Les droits des migrants sont des droits humains

Une personne sur 35 vit en dehors de son pays de naissance. Il s’agit souvent d’un travailleur migrant ou d’un membre de sa famille. Les raisons qui peuvent pousser un individu à la migration sont nombreuses: le besoin de fuir la pauvreté, les inégalités ou un conflit; la recherche de meilleures possibilités de travail ou d’études, ou même le désir de vivre dans un environnement plus propre ou sous un climat plus clément. Les raisons sont souvent multiples et les circonstances dans lesquelles une personne quitte son pays sont parfois complexes.

Aussi bien pendant le voyage qu’à l’arrivée dans le pays de destination, les travailleurs migrants peuvent être victimes de toute une série d’atteintes à leurs droits fondamentaux, que leur statut d’étranger risque d’intensifier encore davantage. De nombreux migrants vivent sous la menace quotidienne d’être arrêtés arbitrairement et illégalement, voire détenus dans des conditions peu satisfaisantes. Parfois, ils ne perçoivent pas leur salaire et leurs documents d’identité sont confisqués.

Bafouant les droits des personnes, certains États ont recours à la détention prolongée ou indéfinie pour freiner l’immigration clandestine. En Malaisie, les migrants soupçonnés d’être en situation irrégulière peuvent être harcelés et placés en détention dans des cellules fortement surpeuplées où les conditions d’hygiène sont déplorables. Il arrive que les responsables des services de l’immigration ou de la détention les soumettent à des violences physiques ou verbales.   

Sajad Hussain Wani, un Pakistanais qui faisait des études en Malaisie, a été détenu pendant plus de cinq semaines dans le centre de détention de Sepang, près de Kuala Lumpur, et il aurait été torturé. Il avait été placé en détention au motif que son autorisation de séjour avait expiré. En fait, son visa d’étudiant était toujours valide mais il aurait été arrêté à la demande de son ancienne petite amie. D’après les informations fournies, il a été frappé et brûlé, notamment sur les parties génitales, à l’aide de cigarettes. Il a été détenu sans inculpation jusqu’au 9 novembre, date à laquelle il a finalement été présenté devant un juge, qui a déclaré sa détention illégale et a ordonné sa libération immédiate.

En Malaisie, la précarité des travailleurs migrants est rendue encore plus aiguë par le fait que la milice civile armée connue sous le nom de RELA (Corps des volontaires du peuple) effectue régulièrement des descentes pour arrêter les personnes soupçonnées d’immigration irrégulière. Le RELA a été créé par le gouvernement dans le but d’assurer «le maintien de la sécurité dans le pays et le bien-être du peuple». Ses membres n’ont aucune formation, ne sont soumis à aucun contrôle lors de leur recrutement et n’ont à rendre compte à aucun mécanisme chargé de surveiller des actions du RELA.

Et pourtant, les pouvoirs étendus conférés à ce groupe lui permettent d’interpeller, d’interroger et d’arrêter quiconque est soupçonné d’être un terroriste, une personne indésirable ou un «immigrant illégal». Les membres du RELA auraient, au cours de ces descentes, frappé des migrants à coups de poing et de pied et détruit leurs biens et notamment leurs documents d’identité, qu’ils omettent d’ailleurs souvent de vérifier durant leurs opérations.  

En Corée du Sud, quelque 230 000 travailleurs migrants en situation irrégulière vivent sous la menace constante d’être arrêtés, placés en détention et renvoyés dans leur pays. Quant aux migrants en situation régulière, il arrive que leurs employeurs confisquent et retiennent leurs papiers. Dépourvus de moyens d’identification, ils peuvent alors être arrêtés par les autorités. Une révision de la loi sud-coréenne relative à l’immigration est actuellement en cours, l’objectif étant de donner aux forces de sécurité le pouvoir de fouiller les migrants, de perquisitionner chez eux ou de les placer en état d’arrestation sans mandat.  

Par ailleurs, les migrants risquent la détention parce qu’ils cherchent à obtenir des améliorations dans leurs conditions de travail. Trois hauts responsables du Syndicat des travailleurs migrants ont ainsi été incarcérés le 27 novembre puis expulsés, le 13 décembre, sans aucun respect des procédures légales. Le Syndicat des travailleurs migrants participe à une campagne contre le projet de modification de la loi relative à l’immigration. Bien que la raison «officielle» invoquée pour justifier l’arrestation de Kajiman Khapung, Raju Kumar Gurung et Abul Basher M. Moniruzzaman est qu’ils n’étaient plus en possession de papiers les autorisant à demeurer en Corée du Sud, Amnesty International estime qu’ils ont été détenus pour avoir exercé leurs droits du travail et considère qu’ils ont été prisonniers d’opinion.  

Le droit d’adhérer à un syndicat légalement autorisé est inscrit dans la Constitution sud-coréenne. En février 2007, la haute cour de Séoul a confirmé que tout travailleur migrant, même en situation irrégulière, est en droit d’adhérer à des syndicats autorisés, mais le ministère du Travail aurait interjeté appel de cette décision.

À la détention arbitraire et collective des travailleurs migrants s’ajoute la menace de l’expulsion, d’autant plus que les personnes concernées risquent de ne pas pouvoir exercer leur droit de contester l’ordre de détention ou d’expulsion. Ainsi, les Haïtiens qui vivent et travaillent en République dominicaine font régulièrement l’objet de contrôles d’identité effectués par des agents des services de l’immigration et peuvent être incarcérés et éventuellement maltraités; parfois, des expulsions collectives ont lieu sans aucun respect des procédures légales.  

Il arrive aussi que les agents de l’immigration dominicaine refusent de reconnaître la validité de documents. Le problème a pris une telle ampleur qu’il touche des milliers d’enfants dominicains d’origine haïtienne qui, tout en ayant la nationalité dominicaine, sont traités comme des migrants en situation irrégulière.

La petite Matilde [le prénom a été changé], âgée de huit ans, était l’une de six enfants arrêtés par les services de l’immigration le 4 janvier 2006 dans les rues de Saint-Domingue (la capitale de la République dominicaine). Un agent l’a frappée si fort qu’elle s’est mise à saigner de la bouche. Dans le centre de détention Vacacional de Haina, non loin de Saint-Domingue, où elle avait été placée, elle aurait été insultée et menacée par les agents des services de l’immigration. Matilde a été libérée le lendemain lorsqu’un défenseur des droits humains a apporté au bureau de l’immigration la preuve de sa nationalité dominicaine.

La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (Convention des travailleurs migrants) cherche à promouvoir et à protéger les droits des travailleurs migrants. Ce texte est l’un des principaux traités relatifs aux droits humains et a pour but de faire reconnaître expressément les droits fondamentaux de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. L’un des nombreux droits garantis par cette Convention est le droit des travailleurs migrants et des membres de leur famille de jouir de la liberté et de la sécurité et d’être protégés contre l’arrestation ou la détention arbitraires.

À l’occasion de la Journée internationale des migrants, Amnesty International appelle les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la Convention des travailleurs migrants. Elle y encourage en particulier les gouvernements de la Malaisie, de la Corée du Sud et de la République dominicaine. Elle demande également aux États qui ont ratifié la Convention de l’appliquer et d’intégrer ses dispositions dans leur législation nationale.