Koweït : les autorités doivent libérer un blogueur qui a critiqué le Premier ministre

Amnesty International a appelé le gouvernement koweïtien à libérer un blogueur et journaliste qui a entamé une grève de la faim en vue de protester contre sa détention pour des accusations de diffamation. Muhammad Abd al Qader al Jasem s’est livré volontairement à la Sûreté de l’État le lundi 10 mai, après avoir été informé qu’un mandat d’arrêt lui avait été décerné. Il était recherché en raison des critiques qu’il aurait émises au sujet du Premier ministre koweïtien, Sheikh Nasser Al Sabah, et observe une grève de la faim depuis son arrestation afin de dénoncer ce qu’il qualifie de « procès politique ». Des agents de la Sûreté de l’État l’ont interrogé sur des articles et des livres qu’il a écrits au cours des cinq dernières années, tandis que d’autres étudiaient attentivement – semble-t-il – les articles figurant sur son site Internet. L’avocat de Muhammad al Jasem a indiqué à Amnesty International le vendredi 14 mai que ses demandes de visite et celles formulées au nom de la famille de son client avaient été ignorées. « Le Koweït soutient qu’il respecte la liberté de pensée et d’opinion mais le harcèlement dont fait l’objet Muhammad Abd al Qader al Jasem tourne cette affirmation en dérision, a affirmé Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. « Cet homme est un prisonnier d’opinion, détenu uniquement parce qu’il a exprimé son point de vue, et toutes les charges qui pèsent contre lui doivent être abandonnées. » Selon l’avocat de Muhammed al Jasem, le Premier ministre aurait déposé cinq plaintes pour diffamation contre son client et un proche de Sheikh Nasser Al Sabah en aurait déposé 10 autres. Muhammed al Jasem a été condamné à six mois d’emprisonnement le 1er avril pour diffamation, après avoir demandé la démission du Premier ministre et déclaré que celui-ci était incapable de diriger le pays lors d’une conférence qui s’est tenue en février. Il a été libéré moyennant une caution de 5 000 dinars koweïtiens (soit environ 14 000 euros) en attendant qu’il soit statué sur son appel. Le 2 avril, il a rédigé un article indiquant qu’il continuerait à exprimer ses opinions. Amnesty International a appris qu’il était de nouveau détenu alors même que les autorités koweïtiennes ont expliqué à la communauté internationale, devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies siégeant à l’occasion de l’Examen périodique universel (EPR), que la Constitution garantissait la liberté d’expression. « Mercredi, les autorités koweïtiennes ont affirmé au monde entier que la Constitution du pays est favorable à la liberté d’expression. Pourtant, les poursuites engagées contre Muhammad Abd al Qader al Jasem démontrent combien cette déclaration est déconnectée de la réalité à laquelle sont confrontées les personnes qui critiquent le gouvernement au Koweït », a ajouté Hassiba Hadj Sahraoui. Des représentants de l’État seraient actuellement en train d’analyser minutieusement tous les messages déposés par Muhammad al Jasem sur son blog depuis cinq ans ainsi qu’un livre paru en 2006, et ce en dépit des lois qui interdisent toute réclamation portant sur un ouvrage publié depuis plus de 90 jours. Le 22 novembre 2009, Muhammad Abd al Qader al Jasem a été arrêté et détenu pendant 12 jours après avoir critiqué le Premier ministre lors d’un entretien privé, qui avait eu lieu le mois précédent. L’arrestation et la détention de cet homme constituent une violation de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantit le droit à la liberté d’expression. Selon les experts des Nations unies spécialisés dans les droits humains, la diffamation de personnages publics, notamment d’hommes politiques, ne doit pas être érigée en infraction car ceux-ci « devraient être en mesure de tolérer davantage de critiques que les citoyens évoluant dans la sphère privée ». Ils ont également indiqué que la liberté d’opinion et d’expression englobait le droit de critiquer librement des hommes politiques et d’autres personnalités publiques.