En Pologne, le système législatif n’est pas à la hauteur lorsqu’il s’agit de protéger les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) et d’autres groupes minoritaires contre les crimes de haine, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport publié jeudi 17 septembre, moins de deux mois avant les élections générales.
Ce document, intitulé Targeted by hatred, forgotten by law, montre que la législation sur les crimes de haine exclut des communautés entières, notamment les sans-abri, les personnes souffrant de handicaps et les LGBTI.
« La Pologne dispose d’un système législatif à deux vitesses : il protège certains groupes minoritaires et en laisse d’autres de côté. En Pologne, si vous êtes homosexuel ou lesbienne, si vous souffrez d’un handicap ou êtes un sans-abri et si vous êtes attaqué en raison de votre identité personnelle, la police traitera votre agression comme un crime ordinaire, et non comme un crime de haine. Cette brèche dans la protection de la loi est dangereuse et il convient de la combler », a déclaré Marco Perolini, chercheur sur les discriminations en Europe et Asie centrale pour Amnesty International.
La Pologne dispose d’un système législatif à deux vitesses : il protège certains groupes minoritaires et en laisse d’autres de côté. En Pologne, si vous êtes homosexuel ou lesbienne, si vous souffrez d’un handicap ou êtes un sans-abri et si vous êtes attaqué en raison de votre identité personnelle, la police traitera votre agression comme un crime ordinaire, et non comme un crime de haine.
Marco Perolini, chercheur sur les discriminations en Europe et Asie centrale pour Amnesty International
La communauté des LGBTI fait face à une discrimination généralisée et enracinée dans l’ensemble du pays. S’il n’existe pas de chiffres officiels fiables, Campaign against Homophobia, grande organisation polonaise qui défend les droits des LGBTI, a recensé au moins 120 crimes homophobes ou transphobes pour la seule année 2014 – et le chiffre réel est probablement beaucoup plus élevé.
Dans la ville de Szczecin, des membres de la communauté LGBTI ont déclaré vivre dans la peur depuis qu’un homosexuel de 20 ans a été battu à mort à la sortie d’un club gay, en janvier 2014. Son corps a été retrouvé non loin, sur un chantier ; il avait le visage couvert de contusions et le pantalon baissé. Il est en fait mort par noyade, car ses agresseurs lui ont maintenu le visage dans une flaque de manière répétée.
Les autorités n’ont pas pris en compte le fait que cet homicide pouvait avoir été motivé par l’homophobie et le tribunal a jugé cet acte comme un crime ordinaire lorsqu’il a déclaré les deux suspects coupables.
En mai 2015, Dariusz, militant anti-nazi et artiste de rue, a reçu des coups de pied et des crachats alors qu’il se trouvait devant l’une de ses fresques murales représentant un arc-en-ciel, à Zywiec. Son agresseur l’a également insulté : « putain de pédé ». Pourtant, dans le procès-verbal du jugement rendu contre le responsable de ces agissements, ces insultes sont simplement décrites comme « grossières », sans aucune référence à leur caractère homophobe.
Depuis quelques années, on recense également en Pologne des passages à tabac de sans-abri. Bien que l’un des mobiles de ces agressions soit parfois le statut socioéconomique de la victime, elles sont traitées comme des délits ordinaires par la police.
Stanisław, un SDF vivant à Rzeszów, a été roué de coups par des agresseurs qui lui ont ensuite mis le feu, en octobre 2012. Alors qu’ils ont reconnu avoir déjà par le passé agressé des sans-abri par « ennui », leur condamnation ne reflétait pas la gravité de leur mobile.
« Nous saluons les mesures prises par la Pologne pour s’attaquer aux crimes de haine à caractère raciste et xénophobe. Cependant, il est difficile d’accepter que d’autres groupes minoritaires qui vivent eux aussi au quotidien dans la peur et le harcèlement ne se voient pas accorder la même priorité, a déclaré Marco Perolini.
« La Pologne est tenue au titre du droit international de garantir une protection égale contre la discrimination à tous les groupes minoritaires. Le fait que l’État manque à cette obligation est une discrimination en soi. »
La Pologne est tenue au titre du droit international de garantir une protection égale contre la discrimination à tous les groupes minoritaires. Le fait que l’État manque à cette obligation est une discrimination en soi.
Marco Perolini
Cette lacune en matière de protection se traduit par l’absence de mécanismes institutionnels – procureurs spécialisés ou coordonnateurs au sein de la police – chargés de traiter les agressions motivées par la discrimination fondée sur le handicap, l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou le statut économique ou social. En outre, la volonté manque de mettre au point des politiques efficaces visant à prévenir ces crimes de haine, enquêter sur tous les cas recensés et poursuivre en justice les responsables présumés.
L’État n’ayant pas mis en place de recueil systématique des données relatives aux attaques ciblant ces groupes, il n’a aucun moyen de connaître l’ampleur du problème.
Les initiatives visant à réformer le Code pénal sont au point mort, malgré l’examen d’un projet de loi en 2012 portant sur la protection des LGBTI, des personnes souffrant d’un handicap et des personnes âgées contre les crimes de haine. Ce projet s’est heurté à une résistance acharnée de certains groupes de la société polonaise ; en 2015, un député l’a qualifié de tentative visant à « introduire une idéologie déviante du genre qui promeut les pathologies sexuelles ».
La question va sans doute susciter de nouvelles controverses à l’approche des élections générales en Pologne, le 25 octobre.
« La Pologne doit prendre des mesures concrètes afin de veiller à ce que tous les groupes minoritaires bénéficient d’une protection égale de la loi. Le prochain gouvernement et le prochain Parlement doivent faire des droits humains une priorité, avec en tête de liste la suppression de la discrimination. Personne en Pologne ne devrait vivre dans la peur d’être agressé, uniquement en raison de son identité », a déclaré Marco Perolini.