Arabie saoudite. Chaque coup de fouet destiné à Raif Badawi est un affront au droit international

Chacun des 950 coups de fouet que les autorités saoudiennes continuent à prévoir d’infliger au blogueur dissident Raif Badawi fragilisera la liberté d’expression et tournera en dérision les engagements pris au niveau international par le pays en matière de droits humains, a déclaré Amnesty International alors que les flagellations publiques pourraient reprendre dès vendredi 12 juin.

Ces craintes se sont intensifiées après que la Cour suprême saoudienne a annoncé le 6 juin dans les médias qu’elle avait confirmé la condamnation de Raif Badawi à 10 ans de prison et 1 000 coups de fouet, décision non susceptible d’appel.

« Après avoir passé cinq mois derrière les barreaux depuis sa flagellation en public, la menace d’une reprise de ce châtiment cruel et inhumain plane sur Raif Badawi. En confirmant cette peine atroce, qui enfreint de manière flagrante l’interdiction de la torture et des autres formes de mauvais traitements, la Cour suprême saoudienne a clairement indiqué que les autorités ne cherchent pas à rendre justice, mais à le punir pour l’exemple et à détruire la liberté d’expression », a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.

« Des millions de sympathisants d’Amnesty International et d’autres militants, des journalistes et des dirigeants politiques du monde entier ont clairement fait entendre leur message : Raif Badawi est un prisonnier d’opinion et doit être libéré immédiatement et sans condition. Il faut mettre un terme à ce châtiment d’une cruauté révoltante et les autorités doivent annuler la déclaration de culpabilité et la condamnation de Raif Badawi. »

Des millions de sympathisants d’Amnesty International et d’autres militants, des journalistes et des dirigeants politiques du monde entier ont clairement fait entendre leur message : Raif Badawi est un prisonnier d'opinion et doit être libéré immédiatement et sans condition. Il faut mettre un terme à ce châtiment d’une cruauté révoltante et les autorités doivent annuler la déclaration de culpabilité et la condamnation de Raif Badawi.

Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.

À l’origine, Raif Badawi a été condamné en mai 2014 pour avoir créé un forum de débat public en ligne et pour « avoir insulté l’Islam ». Les 50 premiers coups de fouet ont été administrés sur une place publique à Djedda le 9 janvier, mais les flagellations suivantes ont été suspendues, au début pour des raisons médicales puis pour des motifs inconnus.

Ensaf Haidar, l’épouse du blogueur, et leurs trois enfants se sont vu accorder l’asile par le Canada, depuis lequel la jeune femme mène une action énergique en faveur de la libération de son mari.

« Le mois sacré du Ramadan, qui est sur le point de commencer, est traditionnellement l’occasion de libérer des prisonniers. C’est pourquoi nous exhortons le roi Salman à saisir cette chance de libérer Raif Badawi et de lui permettre de retrouver sa famille, qui a souffert de la brutalité de toutes les étapes de son procès et de son châtiment injustes », a déclaré Said Boumedouha.

Le mois sacré du Ramadan, qui est sur le point de commencer, est traditionnellement l’occasion de libérer des prisonniers. C’est pourquoi nous exhortons le roi Salman à saisir cette chance de libérer Raif Badawi et de lui permettre de retrouver sa famille, qui a souffert de la brutalité de toutes les étapes de son procès et de son châtiment injustes.

Said Boumedouha.

Complément d’information

L’Arabie saoudite, qui est partie à la Convention des Nations unies contre la torture, est légalement tenue de respecter l’interdiction absolue de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, comme la flagellation. L’interdiction de la torture est une norme impérative du droit international, contraignante pour tous les États.

Le haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies a déclaré : « La flagellation est, à mon avis, une forme de châtiment cruel et inhumain. Cette peine est interdite par le droit international des droits de l’homme, en particulier la Convention contre la torture, que l’Arabie saoudite a ratifiée. »

Des dirigeants politiques des États-Unis, un allié stratégique de l’Arabie saoudite, ont qualifié d’« inhumain » le châtiment réservé à Raif Badawi, tandis que des responsables de l’Union européenne se sont engagés à nouer le dialogue avec les dirigeants du royaume du Golfe afin de garantir que la liberté d’expression pour tous soit respectée.

Dans une déclaration officielle émise le 7 mars 2015, le ministère saoudien des Affaires étrangères a exprimé « surprise et consternation » face à la mobilisation en faveur de la libération de Raif Badawi. Il a ajouté que « le royaume rejette sans équivoque toute agression sous le couvert des droits humains ».

Le gouvernement saoudien élimine systématiquement toutes les formes de militantisme en faveur des droits humains dans le pays depuis trois ans, parfois en vertu de la loi antiterroriste entrée en vigueur en février 2014. Waleed Abu al Khair, l’avocat de Raif Badawi, a été le premier défenseur des droits fondamentaux à être condamné au titre de cette loi.

Les autorités saoudiennes continuent à utiliser la loi pour réprimer le militantisme en faveur des droits humains et la liberté d’expression, tandis que les gouvernements occidentaux se targuent de leur solide alliance avec l’Arabie saoudite dans le but de combattre le terrorisme, et notamment le groupe armé se faisant appeler État islamique.  

À Djedda, les 3 et 4 juin, l’Arabie saoudite a accueilli la cinquième session du Processus d’Istanbul, un forum créé afin de proposer des mesures pratiques pour combattre l’intolérance religieuse. L’un des postulats de ce Processus est l’importance de la liberté de religion et d’expression, cruciale pour l’exercice du droit à la liberté de religion.

Comble de l’ironie, à quelques centaines de mètres à peine de cette réunion, Raif Badawi languissait dans une cellule et la Cour suprême saoudienne rendait son jugement confirmant la peine prononcée contre lui pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression.