Brésil : des terres en litige cédées à l’État

Au Brésil, un long conflit foncier qui opposait des travailleurs agricoles sans terre à une multinationale suisse, et avait provoqué la mort de deux hommes, a enfin pu être résolu.

La compagnie agrochimique Syngenta a cédé sa ferme expérimentale de l’État de Paraná au gouvernement local, ce qui a mis fin au violent litige concernant ce site.

Syngenta a pris cette mesure le 14 octobre 2008. Le gouvernement a promis d’utiliser la terre pour la production de semences locales destinées aux petits fermiers et aux pays pauvres ayant subi les dégâts provoqués par le passage des ouragans.

Syngenta utilisait la ferme de 127 hectares de Santa Tereza do Oeste pour tester ses cultures transgéniques. L’utilisation cette terre était contestée car elle contrevenait potentiellement à une loi relative à l’occupation et à l’utilisation des sols, mais aussi parce que les terres en question auraient pu servir à l’installation d’ouvriers agricoles sans terre.

Deux hommes ont été tués après l’occupation de cette ferme par deux mouvements d’ouvriers agricoles, MST et Via Campesina, le 21 octobre 2007. Quarante employés armés de NF Segurança, la compagnie de sécurité privée chargée par Syngenta de protéger la ferme, avaient expulsé les protestataires de façon illégale et violente, causant la mort de Valmir Motta de Oliveira (connu sous le nom de Keno), leader du MST, et de l’agent de sécurité Fabio Ferreira.

Dans l’État du Paraná, des mouvements de défense des droits humains et des personnes militant pour le droit à la terre avaient déjà fait l’objet de menaces et de tentatives d’intimidation de la part d’un certain nombre de groupes formés par des propriétaires terriens. Le 18 octobre 2007, au cours d’une audience publique, des groupes de militants locaux ont présenté à la Commission des droits humains de l’État un dossier de preuves mettant en lumière les activités d’hommes armés agissant pour le compte de propriétaires fonciers et d’entreprises agricoles. Selon ce rapport, ces hommes opèrent en dehors de tout contrôle juridique, usant souvent de méthodes violentes et illégales pour expulser de force, menacer et attaquer des militants pour le droit à la terre.

Plusieurs enquêtes concernant les agissements illicites de NF Segurança, y compris une procédure relative au meurtre de Keno, ont abouti à la révocation de la licence de cette société. Celle-ci a entamé une procédure d’appel et poursuit ses activités pour le moment.

Amnesty International a expliqué qu’il fallait impérativement que les autorités fédérales et locales du Brésil prennent des mesures pour contrôler le foisonnement des entreprises de sécurité irrégulières ou illicites, nombre de ces dernières agissant de facto comme des milices illégales au service des propriétaires terriens ou de l’industrie agro-alimentaire.

« Il est essentiel que les autorités locales et fédérales ouvrent des enquêtes sur les personnes, organisations ou entreprises qui utilisent des compagnies de sécurité responsables d’atteintes aux droits humains ou d’agissements criminels, a déclaré Susan Lee, directrice du programme Amériques d’Amnesty International. Ceux qui n’auront pas sélectionné ou supervisé adéquatement la compagnie de sécurité à laquelle ils ont fait appel devront rendre des comptes. »

Le procès des personnes soupçonnées des homicides de Keno et de Fabio Ferreira doit commencer en novembre. Amnesty International demande aux autorités de veiller à ce que cette procédure soit conforme aux normes internationales en matière d’équité des procès.

« Il faut absolument que les vrais responsables de ces morts soient traduits en justice, afin de mettre un terme à la longue impunité entourant les homicides en milieu rural et à la protection indue de certains intérêts économiques et politiques », a ajouté Susan Lee.