Une Syrienne arrêtée après avoir écrit un roman politique

Amnesty International demande la libération d’une auteure syrienne arrêtée au cours de la deuxième semaine de février, après avoir écrit un roman qui décrit la situation politique dans son pays durant les années 1990. Raghdah Hassan est détenue au secret depuis qu’elle a été appréhendée, le 10 février, du côté syrien du point de passage d’al Arida, situé à la frontière entre la Syrie et le Liban. Elle risque d’être torturée ou de subir d’autres formes de mauvais traitements. Son premier et unique roman, qui n’a pas encore été publié et dont le titre se traduirait par Les Nouveaux Prophètes, aborde des thèmes politiques à travers l’histoire d’amour de deux prisonniers syriens. Trois jours après son arrestation, l’appartement de Raghdah Hassan, actuellement inoccupé, a été mis à sac et une version papier de son roman a été confisquée. Plusieurs publications politiques d’opposition ont également été saisies lors de la fouille, que l’on pense avoir été menée par les forces de sécurité syriennes. « Nous pensons que l’arrestation de Raghdah Hassan est liée à son intention de publier un roman abordant des questions politiques délicates, et au fait qu’elle est soupçonnée d’être un membre actif d’un parti politique de l’opposition », a déclaré Philip Luther, directeur adjoint du Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. Amnesty International croit savoir que Raghdah Hassan est actuellement détenue au bureau de la Sécurité politique à Tartous, une ville de la côte méditerranéenne du pays. La Sécurité politique est l’une des différentes forces de sécurité chargées d’arrêter, de placer en détention et d’interroger les personnes accusées d’infractions politiques. Les autorités syriennes n’ont pas dévoilé les raisons de l’arrestation de cette femme ni les charges retenues contre elle. « Raghdah Hassan semble être une prisonnière d’opinion, détenue uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression et, si tel est le cas, elle doit être libérée immédiatement et sans condition », a affirmé Philip Luther. Raghdah Hassan a été interrogée à plusieurs reprises par la Sécurité politique vers la fin de l’année 2009, notamment lorsque des agents sont allés la voir chez elle et à son travail. Les autorités ont exigé qu’elle signe une déclaration lui faisant promettre de ne pas publier son roman mais elle a refusé. Cette femme de 38 ans avait déjà été maintenue en détention pendant deux ans et demi, entre 1992 et 1995, sans avoir été jugée ni même inculpée, en raison de son appartenance supposée au Parti d’action politique (PAC). En 1995, elle avait été déférée devant la Cour suprême de sûreté de l’État et acquittée. Cette période passée en détention lui a inspiré son roman. Des restrictions sévères pèsent sur la liberté d’expression et d’association en Syrie, restrictions favorisées par les lois relatives à l’« état d’urgence » en vigueur depuis 1964. Seuls le Parti Baas et certains autres qui y sont liés sont officiellement reconnus en tant que partis politiques en Syrie, où les organisations de défense des droits humains ne sont pas autorisées à mener leurs activités. Les militants politiques, les défenseurs des droits humains, les blogueurs et les détracteurs du gouvernement sont en permanence harcelés, arrêtés de manière arbitraire et placés en détention. En mars 2009, Habib Saleh, qui milite en faveur de réformes, a été condamné à trois ans de prison pour « affaiblissement du sentiment national » et diffusion de « fausses informations » après avoir critiqué le gouvernement sur internet. Légende photo : Raghdah Hassan. Copyright: DR