Post election protest in Benin

Bénin. Une loi violant le droit à la justice des victimes de violences policières ne doit pas être adoptée

Les autorités béninoises doivent s’abstenir de faire voter une loi d’amnistie qui empêcherait toute poursuite contre des personnes suspectées de violations et abus de droits humains pendant la période de contestation des élections législatives, a déclaré Amnesty International aujourd’hui.  

Le Parlement du Bénin a annoncé hier qu’une proposition de loi d’amnistie serait examinée en procédure d’urgence. Elaborée par un comité d’experts mandaté par le président Patrice Talon, la loi a pour but d’amnistier « tous les faits constitutifs de crimes, délits et contraventions commis à l’occasion de l’organisation, du déroulement et du dénouement des élections législatives du 28 avril 2019 au cours des mois d’avril, de mai et de juin 2019 ».  

Si elle était adoptée… les éléments des forces de sécurité suspectés d’être responsables de la mort d’au moins quatre personnes échapperont à la justice.

François Patuel, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

« Si elle était adoptée, cette proposition de loi d’amnistie aurait pour conséquence de tirer un trait sur les violations des droits humains commises lors de la période électorale.  Les éléments des forces de sécurité suspectés d’être responsables de la mort d’au moins quatre personnes échapperont à la justice,» a déclaré François Patuel, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International. 

«Les autorités ont orchestré une répression violente des manifestations de contestation des élections législatives. L’adoption de la loi constituerait une violation inacceptable du droit à la justice des victimes des violations et abus de droits humains commis pendant cette période. » 

Le Bénin a traversé une crise marquée par une série de manifestations, en amont, pendant et suite aux élections législatives du 28 avril 2019, dont les candidats de l’opposition ont été exclus. Les manifestations ont été sévèrement réprimées par les forces de sécurité.  

Le ministre de l’Intérieur avait reconnu lors d’une interview que les forces de sécurité avaient eu recours aux armes létales. Il s’était engagé à ouvrir des enquêtes afin de situer les responsabilités.   

D’avril à juin 2019, Amnesty International a documenté le harcèlement judiciaire de plusieurs militants de l’opposition et de journalistes, une coupure d’accès à Internet le jour des élections et la mort par arme à feu d’au moins quatre personnes participant aux manifestations, y compris une mère de sept enfants, Prudence Amoussou.  

Cette dernière est décédée le 2 mai des suites d’une blessure par balle reçue lors des manifestations. Sa famille, s’est vu interdire l’accès à sa dépouille. Trois mois plus tard, les autorités ont intimé l’ordre à la famille de récupérer dans les 10 jours le corps conservé à la morgue en lui remettant une déclaration de décès mentionnant que Prudence Amoussou était morte « par suite de maladie ».  

Amnesty International a lancé une pétition demandant aux autorités béninoises de s’assurer que justice soit rendue pour la mort de Prudence Amoussou et des autres personnes tuées dans le contexte des manifestations. 

L’organisation demande également la libération immédiate des personnes arbitrairement arrêtées et détenues dans le cadre de ces manifestations. 

Une amnistie laisserait entendre qu’elles pourraient avoir commis un crime alors qu’elles n’ont fait qu’exercer leurs droits.

Francois Patuel

« Les autorités doivent simplement abandonner les poursuites judiciaires contre toutes les personnes inquiétées et libérer sans condition celles détenues pour avoir appelé ou participé à des manifestations pacifiques, » a déclaré François Patuel.   
« Une amnistie laisserait entendre qu’elles pourraient avoir commis un crime alors qu’elles n’ont fait qu’exercer leurs droits. »