Bahreïn. La mort d’un prisonnier doit servir d’avertissement en matière de protection contre le COVID-19 à la prison de Jaww

La mort d’un détenu à la prison de Jaww à Bahreïn, à la suite d’une deuxième épidémie de COVID-19, met en lumière le fait qu’il faut non seulement fournir des vaccins aux prisonniers, mais aussi prendre des mesures préventives afin de les protéger contre la propagation de la pandémie, a déclaré Amnesty International le 14 juin 2021. Elle demande l’ouverture d’une enquête impartiale sur les circonstances ayant conduit à la mort de Husain Barakat, incarcéré à l’issue d’un procès manifestement inique, qui est décédé le 9 juin semble-t-il du fait de complications liées au COVID-19.

Malgré une première vague de COVID-19 dans la prison en mars et avril 2021, les familles ont déclaré à Amnesty International début juin que l’administration pénitentiaire n’avait toujours pas distribué de masques ni de gel hydroalcoolique pour protéger les prisonniers et que ceux-ci n’avaient pas le droit de leur téléphoner, parfois pendant des semaines d’affilée. La surpopulation carcérale à Bahreïn est un problème qui n’est pas nouveau et qui rend la distanciation sociale impossible.

« Les autorités de Bahreïn doivent diligenter sans attendre une enquête efficace, indépendante et impartiale sur les circonstances entourant la mort de Husain Barakat, notamment pour déterminer s’il a reçu des soins médicaux appropriés en temps voulu, a déclaré Lynn Maalouf, directrice adjointe d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

« Bien que des vaccins soient disponibles pour les prisonniers à Bahreïn, beaucoup ont refusé par défiance vis-à-vis des autorités pénitentiaires et par manque d’information sur le type de vaccin proposé. Il est plus important que jamais de protéger le droit des prisonniers à la santé et de remédier à la surpopulation. Il est inacceptable que les autorités ne fournissent toujours pas de masques et de gel hydroalcoolique aux prisonniers pour qu’ils se protègent du COVID-19. »

Il est inacceptable que les autorités ne fournissent toujours pas de masques et de gel hydroalcoolique aux prisonniers pour qu’ils se protègent du COVID-19.

Lynn Maalouf, directrice adjointe d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord

Husain Barakat purgeait une peine de réclusion à perpétuité après avoir été condamné le 15 mai 2018 pour des accusations liées au terrorisme, tout comme 114 coaccusés, à l’issue d’un procès manifestement inique dans l’affaire des « Brigades Dhu al Fiqar ». Dans la législation bahreïnite, la définition du terrorisme est très générale, ne nécessite pas d’éléments de violence et est parfois appliquée à des actes non violents d’opposition politique.

D’après ce qu’a déclaré l’épouse de Husain Barakat à Amnesty International, celui-ci partageait sa cellule avec 15 prisonniers, alors qu’il n’y avait que 10 lits, ce qui contraignait donc certains d’entre eux à dormir par terre. Après avoir reçu les deux doses d’un vaccin fabriqué en Chine, il a été testé positif au COVID-19 en mai. Bahreïn a globalement choisi les vaccins chinois pour sa campagne vaccinale, mais des doutes quant au niveau d’efficacité ont amené le gouvernement à proposer d’autres phases de vaccination.

L’épouse de Husain Barakat a expliqué qu’elle avait été autorisée à appeler son mari deux fois seulement pendant la période où il était malade, c’est-à-dire de fin mai jusqu’à son décès.

Fin mai, au cours d’un appel vidéo, Husain Barakat a dit à sa femme qu’il avait du mal à respirer. Il s’en était plaint à plusieurs reprises aux gardiens, mais ils ne l’ont pas transféré à l’hôpital. Son épouse a indiqué qu’il lui a dit : « Je suis fatigué, je ne peux plus respirer, je ne peux pas me lever. Je suis en train de mourir ».

L’épouse de Husain Barakat a expliqué qu’elle avait été autorisée à appeler son mari deux fois seulement pendant la période où il était malade, c’est-à-dire de fin mai jusqu’à son décès. Lorsqu’il a enfin été transféré en dehors de la prison de Jaww, il était déjà trop faible pour marcher.

Dans une déclaration publique, le ministère de l’Intérieur a indiqué : « Le défunt a été en contact régulier avec sa famille tout au long de sa maladie. »

L’épouse de Husain Barakat a indiqué que les responsables qui l’ont appelé pour lui annoncer qu’il était malade avaient précisé qu’il était dans un état stable ; lorsqu’elle a pu par la suite parler à une infirmière, celle-ci a indiqué qu’il avait été placé sous oxygène pour l’aider à respirer.

Le Bureau du médiateur rattaché au ministère de l’Intérieur de Bahreïn a confirmé la mort de Husain Barakat à Amnesty International le 10 juin et assuré qu’il avait reçu des soins médicaux adéquats à tous les stades de la maladie.

Selon une défenseure bahreïnite des droits humains en contact étroit avec les prisonniers et leurs familles, les gardiens de la prison de Jaww accusent les détenus de simuler leur maladie. Elle a ajouté que les prisonniers avaient reçu des masques uniquement lorsqu’une équipe de tournage du gouvernement s’était rendue à la prison. Lorsque l’équipe est repartie, les masques leur ont été repris.

Les familles organisent régulièrement des manifestations ces derniers mois pour dénoncer les conditions de détention à la prison de Jaww.

« Le droit à des soins de santé adéquats est un droit fondamental. Les autorités de Bahreïn doivent sans attendre mener des actions visant à garantir que tous les prisonniers reçoivent rapidement des soins médicaux et soient protégés contre la menace du COVID-19, a déclaré Lynn Maalouf.

« Elles doivent aussi prendre une mesure attendue de longue date, à savoir libérer toute personne incarcérée pour avoir exercé son droit de manifester pacifiquement et de critiquer le gouvernement, et doivent remédier à la surpopulation carcérale. »

SALAM for Democracy and Human Rights, organisation bahreïnite de défense des droits humains, a pu confirmer que 140 prisonniers à Jaww ont été testés positifs au COVID-19 depuis le début de la seconde vague en mai. Viennent s’y ajouter plus de 70 cas précédemment recensés à la prison en avril 2021 par les familles et des organisations bahreïnites de défense des droits humains, ainsi que par Amnesty International.

L’épouse de Fadhel Abbas « al Jazeeri », incarcéré dans le même bâtiment que Husain Barakat à la prison de Jaww, jusqu’à ce qu’ils soient tous deux testés positifs au COVID-19, a déclaré que la mort de Husain Barakat avait inquiété les familles : « Nous avons peur pour les prisonniers et nous espérons qu’ils seront libérés dès que possible et qu’ils ne sortent pas à l’état de cadavres, dans des cercueils. » Fadhel Abbas s’est depuis remis du COVID-19.