Dans l’ombre des industries en République du Congo

L’activité industrielle de la République du Congo est concentrée sur son littoral. C’est là que sont extraits le pétrole – principale source de revenus du pays – et d’autres matières premières comme la potasse, le phosphate et l’or. En outre, de plus en plus d’entreprises de recyclage de déchets provenant d’autres pays s’y implantent (de même que dans d’autres régions d’Afrique, depuis que des pays comme l’Inde ou la Chine ont renforcé leur réglementation).

Malheureusement, les lois de la République du Congo censées contrôler les activités de ces entreprises sont souvent insuffisamment appliquées. De ce fait, les populations vivant à proximité du poumon économique du pays se trouvent exposées aux effets de ces industries sur leur environnement, leur santé et leurs moyens de subsistance. Elles continuent également à faire face à des pénuries, avec notamment de graves problèmes d’accès à l’eau et aux soins.

Regardez cette vidéo pour découvrir comment les habitant·e·s de Vindoulou, un quartier de Pointe-Noire, luttent contre une entreprise de recyclage installée juste à côté d’une école primaire de leur quartier.

Ce que dit la loi

La République du Congo se targue souvent de montrer l’exemple en matière de protection de l’environnement. Le pays s’est doté de divers programmes de conservation relatifs à la forêt du Bassin du Congo et d’un cadre législatif solide en matière d’environnement, dont un décret de 2009 exigeant des entreprises qu’elles procèdent à des études d’impact sur l’environnement avant de pouvoir mener des activités, et une loi de 2023 relative à la gestion durable de l’environnement. Une fois que les entreprises obtiennent l’autorisation de mener leurs activités, l’État est tenu de réaliser des évaluations trimestrielles pour vérifier si elles respectent la législation environnementale et de prendre des mesures si ce n’est pas le cas. La législation congolaise exige également que les entreprises responsables de dégradations de l’environnement restaurent les écosystèmes et indemnisent les personnes touchées.

En vertu du droit international et des normes internationales, les entreprises ont la responsabilité de respecter les droits humains, et les États doivent également s’assurer que les entreprises agissent de façon responsable, conformément à leurs obligations en matière de droits humains et de protection de l’environnement.

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La réalité

Bien que ces lois et obligations internationales existent en théorie, leur application concrète est moins évidente. Les études menées par Amnesty International sur les industries dans les départements de Pointe-Noire et du Kouilou ont montré que les études d’impact sur l’environnement requises ne sont pas toujours effectuées. Même lorsqu’elles sont menées, elles sont rarement rendues publiques et demeurent donc globalement inaccessibles à la population, en dépit du « droit à l’information » garanti par les traités internationaux relatifs aux droits humains. L’impact réel des industries sur l’environnement, les moyens de subsistance et la santé des populations leur est bien trop souvent dissimulé.

NOS RECHERCHES

Nous avons concentré nos recherches sur deux entreprises pétrolières implantées près des villages de Djeno et Banga Kayo et une entreprise de recyclage située dans le quartier de Vindoulou, dont les activités affectent la qualité de la terre, de l’eau et de l’air. Nos recherches ont également mis en évidence le fait que l’État et les entreprises n’ont pas honoré leurs obligations internationales et nationales dans ces contextes et que, en conséquence, les droits humains des populations ont été bafoués.

Recommandations

Les recherches d’Amnesty International montrent que, dans l’ombre des industries qui font la richesse du pays, la population souffre à la fois de la pollution de l’environnement et des atteintes à ses droits à l’eau et à la santé.

Parmi les nombreuses recommandations qu’elle formule à cet égard, Amnesty International appelle le gouvernement de la République du Congo à prendre les mesures suivantes :

  • Veiller à ce que les entreprises agissent de manière responsable et respectent leurs obligations en matière d’environnement et de droits humains ;
  • Examiner régulièrement les études d’impact sur l’environnement, conformément à la loi de 1991 sur la protection de l’environnement ;
  • Rendre publiques toutes les analyses environnementales réalisées par les autorités ;
  • Veiller à ce que toutes les entreprises réparent l’ensemble des dégradations de l’environnement liées à leurs activités et indemnisent les victimes, conformément à la loi ;
  • Utiliser toutes les ressources disponibles pour faire respecter les droits économiques et sociaux de la population, y compris l’accès à l’eau et aux soins de santé.

En ce qui concerne plus particulièrement les cas mis en avant dans le rapport, Amnesty International appelle le gouvernement de la République du Congo à prendre les mesures suivantes :

  • Effectuer des évaluations plus régulières du niveau de pollution dans la lagune de Loubi et en rendre les résultats publics ;
  • Faire en sorte qu’un audit soit immédiatement réalisé en ce qui concerne la fuite survenue en 2022 sur l’oléoduc entre le champ pétrolifère de Banga Kayo et le terminal pétrolier de Djeno, en rendre les résultats publics et veiller à ce que les dégradations de l’environnement soient réparées comme il se doit, de même que les éventuelles autres répercussions négatives sur les droits humains des populations ; Enquêter sans délai sur les conséquences des activités de l’entreprise pour tout l’éventail des droits de la population environnante, y compris le droit à un environnement propre, sain et durable. Rendre le rapport public et, si les résultats confirment l’impact négatif sur les droits humains, prendre des mesures correctives immédiates en faveur de la population de Vindoulou, y compris la relocalisation de l’entreprise de recyclage Metssa Congo vers une zone industrielle ;
  • Réparer et moderniser toutes les installations du projet « Eau pour tous » afin d’assurer un accès permanent et sûr à l’eau, et doter le centre de santé de M’Bokou du personnel médical et des médicaments nécessaires pour que la population locale puisse jouir du droit à la santé.

Amnesty International appelle les entreprises présentes en République du Congo à respecter les droits humains, conformément aux normes internationales, y compris les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Cela signifie que leurs activités ne doivent pas participer ni contribuer à des atteintes aux droits humains. Ces entreprises doivent faire preuve de transparence quant aux effets potentiels de leurs activités et aux mesures qu’elles prennent pour atténuer ces effets, et fournir un recours effectif à toutes les personnes touchées par leurs activités. Plus généralement, Amnesty International appelle le gouvernement de la République du Congo à adopter et à mettre en œuvre un plan de transition juste pour arrêter progressivement la production de pétrole et de gaz selon des modalités qui soient compatibles avec les droits humains de la population locale, y compris les travailleuses et travailleurs et les populations qui dépendent de l’extraction de combustibles fossiles. Comme Amnesty International l’a démontré dans son rapport Funestes fossiles, l’extraction de combustibles fossiles porte bien trop souvent préjudice aux populations attenantes et contribue à la répression des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion dans le pays concerné, ainsi qu’à aggraver la crise climatique. Il est nécessaire de fixer des objectifs en ce qui concerne la réduction de la production d’ici à 2030, et le processus de cessation des activités doit être achevé au plus tard en 2050, conformément aux éléments factuels communiqués par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Agissez maintenant

Soutenez le quartier de Vindoulou dans sa lutte pour un environnement sûr

envoyez un tweet

@ASoudanNonault, nous vous prions de diligenter une enquête sur l’impact en matière de droits humains de l’usine Metssa Congo à Vindoulou et de prendre sans délai toutes les mesures correctives qui s’imposent.

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