En Sierra Leone, des communautés renoncent aux mutilations génitales féminines

Tandis que des militants se réunissent à Londres mardi 22 juillet pour débattre de stratégies visant à mettre un terme aux mutilations génitales féminines (MGF), des communautés en Sierra Leone ont lancé une démarche innovante pour en finir avec cette pratique cruelle. Dans la chefferie de Masungbala, dans le nord-ouest de la Sierra Leone, tandis que plusieurs dizaines de femmes assises en cercle partageaient leurs récits d’horreur et de douleur, les dirigeants de la communauté, des hommes, échangeaient leurs opinions sur le sujet dans un groupe séparé. Les femmes, l’une après l’autre, ont raconté ce qu’elles ont vécu lorsqu’on leur a enlevé les organes génitaux dans le cadre de rites initiatiques et la douleur insupportable qu’elles ont dû endurer. La plupart ont confié qu’elles regrettaient d’avoir eu à endurer cette pratique et étaient catégoriques sur le fait qu’elles espéraient que leurs filles n’auraient pas à subir la même chose. À quelques mètres de là, les chefs discutaient de la manière dont la communauté pouvait résoudre ce problème. Et ce qui semblait tout simplement impossible se produisit… Au bout de plusieurs jours de discussions et de négociations, dans le cadre d’une série d’ateliers organisés par Amnesty International et des associations locales en août 2011, la communauté a signé un protocole d’accord interdisant les mutilations génitales féminines pour les jeunes filles de moins de 18 ans. Le protocole prévoit également que toute femme âgée de plus de 18 ans doit donner son consentement avant que l’intervention n’ait lieu. Environ 600 jeunes filles ont été sauvées des mutilations dans la chefferie de Masungbala dans le mois qui a suivi la signature de ce protocole d’accord. L’expérience vécue lors des ateliers a été si positive que, selon des militants locaux, des centaines de communautés à travers le pays ont suivi cet exemple et interdit cette pratique nuisible. « Bien que la Loi relative aux droits de l’enfant de 2007 protège les enfants contre les pratiques dangereuses, aucune loi n’interdit spécifiquement les mutilations génitales féminines en Sierra Leone. Ces communautés montrent un bel exemple de ce qu’il est possible de faire », a déclaré Aminatou Sar, directrice du programme Éducation aux droits humains en Afrique à Amnesty International. Rompre le silence « La Sierra Leone pourrait devenir une zone sans mutilations génitales féminines », a déclaré Arun Turay, coordinateur d’AMNET (Advocacy Movement Network) qui, en collaboration avec Amnesty International, a proposé des ateliers pour sensibiliser les communautés ciblées afin de les amener à agir pour lutter contre les mutilations génitales.

Ce projet s’inscrit dans le cadre du programme Éducation aux droits humains en Afrique, mis en œuvre par Amnesty International dans sept communautés du district de Kambia, en Sierra Leone. Il traite de diverses questions relatives aux droits humains qui touchent les communautés locales, notamment des mutilations génitales féminines. « Il est très difficile pour les gens de parler de ces questions, mais comme il existe une forte tradition du dialogue au sein de ces communautés, nous les avons réunis pour débattre des dangers des mutilations génitales féminines, a déclaré Arun Turay. « Il est apparu qu’ils voulaient aborder la question mais ne savaient pas comment. Aujourd’hui, ce dialogue a complètement changé la vie de nombreuses femmes et jeunes filles. » Arun Turay est régulièrement en contact avec ces communautés. « Il y a quelques mois, les chefs m’ont dit que le changement était désormais pleinement accepté et que l’attention s’était portée sur l’éducation des filles », a déclaré Arun Turay. Selon Arun Turay, si les accords fonctionnent, c’est parce qu’ils découlent d’un dialogue initié par les ateliers et engagent la plupart des membres de la communauté. 140 millions de femmes, de jeunes filles et de fillettes D’après les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 140 millions de femmes et de jeunes filles sont victimes de mutilations génitales dans le monde. L’intervention peut être pratiquée à tout âge, juste après la naissance ou lorsqu’une femme est devenue adulte. Les femmes et les jeunes filles à qui l’on retire les organes génitaux externes souffrent fréquemment de douleurs violentes, de saignements, d’un choc, de rétention d’urine et d’infections ; parfois, elles meurent. Beaucoup souffrent également de douleurs chroniques, de complications lors de l’accouchement – le risque de mortalité maternelle est plus élevé –, d’une baisse du plaisir sexuel et d’un syndrome de stress post-traumatique. Les dirigeants et les membres des communautés qui soutiennent ou pratiquent les mutilations génitales féminines affirment qu’il faut protéger l’« honneur » des femmes. Cette vision témoigne des stéréotypes très répandus sur la sexualité des femmes et sur la nécessité de la contrôler. En outre, dans certaines sociétés, des croyances perdurent qui considèrent les femmes non mutilées comme impures ; elles n’ont pas le droit de toucher l’eau ni la nourriture. L’expérience menée en Sierra Leone a rendu Arun Turay positif quant à l’avenir : « La démarche menée au sein des communautés avec lesquelles nous avons travaillé en Sierra Leone pourrait être reproduite dans d’autres pays d’Afrique ou même à travers le monde. Le dialogue communautaire, outil puissant d’éducation aux droits humains, peut être source de changement. »