Myanmar. La grâce collective accordée à plusieurs prisonniers ne fait pas oublier l’incarcération scandaleuse d’un militant

Plusieurs prisonniers ont bénéficié d’une grâce collective vendredi 22 janvier au Myanmar mais il n’en reste pas moins que des dizaines de militants pacifiques sont toujours derrière les barreaux, a déclaré Amnesty International. Le fait qu’un militant ait été emprisonné quelques heures seulement après l’annonce de ces libérations rappelle malheureusement que la répression demeure courante dans le pays.

Le 22 janvier, les pouvoirs publics ont annoncé la libération de 102 prisonniers, dont au moins 16 prisonniers d’opinion en faveur desquels Amnesty International faisait campagne. Le même jour, un tribunal de Yangon (Rangoon) a condamné le militant pacifiste Patrick Kum Jaa Lee (43 ans) à six mois d’emprisonnement pour « diffamation sur Internet ». Cet homme avait été arrêté en octobre 2015 pour avoir diffusé sur Facebook une image montrant une personne en train de piétiner la photo du chef d’état-major des armées, Min Aung Hlaing.

« Les événements d’aujourd’hui montrent clairement que les autorités reprennent d’une main ce qu’elles donnent de l’autre. Quelques heures seulement après l’annonce de la grâce collective, un militant a été condamné à six mois d’emprisonnement pour une banale publication sur Facebook, a déclaré Laura Haigh, spécialiste du Myanmar à Amnesty International.

Les événements d’aujourd’hui montrent clairement que les autorités reprennent d’une main ce qu’elles donnent de l’autre. Quelques heures seulement après l’annonce de la grâce collective, un militant a été condamné à six mois d’emprisonnement pour une banale publication sur Facebook.

Laura Haigh, spécialiste du Myanmar à Amnesty International.

« Nous sommes évidemment ravis pour les personnes libérées mais n’oublions pas que des dizaines d’autres sont toujours derrière les barreaux et que des centaines de militants pacifiques en liberté sous caution risquent d’être emprisonnés.

« Les grâces collectives auront peu d’effet à long terme tant que les pratiques répressives qui alimentent les arrestations et détentions arbitraires perdureront. La déclaration de culpabilité concernant Patrick Kum Jaa Lee est scandaleuse et doit être annulée. »

Parmi les prisonniers d’opinion libérés le 22 janvier figurent Philip Blackwood, condamné en 2015 (aux côtés de Thun Thurein et de Htut Ko Ko Lwin) à deux ans et demi d’emprisonnement pour « outrage à la religion » et un autre chef d’accusation parce qu’il avait utilisé une image de Bouddha sur les supports publicitaires d’une boîte de nuit, et 13 habitants de Michaungkan incarcérés en 2015 pour avoir manifesté dans le cadre d’un conflit foncier.

Selon les informations dont dispose Amnesty International, près d’une centaine d’autres prisonniers d’opinion sont toujours derrière les barreaux.

« Il est réconfortant de savoir que les hommes et les femmes libérés aujourd’hui peuvent retrouver leur vie et leur famille mais, en réalité, aucun d’eux n’aurait dû être inculpé. Si le président entend véritablement achever son mandat sur un bilan positif, il doit faire libérer définitivement tous les prisonniers d’opinion du pays, a déclaré Laura Haigh.

« Bien que les récentes élections aient fait naître un certain optimisme, le jugement rendu aujourd’hui rappelle sans équivoque qu’il est encore impossible de critiquer l’armée, même pacifiquement, au Myanmar. Le nouveau gouvernement, qui entrera en fonction fin mars, devra s’efforcer de faire respecter pleinement la liberté d’expression, qui est un droit fondamental.

Complément d’information

Parmi les prisonniers d’opinion graciés et libérés le 22 janvier figurent :

Naung Naung, membre du Mouvement pour la force actuelle de la démocratie (MDCF), condamné en octobre 2014 à deux ans et quatre mois d’emprisonnement pour avoir manifesté sans autorisation et distribué des dépliants sur lesquels il était écrit qu’Aung San Suu Kyi et les dirigeants de minorités ethniques avaient été élus à titre provisoire ;

Treize habitants de Michaungkan (Yangon) condamnés fin 2015 à sept mois d’emprisonnement pour avoir participé à une série de manifestations pacifiques dans le cadre d’un conflit foncier ;

Phillip Blackwood, condamné à deux ans et demi d’emprisonnement en mars 2015 pour « outrage à la religion » parce qu’il avait diffusé sur les réseaux sociaux une image de Bouddha portant un casque audio pour faire la publicité d’un bar de Yangon. Pour l’instant, Amnesty International n’est pas en mesure de confirmer si Thun Thurein et Htut Ko Ko Lwin, incarcérés dans le cadre de la même affaire, ont aussi été libérés ;

Naing Ye Wai, étudiant condamné à une peine d’emprisonnement en 2015 pour avoir manifesté à Mandalay en demandant la libération de tous les étudiants détenus et la modification de la Loi relative à l’éducation nationale, nouvellement adoptée.

Selon les informations dont dispose Amnesty International, près d’une centaine de prisonniers d’opinion sont toujours derrière les barreaux, notamment :

Phyoe Phyoe Aung, secrétaire générale de la Fédération des syndicats étudiants de Birmanie (ABFSU), jugée actuellement aux côtés de dizaines d’autres manifestants étudiants pacifiques et de sympathisants de leur cause pour avoir manifesté contre la Loi relative à l’éducation nationale en 2015, cinq employés du magazine Unity Weekly, incarcérés pour avoir publié un article sur une usine soupçonnée de produire des armes chimiques en 2014, et l’écrivain Htin Lin Oo, condamné en 2015 à deux ans d’emprisonnement pour avoir critiqué dans un discours l’instrumentalisation du bouddhisme aux fins de la discrimination religieuse.