des personnalités politiques se sont fait vacciner avant tout le monde. Le gouvernement tunisien doit immédiatement donner la priorité au droit à la santé en veillant à ce que les personnes les plus vulnérables aient accès au vaccin. »

Deuxième rang mondial en nombre de décès quotidiens

Au moins 16 000 décès liés à la pandémie de COVID-19 ont été enregistrés en Tunisie, soit l’un des taux de mortalité les plus élevés d’Afrique au 13 juillet 2021. À l’heure actuelle, la Tunisie se trouve au deuxième rang mondial en ce qui concerne le nombre de décès confirmés chaque jour par million d’habitant·e·s, après la Namibie.

Si les autorités ont suivi certaines des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en donnant la priorité au personnel de santé et aux personnes de plus de 60 ans, d’autres groupes vulnérables n’ont pas bénéficié de cette priorité. Il s’agit notamment des personnes atteintes de maladies chroniques, des personnes en situation de handicap, des personnes vivant dans la pauvreté, des détenu·e·s et des sans-abris. Ces groupes n’ont souvent pas accès aux services de santé, et sont de ce fait touchés de façon disproportionnée par le COVID-19, avec des risques plus élevés de formes graves et de décès s’ils contractent le virus.

Le gouvernement tunisien a rendu public son plan national de vaccination en janvier 2021, avec l’objectif de vacciner la moitié de la population tunisienne d’ici la fin de l’année. Six mois plus tard, la vaccination a pris beaucoup de retard sur le calendrier prévu en raison de livraisons tardives dues à une pénurie mondiale de vaccins et à l’instabilité gouvernementale. La Tunisie a changé quatre fois de ministre de la Santé depuis le début de la pandémie, et le bras de fer permanent entre le chef du gouvernement et le président de la République a semble-t-il aussi contribué à retarder les précommandes de vaccins.

En avril 2021, il est apparu que plusieurs ministres du gouvernement avaient été vaccinés avant tout le monde alors qu’ils n’étaient pas encore éligibles, ce qui a sapé la confiance du public en l’engagement du gouvernement à garantir une distribution juste et équitable du vaccin et en sa volonté de donner la priorité aux personnes les plus à risques.

En mai et juin 2021, le gouvernement a déclaré prioritaires pour la vaccination les travailleurs et travailleuses des secteurs de l’enseignement primaire et secondaire, du tourisme et de la justice, à la suite de négociations avec les syndicats influents de ces secteurs. Or, les raisons pour lesquelles ces catégories ont été jugées éligibles n’ont pas été rendues publiques, alors même que le ministre de la Santé a mentionné l’existence d’une circulaire gouvernementale définissant l’éligibilité pour chaque liste prioritaire.

Ce manque de transparence soulève d’importantes questions concernant les critères d’éligibilité et la manière dont les décisions sont prises lorsqu’il s’agit de déterminer les groupes prioritaires pour la vaccination. Le gouvernement tunisien n’a jusqu’à présent pas déclaré prioritaires les personnels essentiels fortement exposés à un risque qui travaillent par exemple dans les secteurs du transport et de l’alimentation.

« Les autorités tunisiennes doivent présenter de toute urgence un nouveau plan national de vaccination afin de garantir à toutes et à tous un accès équitable et non discriminatoire au vaccin », a déclaré Amna Guellali.

« Elles doivent tenir compte des vulnérabilités sociales et sanitaires qui accroissent les risques liés au COVID-19 chez certaines personnes ou catégories de population, en particulier les groupes marginalisés. »