Sombrer dans l’oubli : telle est l’une des plus grandes peurs des personnes qui ont été injustement emprisonnées.
Cette peur glaçante qu’avec le temps, plus personne ne se soucie de leur sort. Une angoisse de croupir en prison pendant que le monde extérieur oublie leur existence.
Ces pensées ont également traversé l’esprit de Taner Kılıç, président honoraire d’Amnesty Turquie. Le 6 juin 2018 marque le premier anniversaire de l’emprisonnement de cet avocat spécialiste des droits humains, qui est privé de sa liberté bien qu’il n’ait commis aucune infraction.
Mais depuis le début de cette injustice, le soutien de personnes du monde entier lui a donné de la force : « Une personne emprisonnée pourrait craindre que même ses proches l’oublient, comme les “prisonniers oubliés”, mais dans mon cas, cela a en réalité été l’inverse. En plus de ma famille et mes amis, le monde me connaît et me regarde grâce à Amnesty International. »
Les débuts d’Amnesty
Les mots de Taner nous renvoient aux origines du mouvement d’Amnesty International : il y a presque 60 ans, le 28 mai 1961, Peter Benenson, lui aussi avocat, publie un article intitulé Les prisonniers oubliés dans les colonnes du journal britannique The Observer.
Il y présente une idée simple : si suffisamment de personnes font de l’injustice une affaire personnelle et écrivent aux gouvernements traitant des personnes injustement et avec cruauté, il est possible d’obtenir des changements positifs.
Peter Benenson a fondé Amnesty International et consacré le terme « prisonniers d’opinion » : personnes emprisonnées uniquement en raison de leurs opinions ou convictions.
De nombreux autres prisonniers d’opinion
Malheureusement, notre collègue et ami Taner n’est qu’un des nombreux prisonniers d’opinion de l’histoire de la Turquie. Depuis des décennies, des militants d’Amnesty font campagne en faveur des personnes emprisonnées à tort dans le pays et leur donnent espoir.
En 1964, l’ancien président turc Celâl Bayar a envoyé une lettre alors qu’il était en prison, pour remercier Amnesty de faire campagne en faveur de sa libération.
En 1971, Mümtaz Soysal, sachant que des militants d’Amnesty dans le monde entier demandaient sa libération, a écrit les lignes suivantes depuis la prison :
« Bientôt, la nuit tombera et ils fermeront les portes des cellules. Je ne me sens pas seul, je suis avec toute l’humanité et toute l’humanité est avec moi. »
Un climat de peur en Turquie
Après la tentative de coup d’État de juillet 2016, les autorités ont délibérément utilisé l’état d’urgence en vigueur comme excuse pour décimer la société civile. Les défenseur-e-s des droits humains, les journalistes, les syndicalistes, les avocats et d’autres membres de la société civile vivent dans un climat de peur constante, ignorant s’ils seront les prochains chez qui l’on viendra sonner aux aurores en raison d’un tweet, d’un article, d’un discours ou simplement de leur travail. Pour chacune de ces personnes, un jour d’emprisonnement de plus est un jour d’injustice de plus.
À Amnesty International, nous n’aurons de cesse de lutter en faveur de leur libération. Nous continuerons de parler de la Turquie et de soutenir les courageuses personnes sur le terrain qui se battent pour défendre les droits humains dans le pays.
Et nous continuerons de compter les jours jusqu’à ce que Taner passe les portes de la prison et qu’il puisse enfin être libre de prendre sa femme et ses enfants dans ses bras.
Jusqu’à ce que ce moment arrive, vous pouvez nous aider à lui faire garder espoir en envoyant des messages de solidarité. Comme dit Taner : « Vos lettres et votre soutien me donnent de la force ».
Continuons de montrer à Taner et aux autres personnes injustement emprisonnées en Turquie qu’ils ne seront jamais des prisonniers oubliés.