La torture dans le monde : ce que vous devez savoir

Le 26 juin, Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture, des membres et sympathisants d’Amnesty International organiseront des événements dans plus de 55 pays afin de rappeler aux gens que des milliers de personnes sont actuellement torturées dans le monde.

Amnesty International a lancé la campagne Stop Torture le 13 mai 2014, pour dénoncer une crise mondiale liée à la torture. Dans le cadre de cette campagne, elle demande une plus grande protection contre la torture grâce à un large éventail de mesures – telles que les contrôles indépendants des centres de détention, la possibilité de consulter rapidement un avocat et de comparaître devant les tribunaux, et des enquêtes indépendantes sur les allégations de torture – en vue d’éradiquer complètement cette pratique.

La torture : une crise mondiale

Tandis que de nombreux pays ont nettement progressé dans la lutte contre la torture, des gouvernements de par le monde continuent de recourir à cette pratique dans le but d’obtenir des informations, d’extorquer des « aveux », de faire taire les dissidents ou simplement comme une forme cruelle de sanction.

157 – nombre de pays ayant ratifié la Convention des Nations unies contre la torture.

141 – nombre de pays dans lesquels Amnesty International a recensé des cas de torture et de mauvais traitements au cours des cinq dernières années. Dans certains pays, ces faits sont rares, dans d’autres, généralisés. On ne peut accepter ne serait-ce qu’un seul cas.

82%– des cas de torture ou de mauvais traitements ont été signalés dans les quatre cinquièmesdes pays figurant dans le Rapport annuel 2014 d’Amnesty International.

La torture en chiffres

Depuis le lancement de sa campagne Stop Torture en mai 2014, Amnesty International a publié des rapports sur la pratique de la torture au Mexique, au Maroc, au Nigeria, aux Philippines et en Ouzbékistan. Ils révèlent que la torture est fréquente dans ces pays, et que les tortionnaires continuent de jouir de l’impunité pour leurs crimes.

1 505 – nombre de plaintes déposées pour torture et mauvais traitements au Mexique en 2013, soit 600 % de plus qu’en 2003.

50 % de citoyens au Nigeria déclarent qu’ils ne se sentiraient pas protégés contre la torture s’ils étaient placés en garde à vue.

21 – nombre de mineurs torturés aux Philippines sur un total de 55 victimes de torture qui se sont entretenues avec Amnesty International.

13 – nombre de demandes en attente déposées par des experts des droits humains de l’ONU pour se rendre en Ouzbékistan, afin d’évaluer la situation des droits humains dans le pays depuis 2002.

8 – nombre de personnes poursuivies pour « dénonciation calomnieuse », « fausse dénonciation », « outrage » ou « diffamation » après avoir porté plainte pour torture ou signalé avoir été torturées au Maroc depuis mai 2014.

7 – nombre de condamnations pour torture prononcées au niveau fédéral au Mexique depuis 1991, lorsque la torture est devenue un crime. Des milliers de plainte sont déposées chaque année.

– nombre de condamnations pour torture prononcées au titre de la Loi contre la torture aux Philippines depuis son adoption en 2009.

Les méthodes de torture dans le monde

Les outils de torture les plus couramment utilisés sont basiques et cruels – la main, la botte et la matraque : tout ce qui peut causer des blessures ou briser des os.

Voici quelques méthodes parmi les plus « sophistiquées » qu’Amnesty International a recensées au cours de ses recherches :

Mexique : « Tehuacanazo » – de l’eau gazeuse est versée de force dans les narines du détenu.

Maroc : « Poulet rôti » – le détenu est suspendu la tête en bas à une barre métallique, par les poignets et les genoux dans une position accroupie, qui fait exercer une très forte tension sur les genoux et les épaules.

Des esquisses de la méthode du « poulet rôti » et d’autres positions de torture réalisées à partir de descriptions faites par Ali Aarrass, un détenu qui a indiqué avoir été victime de ces tortures en 2010.
Des esquisses de la méthode du « poulet rôti » et d’autres positions de torture réalisées à partir de descriptions faites par Ali Aarrass, un détenu qui a indiqué avoir été victime de ces tortures en 2010.

Nigeria : « Tabay » – les policiers suspendent les détenus à un bâton, les coudes liés dans le dos.

Philippines : « Roue de la torture » – les policiers tournent une roue de la torture pour déterminer quelle méthode utiliser sur tel ou tel détenu. Sur la roue figurent différentes options, dont : « 30 secondes chauve-souris », signifie que le détenu est suspendu la tête en bas pendant 30 secondes (comme une chauve-souris) ; « 20 secondes Manny Pacquaio », du nom d’un célèbre boxeur philippin, signifie que le détenu est roué de coups de poing pendant 20 secondes.

Une « roue de la torture » aux Philippines servant, semble-t-il, à déterminer quelle méthode de torture utiliser sur tel ou tel détenu.
Une « roue de la torture » aux Philippines servant, semble-t-il, à déterminer quelle méthode de torture utiliser sur tel ou tel détenu.

Ouzbékistan : le détenu est frappé alors qu’il est suspendu par les mains à un crochet fixé au plafond, les bras souvent attachés dans le dos, ou alors qu’il est menotté à un radiateur ou à une barre métallique fixée au mur.

Une campagne mondiale visant à mettre fin à la torture

Depuis son lancement en 2014, la campagne mondiale d’Amnesty International Stop Torture mobilise des millions de personnes au travers d’actions directes, qui s’appuient sur diverses stratégies et activités ciblant cinq gouvernements spécifiques.

2 millions – nombre de fois où des citoyens ont agi dans le cadre de la campagne Stop Torture depuis mai 2014, en écrivant des lettres ou en participant à des manifestations notamment.

340 000 – nombre de personnes ayant signé une pétition remise au bureau du procureur général mexicain, pour demander qu’une enquête approfondie soit ouverte sur le cas de Claudia Medina, torturée par des fusiliers marins qui voulaient la forcer à incriminer d’autres personnes et à s’accuser elle-même d’infractions en relation avec les stupéfiants.

300 000 – nombre de personnes ayant signé une pétition demandant la libération d’Alfreda Disbarro,mère célibatairetorturée par des policiers aux Philippines aprèsavoir été accusée de vente de stupéfiants, accusation qu’elle nie. Elle a reçu un si grand nombre de lettres de soutien du monde entier que les gardiens de la prison se sont plaints de ne rien faire d’autre que de scanner ses courriers.

200 000 – nombre de signatures de pétitions remises aux ambassades d’Ouzbékistan de 12 villes européennes en octobre 2014, pour demander au gouvernement de libérer la prisonnière d’opinion Dilorom Abdoukadirova. Dilorom a été arrêtée de manière arbitraire et soumise à des actes de torture en détention provisoire, alors qu’elle était rentrée d’exil pour retrouver sa famille.

1 – panneau géant installé dans le centre de Manille appelant les habitants des Philippines à agir contre les tortures policières en décembre 2014. Cette publicité a été financée par les membres et sympathisants d’Amnesty International et a également été publiée dans des magazines.

La lutte contre la torture progresse

Il est possible de mettre fin à la torture. Dans les pays qui mettent en place des garanties, on constate une baisse considérable du nombre de cas et de plaintes. La campagne Stop Torture d’Amnesty International recense des mesures concrètes prises en vue de protéger les droits humains :

21 mai 2014 – Les autorités marocaines rouvrent leur enquête sur les actes de torture infligés à Ali Aarrass et ordonnent un nouvel examen médical, répondant ainsi aux appels du Comité de l’ONU contre la torture et d’Amnesty International. Cet examen effectué en novembre 2014 a duré plusieurs jours, en l’absence d’un observateur indépendant. Ali Aarrass et ses avocats n’ont pas encore pu consulter le nouveau rapport médical.

15 octobre 2014 –Le Mexique libère sans inculpation Ángel Amilcar Colón, Hondurien victime de torture et prisonnier d’opinion, maintenu pendant plus de cinq ans en détention dans l’attente de son procès. 20 000 personnes ont signé des pétitions dans le cadre d’une campagne d’Amnesty International réclamant sa libération.

10 décembre 2014 – La police nigériane publie un Guide pratique sur les droits humains établissant les règles que doivent respecter les policiers. Amnesty International fait campagne depuis 2008 pour que des lignes directrices claires soient données aux policiers quant au respect des droits humains.

29 mai 2014 ­ Le ministère de la Justice et des Libertés du Maroc enjoint aux procureurs et aux juges d’ordonner des examens médicaux en cas d’allégations de torture et de mauvais traitements. Amnesty International déplore l’inaction générale des tribunaux face à des signes de torture, malgré les garanties existantes.

4 décembre 2014 – Aux Philippines, en se fondant sur le rapport d’Amnesty International concernant la torture dans le pays, une résolution du Sénat ordonne la tenue d’une enquête. Cette enquête a eu lieu le 14 janvier 2015.

3 juin 2015 – L’Assemblée nationale du Nigeria adopte un nouveau projet de loi qui érige en infraction la torture, comme le demandait Amnesty International dans un rapport. Ce texte doit désormais être signé par le président Muhammadu Buhari, nouvellement élu.

3 juin 2015 – Le Nigeria remet en liberté Moses Akatugba, Nigérian torturé et condamné à mort sur la base d’« aveux » obtenus sous la torture pour le vol armé de trois téléphones portables – un crime qu’il a toujours nié. Plus de 800 000 sympathisants d’Amnesty International ont adressé des lettres et des pétitions au gouverneur de l’État du Delta Emmanuel Uduaghan, pour lui demander de commuer la condamnation à mort de Moses Akatugba. Dans le cadre de l’une des dernières mesures prises avant de quitter ses fonctions, le gouverneur a gracié Moses le 28 mai.